"Nous l'observons depuis des mois : la déconnexion entre les annonces de la politique nationale et ce que vivent nos concitoyens n'a cessé de s'accentuer. Les résultats des dernières élections régionales comme leur taux d'abstention massif l'attestent. La déception est d'autant plus forte qu'elle a succédé à beaucoup d'espoir (peut-être trop) suscité par la campagne présidentielle. Le risque de découragement est aujourd'hui si grand qu'il nous semble urgent de répondre à une triple exigence.

D’abord rappeler la vérité. La dette est énorme, et tout le monde sait qu'il faudra la rembourser. La question des retraites est liée à l'allongement de la durée de la vie, et tout le monde sait qu'il faudra cotiser plus longtemps. La santé et la présence médicale ont un coût, et tout le monde sait qu'il faudra trouver des financements.

Sur ces sujets majeurs, comme sur la réforme territoriale, les Français sont bien plus lucides qu'on ne le dit généralement. Ils n'attendent des hommes politiques ni mesures magiques ni miracles.

En revanche, ce qu'ils expriment, de façon parfois même désespérée, c'est un manque cruel de perspectives communes, sur tous ces sujets, qui permettent de dépasser les intérêts et les réponses catégorielles en faisant appel à l'intérêt général.

Proposer un effort collectif. Dans un monde en plein bouleversement, le risque de décrochage pour notre pays est réel. La dette atteint près de 1 500 milliards d'euros et il faudra des années pour redresser notre situation financière.

La maîtrise de la dépense publique – nécessaire – n'y suffira pas. Et nous sommes convaincus qu'il faudra également augmenter les recettes fiscales. Double effort donc, qui demande que l'on hiérarchise les réformes, que l'on fixe des priorités, qu'on y consacre le temps du dialogue et de l'explication.

Assurer un plus juste partage de l'effort demandé. Avec la crise, le bouclier fiscal va apparaître comme une injustice de plus en plus grande. Où trouve-t-on les ressources pour maintenir une couverture santé dans laquelle la dépendance pèse de plus en plus lourd ? Si l'on doit faire appel à la CSG, il serait inconcevable que ceux qui bénéficient du bouclier fiscal ne participent pas à cet effort.

De même, la réforme des retraites, parfaitement diagnostiquée, réclame non seulement notre courage mais aussi des signes d'équité. L'effort promis et tenu sur le minimum retraite (+ 25 % sur cinqans) n'empêche pas certaines "retraites chapeau" d'apparaître comme de véritables provocations.

Même si, globalement, cela ne représente pas des sommes à la hauteur des enjeux, ce sont des signes inacceptables, comme sont inacceptables certains écarts de rémunération proprement insensés récemment affichés.

Redisons que, de ce point de vue, la fiscalité peut être un outil d'équité. C'est pourquoi nous demandons la suspension du bouclier fiscal et déposerons à cet effet une proposition de loi.

Voilà longtemps que notre pays entretient un rapport particulier à la politique en lui demandant du sens. Aujourd'hui, trop de Français ne perçoivent plus ce sens qui appelle à vivre ensemble, à construire un avenir commun.

Dans une société qui s'émiette et se fragilise dangereusement, donnons des signes pour redonner du sens."


Jean-Paul Anciaux, député de Saône-et-Loire; Loïc Bouvard, député d'Indre-et-Loire;Marc Bernier, député de Maienne; Pierre Cardo, député des Yvelines; René Couanau, député d'Ille-et-Vilaine; Jean-Yves Cousin, député du Calvados; Jean-Pierre Decool, député du Nord; Jean-Pierre Giran, député du Var; Jean Grenet, député des Pyrénées-Atlantiques; Marie-Anne Montchamp, député du Val-de-Marne; Michel Piron, député de Maine-et-Loire; Michel Raison, député de Haute-Saône; Jean-Marie Rolland, député de l'Yonne