La Cour de cassation a reconnu le mardi 11 mai, que les travailleurs de l'amiante pouvaient bénéficier d'une indemnisation pour préjudice d'anxiété. Elle a en revanche refusé de leur reconnaître tout préjudice économique. Les anciens salariés de ZF Masson dans l'Yonne, devront retourner devant la Cour d'appel.
 
Le 18 septembre 2008, la cour d'appel de Paris avait offert une première victoire aux travailleurs de l'amiante, en jugeant que 36 d'entre eux, partis en préretraite dans le cadre de l'Acaata ( allocation de cessation anticipée d'activité, correspondant à 65 % de leur salaire), avaient subi un "préjudice économique" et devaient être indemnisés. 
C'était la première fois qu'une cour d'appel reconnaissait que des salariés qui avaient, à cause de l'amiante, vu leur espérance de vie diminuer et leurs revenus chuter de 35%, pouvaient réclamer des dommages et intérêts à leur employeur, coupable de "négligence fautive".
A ce titre, elle avait condamné leur employeur, ZF Masson (entreprise installée à St-Denis-les-Sens dans l'Yonne, spécialisée dans la production de réducteurs pour la Marine et de disques de freins), à leur verser des dommages et intérêts compris entre 1.600 et 52.000 euros par salarié, soit un total de 800.000 euros. ZF Masson s'était pourvu en cassation. La Cour a cassé totalement la décision et renvoyé le dossier devant la cour d'appel de Paris.

Rejet du "préjudice économique"

Pour la plus haute autorité judiciaire, un salarié qui a demandé à bénéficier de l'Acaata ne peut réclamer en sus, devant les prud'hommes, la "réparation d'une perte de revenu". Une interprétation qui réjouissait l'entreprise, heureuse que la justice "confirme qu'elle a  respecté la législation en vigueur en matière d'amiante et n'a pas commis de faute". En revanche, la haute juridiction a reconnu que l'employeur fautif devait bien dédommager ses salariés pour "un préjudice spécifique d'anxiété". En effet, admet-elle, les salariés ont travaillé "dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante" et ont été "amenés à subir des examens réguliers propres à réactiver cette angoisse". Cette décision est importante car elle va permettre à plusieurs dizaines de milliers de salariés de réclamer une telle indemnité. Restera aux différentes juridictions à évaluer ce préjudice, chiffré à 7.000 euros par la cour d'appel de Bordeaux. Pour ce qui est de ZF Masson, la Cour a cassé totalement la décision et renvoyé le dossier devant la cour d'appel de Paris.
Pour Maître Jean-Paul Teissonnière, défenseur des anciens salariés icaunais, le rejet du "préjudice économique" est "décevant". A ce jour, a-t-il déploré, "la catastrophe de l'amiante n'a pas coûté un sou aux employeurs responsables".