C'était un humble, un homme rare. Attentionné, toujours attentif aux autres, où qu'il se trouva, disponible et ne demandant qu'à rendre service, de jour comme de nuit. C'était aussi un organisateur incomparable, sachant tout faire et où tout trouver. Il a ainsi dépanné des milliers de personnes. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il a aidé et accompagné bien des personnes en situation difficile et précaire. Dans la plus parfaite discrétion. Il était toujours du côté des pauvres et des faibles.

Il est parti vite, à 64 ans, et il savait qu'il allait partir. Fidèle à lui-même, Il a tout prévu, tout organisé, les chansons de son enterrement, le gâteau et la marquise fabriqués par lui, à servir lors du pot de l'amitié après l'inhumation au cimetière. Dans la cour de sa maison le Léon à Givry, qu'il a complètement restaurée la retraite venue, il n'y a pas très longtemps.

L'enfant de Givry qui sonnait les cloches de l'église où il fut enfant de choeur, animait la cour de récréation et d'autres cours en faisant fonctionner des machines à vapeur. Il était doué pour la mécanique et désossa bien des motos avant de se mettre au vélo pour sillonner les routes de l'Yonne avec les cyclotouristes. Electricien, il a passé l'essentiel de sa carrière professionnelle dans la coopérative l'Yonne Républicaine où, longtemps, il fut élu au conseil d'administration et au comité d'entreprise. Il était de la classe des Langet, Sarfati, Delorme, Gaye et Vaudevire. Comité des fêtes à droite et à gauche, amicale des retraités, cross, handicapés, il a servi nombre d'associations tant à Auxerre, Venoy que Givry. Il s'est aussi passionné pour la photo et n'avait de cesse d'en faire profiter les autres, leur livrant des tirages réalisés dans son grenier transformé en laboratoire à Venoy.

Il était vivant, bien vivant Gérard Colin et croquait dans la vie à pleine dents. Les anecdotes savoureuses ne manquent pas, elles ne tiendraient pas dans un livre.

"Allez, roule ma poule..."

Il nous souvient qu'un jour, la Wifag, la rotative "Rolls Royce" de l'Yonne Républicaine des années 70-80, tomba, un soir, en panne, au plus mauvais moment, c'est-à-dire peu avant que le monstre ne doive se mettre en route pour débiter les 50 000 exemplaires du journal.  Electro-méncaniciens sur place ainsi que l'ingénieur s'affairaient auprès de la bête qui semblait éteinte. En vain. Arriva notre Collin qui était de service de nuit et venait d'un arrosage qui s'était avéré sévère. Il inspecta la machine et ses dérivés, toisa une boîte électrique, la secoua un bon coup, l'ouvrit, manipula on ne sait pas bien quoi avant de déclarer avec placidité au boss conducteur Dargère : "Allez, roule... ma poule... fais un effort..." Les autres n'en croyait pas leurs yeux, mais la machine démarra, à la stupéfaction générale.

Plus tard, car tout le monde s'empressait du fait du retard, lorsqu'on demanda à Gérard ce qu'il avait fait, il répondit avec ses peitit yeux rieurs : "Je n'en sais rien, mais elle est repartie."

Ils sont venus nombreux, jeudi après-midi, pour dire au revoir à Gérard. L'église était comble et fraîche et la place devant l'église était pleine où avait été placée une sonorisation. Ce fut une cérémonie poignante mais pas triste, à l'image de Gérard. Un long cortège serpenta dans les rues du beau village inondé de soleil pour suivre le corbillard jusqu'au cimetière perché sur la colline qui embrasse un paysage panoramique époustoufflant de sérénité et d'équilibre, à vol d'oiseau de la colline éternelle, Vézelay.

Avec beaucoup de simplicité et de convivialité, la cérémonie ultime conduisit le cercueil où repose la dépouille de Gérard Collin dans le caveau familial où il a rejoint son fils.