Le drapeau américain qui domine le Capitole à Washington est en berne. Le nouveau Congrès (Chambre et Sénat), à peine inauguré, mercredi dernier, va ajourner son calendrier, pourtant très chargé, de la semaine qui vient - y-compris une révocation pro-forma à la Chambre de la nouvelle loi sur l’assurance médicale votée il y a un an. Etant donné que c’est bien un “Lone Wolf” (loup solitaire) et non un groupe politique, qui est la cause du drame, chaque membre du Congrès se sent vulnérable. Comment contrôler des individus solitaires opérant dans les ombres de leur propre folie?

Les événements tragiques de samedi, à Tucson dans l’Arizona, maintenant mieux compris avec les nouvelles informations qui arrivent presque chaque minute, endeuillent toute l’Amérique et rapprochent les tendances politiques, hier opposées.

D’abord parce que la principale victime, Gabrielle Guiffords, est une jeune femme (40 ans) énergique, brillante, charmante et appréciée par tous ses collègues, démocrates ou républicains. En fait, elle était elle-même ce qu’on appelle ici une “Blue Dog Democrat”, soit une démocrate centriste, donc avec des sympathies républicaines. Image parfaite pour unifier le pays. En plus, son mari est un Capitaine de l’U.S. Navy et astronaute qui serait en ce moment en orbite si la prochaine navette spatiale n’avait pas été retardée en décembre pour problèmes techniques.

Ensuite, parce que c’était un samedi matin paisible dans les faubourgs de la très belle ville de Tucson, dans l’Arizona, environ 200 km au sud du Grand Canyon... Rien de très dramatique ne devait s’y passer, sinon un petit rallye politique par la “Congresswoman Guiffords” qui voulait écouter les joies et soucis de ses concitoyens, eux qui venaient de la réélire pour un troisième mandat à la Chambre. Trois jour avant, elle était au Capitole à Washington, prêtant serment de “respecter et préserver la Constitution américaine,” rite de passage tous les deux ans pour confirmer les nouveaux élus.

On sait maintenant qu’elle était la cible avérée de ce jeune voyou, 22 ans et malfrat (il avait déjà un casier judiciaire et avait été éjecté de son école). Il a laissé des notes chez lui qui ne laissent aucun doutes, ni sur son état mental, ni sur sa cible. Il a été inculpé ce matin et risque la peine de mort, puisque parmi les six tués, il se trouve un juge fédéral. Il la visait en premier, mais aussi ses sympathisants, environ 200 au moment du premier coup de feu. Il y eut vite 6 tués et 13 blessés, don’t le plus grave était Gabrielle Guifford.

Parmi les six tués se trouve aussi une petite fille de 9 ans, Catherina Green, qui voulait devenir politicienne... Le fait qu’elle était née le 11 septembre 2001 n’était pas étranger à ce rêve. Elle avait absolument voulu aller rencontrer Gabrielle Guiffords, mais ses parents étant occupés avec son petit frère, c’est une voisine qui l’a emmenée au rallye. La voisine est indemne. Le sort peut être cruel.

Finalement, il y a aussi une héroïne dans ce drame. Son nom vient d’être révélé il y a moins d’une heure: Patricia Maisch. Après que le jeune meurtrier a tiré à bout portant son premier chargeur de 20 balles, il s’apprêtait à engager son deuxième chargeur. Patricia comprit et tenta de lui arracher le chargeur. Il  eut un combat, mais le meurtrier fini par se débarrasser de Patricia – sans la blesser – et se mit à recharger. Mais l’emboîtement du chargeur se bloqua, ce qui permit à deux hommes de faire un tackle sur le meurtrier et de le maîtriser. Ainsi, une vingtaine d’autre victimes furent très probablement épargnées.

Il y a souvent des rayons de soleil ans les orages les plus terribles. Et puis, parfois, un arc-en-ciel.


                                                                                                                                             
© Philippe H. Defechereux