Modélisation des rejets radioactifs dans l'atmosphère à l'échelle globale (IRSN / Meteo France)

Le site de l'INRSN

L'arrivée annoncée en France de l'air contaminé à la centrale de Fukushima n'a rien de rassurant. Mais rien d'inquiétant pour le moment non plus, s'accordent à dire les experts. Quelques explications.

D'où vient l'air contaminé ?

Des relâchages volontaires de vapeur d’eau contaminée pour diminuer la pression dans les enceintes des réacteurs de Fukushima. Se forme alors un panache, à distinguer du nuage radioactif, formé, comme son nom l'indique, quand un nuage se charge de matière radioactive à la rencontre d'air contaminé. Au fur et à mesure de sa dispersion par les vents, le panache se dilue. Si bien qu'en France, à plus de 10 000 kilomètres de Fukushima, il faudrait plutôt parler de masse d'air contaminée. 

Qu'y a-t-il dedans ?

Des gaz rares (xénon, krypton...) et des particules en suspension dans l’air (iode, césium, strontium). Les gaz rares sont des éléments radioactifs qui restent dans l’atmosphère sans se déposer au sol. Les particules volatiles comprennent principalement de l’iode radioactif, dont l’iode 131 qui a une période radioactive de huit jours, et du césium radioactif, dont le césium 137. Elles se déposent au sol (a fortiori s'il pleut) et sont alors susceptibles d'intégrer la chaîne alimentaire.

Où en est-il et où va-t-il ?

Poussé par les vents vers le Pacifique, le panache a atteint le nord-est de la Sibérie, les Etats-Unis et l’ouest de l’Atlantique. Les résidus ont atteint lundi les Antilles, étaient attendus mardi au dessus de Saint-Pierre et Miquelon et devraient survoler la France métropolitaine mercredi ou jeudi.

C'est dangereux ?

Dans la zone de Fukushima, où l’environnement radiologique a pu atteindre des valeurs extrêmes, sans aucun doute. Au large de la centrale, les prélèvements d’eau de mer réalisés à 100 mètres de la berge montrent d'ores et déjà des niveaux en iode 131 de l’ordre de 100 fois supérieurs à la norme japonaise. Mais en France, normalement non, car il ne restera du panache que des quantités infimes, rassurent de concert les autorités du nucléaires mais aussi la Criirad, qui est un labo indépendant.

Sur le territoire, la radioactivité restera à «des niveaux extrêmement bas (...), 1000 à 10.000 fois moins que les retombées de Tchernobyl» en 1986, a insisté hier le président de l'Autorité de sûrété nucléaire (ASN) André-Claude Lacoste.

Dans les jours suivant l’accident de Tchernobyl, la concentration en matières radioactives (césium 137) dans l'air dépassait 100 000 Bq/m3 (becquerel par mètre cube, l'unité de mesure de la radioactivité) dans les premiers kilomètres autour de la centrale, rappelle l'IRSN. Elle était de l’ordre de 100 à 1000 Bq/m3 dans les pays les plus touchés par le panache radioactif (Ukraine, Biélorussie) et de 1 à 10 Bq/m3 le 1er mai 1986 dans l'est de la France.

Soit bien plus que les concentrations aujourd'hui prévues par l'IRSN en France métropolitaine, de l’ordre de 0,001 Bq/m3. «Il est tout à fait clair qu'à ce niveau de concentration, il n'y a aucune conséquence possible en termes de santé pour les Français, aucune conséquence possible non plus sur les niveaux maximum (de radioactivité) retenus par les aliments (...). Nous sommes tout à fait formels», insiste André-Claude Lacoste.

La concentration pourrait être si minime que les 170 balises de IRSN qui surveillent en permanence le taux de radioactivité du territoire français (voir les mesures iciactualisées toutes les quatre heures) pourraient ne pas détecter les particules du panache en France.

La Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité ) a mené sa propre évaluation prévisionnelle. Résultat, là aussi, «globalement rassurant» : «Sur la base des éléments qu’elle a pu collecter, la Criirad considère que le risque d’irradiation par les masses d’air contaminé sera négligeable».

Même Greenpeace estime que le risque est minime: «La petite quantité de particules dangereuses au regard de la distance et de la taille du territoire couvert limitent les chances d’être victimes d’une contamination. Dans l’état actuel de nos connaissances aucune mesures particulières ne sont recommandées. Il serait inutile de rester confiné chez soi mercredi ou jeudi.»

Mais l'organisation rappelle d'une part que l'on manque encore de données pour être totalement affirmatif (point que soulève aussi la Criirad), de l'autre que «à mesure que le temps et la distance augmentent, la dangerosité des produits rejetés s’amoindrit mais ne disparait jamais complètement».

Y a-t-il des précautions à prendre ?

Non, à en croire Patrick Gourmelon, directeur de la radioprotection humaine de l'IRSN : «Les enfants peuvent sortir, il est inutile de les cloîtrer ou de se précipiter dans les pharmacies pour acheter des comprimés d'iode.»

La Direction générale de la Santé relativise aussi, dans un message adressé aux pharmaciens (pdf ici): «Dans ce contexte, les autorités sanitaires rappellent qu’il n’y a pas lieu de prescrire ou de délivrer de l’iode ou des compléments alimentaires en contenant.»