Jorge Semprún était avant tout un ancien déporté. Son corps en portait les stigmates et sa volonté de vivre en était farouche. Son attention aux autres se révélait profonde, cependant contrariée par un instinct qui le poussait brusquement vers l'essentiel.

Lorsqu'il était venu inaugurer la bibliothèque qui porte son nom à Villeneuve-sur-Yonne le 13 novembre 2004, il avait expliqué sa démarche :

"J’ai une double motivation ; divers lieux ou bâtiments portent déjà mon nom, mais c’est la première bibliothèque, en France et même dans le monde, qui m’ait sollicité ; pour moi, baptiser un lieu de culture collectif et populaire est très important.

"La deuxième raison, c’est que des liens anciens et très forts me lient à cette région : j’étais résistant dans l’Yonne, j’ai été arrêté par la Gestapo à côté de Joigny et mes faux papiers étaient au nom de Gérard Sorel, jardinier à Villeneuve. J’ai passé quatre mois, d’octobre 43 à janvier 1944, dans la prison d’Auxerre, avant d’être transféré dans les camps. Revenir ici, 61 ans après, est émouvant."

Un co-détenu à Auxerre nommé Jean Léger...

Jorge Semprun se souvient de son séjour de 4 mois à la prison d'Auxerre. Il était hébergé chez la résistante irène Chiot caunaise originaire de Perreux dans l'Aillantais ainsi que Michel Herr (Jacques Mercier ») Ils avaient été arrêtés suite à une descente de la Gestapo au domicile d'Irène Chiot. Ils furent surpris dans leur sommeil. Irène Chiot soupçonnée de sabotage. Le 7 octobre 1943, un commando composé d’Irène Chiot, de Paula Buschillot, de Roger Rouard et de George Vannereux avait organisé le sabotage d’un train allemand stationné à Pontigny. Irène Chiot fut torturée dans une petite pièce de l'Hôpital psychiatrique d'Auxere en face de la prison, où une plaque commémore ce lieu d'inhumainté. Elle décéda au camp de Ravensbrück après avoir été transférée d'Auxerre à Compiègne. Jorge semprun évoque son emprisonnement d'Auxerre.

"Nous étions trois dans une cellule, un jeune de mon âge et un paysan du coin, plus vieux que nous ; il recevait de sa ferme des colis pharamineux, qu’il refusait de partager avec nous, qui étions évidemment moins bien lotis mais nous partagions la pénurie !

"Mon compagnon s’est insurgé et a obtenu un partage partiel de cette manne ; nous avons ensuite été dispersés et j’ai longtemps ignoré le vrai nom de mon codétenu : ce n’est que bien plus tard que j’ai su qu’il s’appelait Jean Léger, et qu’il était devenu un infatigable porteur de la mémoire de cette époque. "