VOYAGES
Voyage au long cours par-delà l'océan
le mercredi 19 octobre 2011, 15:23 - VOYAGES - Lien permanent
Autrefois, avoir la bougeotte était une démangeaison qui demandait que l’on se mouille tôt ou tard en traversant l'océan sur un paquebot, par exemple. Tranches de vie de voyage au long cours au début du XXème siècle, à l'époque du Titanic
En effet, le monde connu finissait toujours par rencontrer l’eau et son univers particulier. Bacs, barques, bateaux, voiliers, paquebots … il fallait confier provisoirement son quotidien, sa vie et ses biens au bercement ou sauvage roulis de flots capricieux. Et lors des longues traversées, la vie sociale reposait sur d’éphémères rencontres, repas au faste délicat, soirées pittoresques parce que si différentes de l’ordinaire.
Le paquebot à deux hélices « Gelria » faisait la lige Amsterdam-Buenos Aires via Southampton, Cherbourg, la Corogne, Vigo, Leixoes, Lisbonne, Las Palmas, Pernambuco, Bahia, Rio de Janeiro, Santos et Montevideo. C’était en Septembre 1924. Le commandant était un certain Kolkman, le capitaine en second Braun, l’ingénieur en chef De Vries, le Commissaire Schreuder et le médecin Dr Bastiaans. Le chef cuisinier était un certain Coenen, et il y avait deux maîtres d’hôtel, un pour la première classe (Drieman) et l’autre pour la seconde classe (Bottema). Il y avait aussi un chef des bagages.
Et une liste des passagers de première et deuxième classe.
Il fallait s’y retrouver, dans tous ces visages d’hommes d’affaires louches ou régulières, ces épouses officielles ou de voyage, ces aventuriers et aventurières qui, même s’ils avaient de parfaites manières de table et de salon, finissaient par se trahir si on prenait soin de bien les observer. On utilisait donc la liste, cette magnifique liste de passager, pour griffonner son observation personnelle.
Suisse. Muffle accompli. Type parvenu.
Encore jolie. Poire et femme de ministre. Argentine.
Vieux spéculateur millionaire. Grains.
Argentines . Une famille bourgeoise type 1884 est-il mis près d’une série de noms féminins.
Belges. Discrets et sensés.
Businessman brésilien. Esclaves et sucreries.
Une jolie Chilienne. Beau coup de mollets.
Baedeker ambulant. Américaine du nord et comment !
L’élégante Française.
Allemand provisoirement homme du monde.
Quintescence du complet abruti.
Jeunes mariés charmants, lui mutilé de guerre.
Suisse mais rien du chocolat.
Italienne fardée, Comtesse et bolchévique.
Grosse Portugaise indolente.
Voulait être aimable…
Avec des vaches à bord...
Les menus s’adaptaient à la longueur du voyage et à la possibilité de trouver de la nourriture fraiche. Des vaches étaient à bord, fournissant le lait et finalement leur viande s’il en manquait.
Potage : Croûte au pot
Relevé : Escalope de veau jardinière
Entrées : Filets de poisson à la Chivry
Canard aux navets
Rôtis : Rosbif (oui, écrit ainsi…)
Salade : Verte
Légumes : Haricots verts poulette
Entremet : Moka
Dessert : Emmenthal, Hollande
Mandarines, gelée de cerises, biscuits
Ce n’était pas des vacances, c’était un aller vers sa vie ou un retour vers l’autre vie. C’était un temps que l’on occupait au mieux en jouant au croquet, en bavardant sur les chaises longues, en grignotant, fumant le cigare. Des faits divers rompaient la monotonie.
Le Dr Bastiaans que l’on avait vu traverser un couloir au pas de course était tour à tour supposé avoir dû sauver le cœur d’une grosse Brésilienne ou guéri la colique du petit Belge qui pleurait tout le temps.
L’acheteur de laine au gros nez avait été vu sortant de la cabine de cette belle dame esseulée qui buvait un peu alors que sa femme faisait des réussites au salon.
Le jeune couple anglais paraissait un peu trop amoureux aux yeux de certains que leurs mains enlacées en permanence gênaient.
Les trois petits Hollandais n’arrêtaient pas de faire des méfaits et d’imiter ce monsieur suisse qui parlait fort en faisant des grimaces. On célébrait le passage de l’équateur et des certificats étaient délivrés, signés par le Capitaine.
Et puis on arrivait et débarquait. On disait au revoir ou adieu à ses compagnons de vie de quelques semaines, on s’échangeait des adresses. On était contents de ne plus sentir la houle en permanence et de récupérer sa vraie vie. Ses affaires que l’on avait enfermées dans ces belles malles blondes à armature de bois, décorées des initiales, un peu cabossées et malmenées par les transports au toucher pourtant léger.
Oui, avoir la bougeotte alors, c’était un programme de plusieurs semaines !
Ziza DONNAMIA
Commentaires
Ce qui compte, n'est pas tant le but, l'objectif, c'est le chemin.
Au contraire de ce qu'affirment les clichés ici et là, rien n'éclaire le chemin, y compris l'expérience. l'expérience c'est comme la lanterne qui ne peut éclairer que le chemin parcouru.
Ce texte si suggestif du voyage en paquebot d'Amsterdam à Buenos Aires, est jubilatoire à plus d'un titre. Réduction d'humanité et personnages croqués d'un coup de fusain, on imagine bien et on se rend compte que rien ne change par-delà les décennies et les siècles. les hommes restent les mêmes, ce sont les hommes et ainsi va l'humanité
Merci Madame Donnamia.
On a vraiment envie de partir... on ne sait pas où, mais partir et on verra. Traverser l'océan et vivre autrement mais toujours avec les humains.... Au moment où France 2 diffuse un téléfilm sur la vie de Georges Brassens, qui est de Sète, nous reviennent l'air et des paroles. Voici son poème... tout un programme.
Paroles de Le Bateau De Pêche de Georges Brassens
C'était un petit tout petit voilier
Un petit bateau de pêche
On l'avait bâti d'un bout de papier
Et d'un vieux noyau de pêche
Dans un petit port entre deux roseaux
On l'avait mis à l'amarre
Il appareillait dès qu'il faisait beau
Pour naviguer sur la mare
Mais un jour le petit bateau fit un rêve
A son tour il voulut entreprendre un voyage au long cours
Alors il s'en fut magnifiquement
Tout là bas vers les tropiques
La vie qu'il menait lui donnait vraiment
Des idées misanthropiques
En l'apercevant chaque nénuphar
Craignait qu'un malheur n'arrive
Et le ver luisant qui servait de phare
Lui criait rejoins la rive
Mais il répondit d'un air malséant
Je ne crains pas les déboires
Aussi bien le fleuve et les océans
Ce n'est pas la mer à boire
Quel plaisir de voguer ainsi sur les ondes
Quel plaisir de pouvoir naviguer au gré de son désir
Le ciel est tout bleu et le vent léger
Tous ces braves gens divaguent
Je me moque bien d'ailleurs du danger
Car je n'ai pas peur des vagues
Il ne savait pas qu'à côté de lui
Un canard faisait trempette
Pour notre bateau qui était si petit
Cela fit une tempête
Et rapidement je vous en réponds
Les événements se gâtent
L'eau s'est engouffrée dans les entreponts
Adieu la jolie frégate
Sauve qui peut criait le navire en détresse
Sauve qui peut je ne vais plus jamais revoir le beau ciel bleu
Et tout en pleurant sa vie d'autrefois
Le petit bateau chavire
Ça prouve qu'il faut demeurer chez soi
Quand on n'est qu'un petit navire
On pense à Candide de Voltaire (cultivons notre jardin pour être heureux) ... il le dit après son long voyage........ ou à Ulysse.... qui s'ennuie de retour chez lui, auprès de sa Pénélope..
Qu'en pensez-vous ??