Entendre Julliard vanter le peuple qui n'est pas si bête, quand on se souvient des vitupérations de sa classe - de Julliard en particulier!* - contre ce même peuple après le référendum de 2005, la victoire du NON, puis ses cris de victoire après le Traité de Lisbonne qui reprenait quasiment mot par mot les termes de ce traité constitutionnel rejeté par la Souveraineté nationale...

* Seul July fit pire, mais lui au moins eut la décence de tirer les conséquences et de quitter la scène médiatique peu après.

Julliard est un has-been que Marianne, dans son infinie bonté, voulut bien repêcher quand le Nouvel Observateur fit le ménage. Ce qui ne manque pas de piquant après le chapitre que JF Kahn lui consacra dans son fameux les bullocrates où il le citait nommément comme je sais tout, allant partout, se trompant partout sur tout. Avec la forme de son soutien, Julliard parvient à nous rappeler cela:

Les deux favoris - quoiqu'à ce moment de la compétition, rien n'est encore joué - ont collaboré activement pour faire adopter un système dont nous constatons quotidiennement les "limites" (restons polis) sur un point essentiel. Et dirigeants respectifs de leur formation (car l'UMP est téléguidée depuis l'Elysée, la preuve étant que malgré ses statuts pourtant formels, elle n'a pas de président depuis 2007 et que son secrétaire général est nommé par Sarkozy), ils ont oeuvré pour nier cyniquement la volonté populaire.

Quelles sont, d'après Julliard, ce qui fait de Hollande un homme de gauche avec une dimension d'homme d'état?

Hollande ne veut pas mettre des douaniers partout (sic). Qui, à gauche, veut cela? Même Montebourg avec son concept de démondialisation n'a jamais avancé cette idée absurde. Simplement, des gens de bon sens pensent que face à des pays qui se protègent ouvertement, il n'est pas idiot de faire de même, ne serait-ce que par équité. Disons-le paisiblement, sans nous énerver: quand Julliard prête à ses têtes de turcs des propositions qui ne furent jamais formulées pour mieux les discréditer, il emploie des procédé intellectuellement staliniens, parfaitement méprisables. Et comme il n'est pas sot, s'il en est réduit à cette extrémité, c'est qu'il est singulièrement démuni d'arguments pertinents. 

Une caution morale d'importance pour Hollande: Jean Peyrelevade, encensé par Julliard; un délinquant financier dont les frasques coûtèrent des centaines de millions de dollars (il était visé par un mandat d'arrêt international aux USA), un type qui conseilla Bayrou (le même qui taxe en ce moment le projet hollandais de danger mortel et qui, sur le plan économique, est beaucoup plus dangereux que Sarkozy s'il est peut être moins affilié aux intérêts d'une caste de milliardaires)

Selon Julliard, que devrait faire Hollande pour réussir, une fois arrivé au pouvoir? (l'éditorialiste n'en doute pas un instant) Surtout, ne pas se lancer dans des mesures de justice sociale, ça coûterait inévitablement trop cher! Que du fond, en ménageant chèvre et chou, que de la réforme "intelligente" et "pragmatique" d'un système qui n'aurait besoin que de plus de rationalité et d'une dose homéopatique d'équité (pas trop, sinon les riches s'en iront et nous perdrions toute marge de manoeuvre). Fi du pouvoir d'achat en berne, fi de la croissance à soutenir pour relancer l'emploi (ce qui dégage des marges budgétaires énormes), il faut avant tout consolider les fondamentaux.

On met le paquet sur la mêlée et la conquête en touche, mais on se prive d'une charnière et de trois-quarts. On conquiert des ballons dont on ne fera rien. Je connais peu d'équipes de rugby qui gagnèrent de cette manière si j'en connais des tas qui, par des relances venues des lignes arrières, ont pu précipiter leur pack et passer en force, permettant ainsi de gagner le match.

Un coup de pied habilement dosé fait gagner cinquante mètres quand il faut dix minutes à une cocotte transpirante pour arriver au même résultat, en laissant une débauche d'énergie. Certes les rucks font partie du jeu et sont indispensables, mais ils ne concrétisent que rarement. Julliard qui ne parle pas de rugby de façon idiote, devrait le savoir et s'inspirer de cette comparaison.

En foi de quoi au bout de cinq ans de désillusion la "gauche" sortira en lambeaux et la droite reviendra plus conquérante, plus forte et plus hargneuse que jamais. Qui, en Italie, succéda au sage et compétent Prodi, et que fit ce successeur? Qui succèdera au raisonnable Zapatero que la droite européenne admire tant, si ce n'est le néo-franquiste Rajoy qui accomplira ce qu'Aznar n'osait pas imaginer dans ses rêves les plus fous? 

C'est la sempiternelle antienne de la "nouvelle gauche", de la fausse gauche, de la gauche réaliste qui sait de quoi elle parle:

"avant de redistribuer, il faut produire et créer les conditions favorables à cette redistribution".

En foi de quoi, la liste de ces conditions étant fluctuante et ne cessant de s'allonger - comme l'horizon qui recule au fur et à mesure qu'on s'en approche - il n'y a jamais redistribution.

Non Julliard, vous et nous, ne sommes pas du même monde. On n'est pas dans le domaine de la cosmétique, en ce moment, mais dans celui de la chirurgie lourde. Ce système, il faut le balayer pour le remplacer par un autre et pas le gérer au profit des mêmes, qui tireront les ficelles aussi bien avec un Hollande qu'avec un Sarkozy. Mais nous vous donnerons un conseil charitable: puisque vous semblez sincère dans votre intention affichée de soutenir Hollande, rendez lui service et taisez-vous; jusqu'en mai 2012, concentrez-vous sur un de vos domaines d'excellence, le théâtre par exemple.

Cordialement

benjamin borghésio