ACTUALISATION jeudi 13h15 : Charlie Hebdo victime d'une attaque massive sur Facebook. La page de l'hebdomadaire croule sous les messages qui se félicitent de la destruction de son siège à Paris. L'hébergeur de son site internet, plusieurs fois piraté, a aussi été menacé de mort// Lire l'article du Figaro.fr

Force est de constater qu'il est devenu très difficile de caricaturer les religions et pas seulement l'Islam. A Paris, plusieurs pièces de théâtre et une peitnure représentant Jésus, bref, plusieurs oeuvres ont été jugées christianophobes. Ces pièces qui abordent la religion chrétienne suscitent des polémiques et mécontentements importants (concept du visage de Jésus, critiques de Pie XII pendant la seconde guerre mondiale etc.)

Charlie Hebdo, revue satirique, est jugé islamophobe pour avoir mis en scène et en images, le prophète Mahomet. Même si le Coran n’en dit rien les hadith condamnent l’image du prophète. Non seulement sa caricature est déplacée mais le seul fait de le représenter est interdit. C’est donc encore plus difficile de caricaturer l’Islam. Les musulmans peuvent se sentir plus rapidement blessés.

Ailleurs en Europe, on voit émerger une extrême droite identitaire, souvent anti-islam, dans des pays aussi tolérants que la Norvège, le Danemark ou la Suède. En Angleterre ou en Allemagne, le multiculturalisme est remis en cause.

Bon, soyons clair : la dénonciation de toutes les charias, les vraies, les fausses, les réelles, les imaginaires, est un fond de commerce comme un autre. La dénonciation des cons est un combat nécessaire, dont Charlie s'est fait une spécialité.

Cela dit, rien, rien ne peut justifier l’incendie des locaux et les attaques contre le site Internet d’un organe de presse comme manifestation d’un désaccord avec son contenu. Si la loi prévoit certaines limitations à la liberté de la presse, il revient aux tribunaux de la faire respecter.

La liberté d'expression, la liberté d’information et la liberté de la presse sont et doivent rester des valeurs essentielles de nos démocraties. Cela implique d'accepter les excès, tous les excès.

Alors oui, on a le droit de moquer, et dessiner tant qu'on veut, Mahomet, les imams, les curés et les rabbins, et ce droit est inaliénable, et toute atteinte, par la force, à ce droit, doit être réprimée avec toute la sévérité possible.

                                                                                                                                                L'ARQUEBUSIER


Charlie Hebdo et les caricatures de Mahomet

 

Témoignage d'une jeune dessinatrice de Charlie Hebdo

Louison jeune dessinatrice témoigne.

"En apprenant la nouvelle j'ai pris un coup sur le tête. C'est très difficile de décrire ce qu'il s'est passé en moi à ce moment-là, mais j'ai eu l'impression qu'un truc s'était cassé. La donne a changé, je ne suis plus comme hier. (...)

"Ca faisait trois jours que l'on parlait de cette couv' et je trouvais l'idée drôle. Je me suis dit qu'ils étaient bons pour un procès en février, mais pas plus... A mon avis, ils savaient qu'il allait y avoir une réaction, mais pas deux cocktails molotov à 2h du matin !

"C'est une attaque au cœur même du truc, c'est terroriste ! Brûler un journal, détruire les locaux et l'empêcher de paraître, ça rappelle des choses, quand même... Il y a cinq ans, c'était le procès, là, les cocktails molotov, et dans cinq ans ?

 "Le symbole est beaucoup plus fort qu'une simple réponse à une provocation. C'est une erreur de l'interpréter comme ça. Depuis trois jours, je voyais des commentaires sur Twitter sur le thème : "Ils provoquent, ils savent à quoi s'attendre." Mais ils ne se posent même pas la question !  Ils ne se lèvent pas le matin en se disant: "Tiens, on va faire ça, c'est provoc', on va vendre !" 

"Sur la charia, ils ont vu l'info, ils ont eu envie de régir. C'est à la limite la réaction la plus pure qu'il soit. Mais on retrouve le complexe de la mini-jupe: tu te fais agresser mais tu l'as bien cherché en t'habillant comme ça. C'est très choquant comme réaction ! 

"Ok, cette couv' était culottée mais si "Charlie" ne peut plus être culotté, alors qui peut ? Ce qui est sympa, c'est justement que l'on peut rire de tout. Tout est dit avec un tel humour, jamais gratuit. C'est l'héritage culturel qui donne ce ton, cette liberté au journal. Depuis que je travaille là-bas, j'ai pu faire des dessins que je n'aurais pas faits ailleurs.

"Le but d'un dessin de presse, c'est de rire de sujet souvent graves, c'est de déconner. Que l'on traite avec légèreté d'un sujet grave et que l'on se retrouve brûlé, c'est d'une violence inouïe. Les connaissant, cette histoire ne va pas les calmer, mais ça ne va pas les exciter non plus. Ils vont continuer. The show must go on.

"Une dessinatrice de "Charlie" m'a dit : "La seule chose à faire, c'est de continuer à dessiner !" je crois qu'elle a raison. Mais tu rentres dans le combat malgré toi.

"Je dessine, et je ne pensais pas faire un métier à risques ! Le plus fort ce matin, c'est de se réveiller et de sentir qu'arrive une place pour la peur. Elle est petite cette peur, mais elle fait son trou... C'est la loi de la terreur ! Ou tu oses et tu prends un risque, ou tu n'oses pas et tu n'es pas digne de ton métier.

"En tant que jeune dessinatrice, c'est mon 11-Septembre. Il y a un avant et un après. C'est la frilosité ou la prise de risque. Je n'avais jamais envisagé mon métier comme ça. Maintenant, on doit entrer dans le combat."


Charb, directeur de la redaction devant les locaux détruits de Charlie Hebdo le 2 novembre 2011  (URMAN LIONEL/SIPA)