Face à cette "réforme", l'Occident s'est frotté les mains.  Le français Carrefour, l'américain Wal-Mart, l'Allemand Metro ou le britannique Tesco sabraient le champagne devant cette aubaine (un marché estimé à 336 milliards d'euros par an, dans un pays de 1,2 milliard d'habitants). Plusieurs d'entre eux sont déjà présents en Inde en qualité de grossistes, faute d'être autorisés à vendre directement aux consommateurs.
Seulement ça ne se passe pas comme prévu. L'opposition parlementaire se déchaine et une grève générale a paralysé les secteur commercial, la quasi totalité des petits commerçants ayant fermé boutique jeudi dernier. Bien entendu, le discours habituel a été ressassé: "faites nous confiance, tout est prévu... les supermarchés devront se soumettre à certaines obligations, primi, juré : se fournir en partie auprès des producteurs locaux, assurer les investissements et être présents de façon limitée dans les villes de plus d'un million d'habitants. La libéralisation "modernisera" (forcément!)  la chaîne de distribution, fera baisser les prix et l'inflation et créera près de 10 millions d'emplois".

Grosse résistance! Le Premier ministre Manmohan Singh s'est flanqué dans une nasse dont il a le plus grand mal à sortir même s'il jure que la réforme sera positive "pour les paysans et l'homme de la rue".

L'opposition et le second partenaire de la coalition gouvernementale, appuyés par l'opinion publique  n'y voit que de graves bouleversements. Parce que des passéistes rétrogrades osent poser une question forcément stupide: "Que mangeront les petits épiciers si leurs échoppes ferment ?"
En effet, les critiques fusent au nom de la survie des 25 millions de petits commerçants indiens, mais aussi des paysans, dont l'endettement pousse déjà des milliers d'entre eux au suicide. La Confédération des commerçants de l'Inde pressent un "cauchemar" pour les petits épiciers. Et, à la suite de son appel contestataire, de nombreuses échoppes sont restées fermées, jeudi. À Delhi, l'opposition s'est jointe aux grèves et est allée jusqu'à brûler des effigies du Premier ministre.

Il y a d'abord la question de l'emploi... en créer dix millions si cela implique de fermer 25 millions d'échoppes donc de supprimer de 30 à 70 millions postes de travail, est-ce un bilan favorable? Ensuite il y a le choc des cultures: les Indiens, à tort ou à raison mais c'est leur façon de vivre, font leurs courses dans un dédale de ruelles, allant d'un fournisseur à l'autre, payant à crédit, cela depuis toujours - et ils n'ont pas l'intention de s'américaniser. Devant la levée de boucliers massive, la "réforme" est en passe d'être enterrée.
Félicitation aux Indiens, qui défendent leurs intérêts et leur mode de vie, contre la mondialisation bienheureuse et les oukases de l'élite qui sait de quoi elle parle.
On ne peut que faire la comparaison avec le raid de Mittal qui s'est payé ARCELOR dans le seul but de liquider cette entreprise française pour asseoir sa domination mondiale sur le marché de l'acier avec la complicité de l'OMC, de Bruxelles et du gouvernement français. Au royaume des bisounours et des requins du capitalisme, nous seront toujours perdants avec des dirigeants qui bradent notre industrie, voire toute notre économie face à des concurrents autrement réalistes.


Autre exemple de lucidité: le Brésil face à la Chine

Déficit de la balance commerciale brésilienne... Dilma se prépare à relever les droits de douane pour contracter les importtaions asiatiques, chinoises en particulier. Chez nous, Sarkozy peut affirmer devant ses députés son ambition de "refonder l'Europe et de la repenser" : 

"On ne peut pas continuer à être le marché le plus ouvert au monde et accepter les produits des pays qui ne respectent aucune règle. Pour cela il faut refonder les traités" et, quelques minutes plus tard:
 
"L'Europe a besoin de refinancer sa dette et les prêteurs n'ont plus confiance", a-t-il ajouté. "Pour la retrouver, il n'y qu'une seule stratégie : l'alliance entre la France et l'Allemagne. Il n'y a pas d'autres alternatives".
Ce qui est une manière de se moquer du monde. Parce que Merkel dira "Nein", comme d'habitude et ce sera la fin du "débat": assurée (pour le moment) d'exporter ses machines outils vers la Chine, l'Allemagne ne veut pas entendre parler d'une quelconque limitation des échanges. Donc les deux assertions sont manifestement contradictoires: l'UE demeurera ouverte à tous les vents.

Oui, les BRICS sont moins cons que nous.

benjamin borghésio