Henriette d’Angeville, 1794 – 1871

 

Quel bonheur de n’être éprise que de la tête et pour un amant glacé !

 

 

 

"Mlle d'ANGEVILLE est une vieille folle et une insupportable blagueuse qui n'ayant jamais su monter les marches de l'hyménée, s'amuse à grimper virginalement celles du Mont Blanc "
(Hermenous en 1846 - cité par Y.Ballu).

 

Elle est née à Semur-en-Auxois - déclarée le 21e jour de ventôse de l’an II de la République - dans une famille de la petite noblesse bien éprouvée par les chaos de la politique d’alors puisque son grand-père est guillotiné et son père emprisonné.

A 42 ans, est la deuxième femme à gravir le Mont-Blanc après Marie Paradis qui, trente ans plus tôt, s’y était attaquée. Mais à la réception qui fête son exploit cette dernière concèdera qu’elle est la première à y être arrivée sans aide. Car l’ascension de Marie Paradis avait été toute autre : la pauvre servante d’auberge qu’elle était alors avait été tirée, hissée et traînée sur le Mont par des amis guides facétieux qui comptaient ainsi la rendre célèbre.

Non seulement cette « faible femme » s’est lancée dans cette entreprise à un âge où les femmes de son temps s’installaient dans la vieillesse. Elle en fit sa liberté et avait préparé la réalisation de son rêve depuis des années, y compris la confection d’habits spéciaux. Il lui avait fallu six guides – peu enthousiastes - , six porteurs et un muletier pour l’accompagner car, prévoyante, elle emporte avec elle deux longes de veau, deux gigots de moutons, vingt-quatre poulets rôtis, six pains, dix-huit bouteilles de vin de Saint- Jean, une eau de vie de Cognac, un petit baril de vin ordinaire pour les porteurs, du sucre, du chocolat et des pruneaux.

Voilà une femme qui sait ce qu’elle veut. Et ce qu’il lui faut.

Grisée par l’appel de la montagne elle continuera ses ascensions pendant 25 années, la dernière alors qu’elle a 69 ans.

En 1839 elle rédige Le carnet vert, son album de voyage qu’elle fait illustrer par des artistes contemporains d’après ses descriptions et esquisses personnelles. Malheureusement il ne fut jamais édité et les 40 illustrations furent dispersées pour qu’enfin, en 2007, le Conseil de Haute Savoie puisse en rassembler 18 à l’aquarelle, sépia ou crayon.

C’est l’un d’entre eux qui nous permet d’admirer la fiancée du Mont-blanc dans une ample robe à carreaux et coiffée d’un chapeau aux larges rebords.

Vers la fin de sa vie elle s’intéresse à la spéléologie et fonde un musée de minéralogie à Lausanne, où elle s’éteindra en 1871.

 

                                                                               Suzanne Dejaer