Le commerce de l’étain prenait naissance dans les mines de Cornouailles, traversait la Manche et puis remontait la Seine depuis son embouchure. De là, elle s’égaillait vers d’autres rivières et rejoignait la Saône ou la vallée du Rhône, d’où elle passait en Italie. Là, Etrurie (aujourd’hui la Toscane) et Magna Grecia (Sicile, Calabre et Pouilles) attendaient le précieux étain, indispensable pour fabriquer le bronze mais presque absent du bassin méditerranéen.  Et c’était donc un échange culturel qui se faisait dans les deux sens, puisque les Gaulois – les Celtes - aimaient les vases, armes et bijoux produits par ces contrées du sud. Et par conséquent, les Celtes d’alors aimaient les belles choses, au point de les emporter dans leur au-delà.

Mais il faut savoir aussi qu’à l’oppidum du Mont Lassois, la Seine cessait d’être navigable et l’étain poursuivait sa route par voie terrestre, ce qui faisait du lieu une plaque tournante.

Janvier 1953, Vix, au pied du Mont Lassois. Maurice Moisson, agriculteur, découvre par hasard une sépulture du Vème siècle avant notre ère, la fin de l’âge de fer. Elle a surgi d’un tumulus nivelé dont seules subsistaient quelques pierres éparses qui avaient attiré son attention. Tout d’abord c’est l’énorme cratère à volutes de bronze martelé qui émerge, malmené par les siècles et l’ensevelissement mais heureusement en assez bonne conditions pour être reconstitué. C’est, avec une contenance de 1.100 litres et ses 207 kgs, le plus grand qui nous vienne de l’antiquité. Sa taille d’ailleurs laisse penser qu’il n’était pas destiné à être utilisé, puisque ces cratères servaient à mélanger vin, eau et aromates pour des invités. Il semble provenir de la Magna Grecia, la grande Grèce du sud de l’Italie. Ses décorations sont magnifiques et témoignent d’un plaisir de vivre, d’un goût réel pour l’art et non seulement l’utilitaire.

 

Et puis, à la mi-février, c’est la chambre funéraire de la dame de Vix, une Celte de 30 à 55 ans (elle est qualifiée de femme adulte d’âge moyen, ce qui correspond à cette tranche d’âge) que l’on retrouve. Extraordinairement, une chambre inviolée. La dépouille repose sur un char de bois, et est parée de ses bijoux : des colliers de schiste et perlés d’ambre, des anneaux de chevilles,  des fibules à cabochons de corail. Près de sa tête, un superbe torque de près d’un demi-kilo d’or à 24 carats qui trahit une origine méditerranéenne, décoré de chevaux ailés – celui-ci a d’abord été pris pour un diadème mais vu son poids et sa taille il est plus vraisemblable qu’il s’agisse d’un torque. Une femme de haut rang, choyée et certainement importante. Epars autour d’elle, 40.000 tessons de céramique, des figurines de bronze, des amphores, des vases en métal ou en céramique… une foison d’objets dessinés et exécutés par des artisans de grand niveau, bien que ce soient le torque, le cratère et une coupe d’argent qui possèdent la plus grande valeur artistique. L’ensemble donne toutefois une très bonne idée du niveau du courant d’échange entre la région de Vix et la Méditerranée à l’époque.

 

 

Détail du torque

On ne sait qui elle était, cette dame ou princesse de Vix. On sait, d’après les ossements, l’ADN et l’analyse de ce qui restait des vêtements, qu’il s’agit bien d’une femme. On a, en appliquant du plastique sur son crâne, reconstitué un visage probable, qui nous montre une femme au visage allongé, aux pommettes larges et aux yeux un peu saillants. Le char, reconstitué, présente des éléments nouveaux par rapport à ceux retrouvés dans d’autres tombes : des tiges métalliques assuraient un système de suspension au-dessus du châssis, ce qui le rendait plus maniable que les autres.

 

La découverte, plus tard, du « palais de la dame de Vix » permettra certainement d’en savoir encore plus. Mais on peut certainement effacer l’image du Gaulois barbare homme des bois et coureur des plaines, et lui accorder au contraire le mérite d’avoir apprécié les raffinements de son temps.     

 

 

                                                  Suzanne Dejaer