Son père dirigeait la faïencerie de Clamecy, fondée en 1790 par Fidèle Nolet, un artisan vitrier venu de Suisse. Alain, lui, rêve et veut donner vie et forme à ses rêves. C’est au lycée Jacques-Amyot d’Auxerre qu’il passe la classe de philosophie puis il part à la faculté de lettres de Dijon. A 16 ans il crée le club canoë-kayak de Clamecy. Déterminé à faire un rêve plus grand et plus mouvant que les autres.


Décidément, Mercure l’a doté de petites ailes aux talons – ou nageoires ? – puisqu’à 19 ans il s’en va à Sidney où il enseigne la littérature française à St John’s College. C’est  bien loin, l’Australie, et à l’époque le courrier prenait son temps, le téléphone ne s’utilisait que pour les urgences. Il assume donc ce besoin de distance, d’indépendance, de soif d’ailleurs et autre part. Et s’abandonne à cette vie toute différente, celle créée par des émigrants qui découvrirent l’espace et la griserie de la nature en même temps que celle d’un nouveau futur. Il est séduit par la voile et la course au large.


Et puis, la rencontre, celle qui s’ajoute aux bonnes fortunes, aux décisions, aux instincts, au désir de rêver éveillé en poursuivant le rêve : Eric Tabarly, lui offre d’embarquer avec lui sur le Pen Duick III  pour la Nouvelle Calédonie.  Et là, son rêve fait enfin partie de chaque instant de sa vie, il est fait de voiles, de roulis, de vents marins, d’embruns qui brûlent les joues, de tempêtes furieuses qui se soumettent en gémissant après avoir brisé et secoué, de réveils paisibles au son des goélands et des dos de dauphins ou autres cétacés crevant l’écume. C’est sa place exacte dans le monde. Ce lieu liquide et venteux et chaud et tanguant et berçant et menaçant et si familier.

Le Manureva à St Malo, Novembre 1978 (DR)

 

Novembre 1978, Saint Malo (DR)

 

Novembre 1978, le Manureva à St Malo (DR)


Il a 35 ans quand le rêve l’emporte sur la première route du rhum. On est en 1978. Sur son voilier trimaran, le fameux Manureva. L’ancien Pen Duick IV construit pour Eric Tabarly. Le plus rapide de son temps. Il vient de passer les Açores quand il envoie, à 4 heures du matin, ce message : « Je suis dans l’œil du cyclone. Il n’y a plus de ciel, tout est amalgame d’éléments, il y a des montagnes d’eau autour de moi... »


Il ne sortira pas de l’œil du cyclone, pas plus que le Manureva.


Pour en savoir plus, rendez-vous samedi 26 janvier, à 15h20, sur France 3 Bourgogne.

                                                                                                              Suzanne Dejaer

 

 

Manu Manuréva
Où es tu Manu Manuréva
Bateau fantôme toi qui rêvas
Des îles et qui jamais n'arrivas
Là-bas
Où es-tu Manu Manuréva ?
Portée disparue Manuréva
Des jours et des jours tu dérivas
Mais jamais jamais tu n'arrivas
Là-bas
As-tu abordé les côtes de Jamaïca
Oh ! héroïque Manuréva
Es-tu sur les récifs de Santiago de Cuba
Où es-tu Manuréva
Dans les glaces de l'Alaska
A la dérive Manuréva
Là-bas
As-tu aperçu les lumières de Nouméa
Oh ! héroïque Manuréva
Aurais-tu sombré au large de Bora Bora
Où es-tu Manuréva
Dans les glaces de l'Alaska
Où es-tu Manu Manuréva
Portée disparue Manuréva
Des jours et des jours tu dérivas
Mais jamais jamais tu n'arrivas
Là-bas
Manuréva pourquoi ?


Une interview d'Alain Colas