Le député de la 1ère circonscription de l’Yonne, Guillaume Larrivé , se montre très actif à l’assemblée nationale sur les bancs de laquelle il siège depuis son élection en juin 2012. Très souvent il interroge le gouvernement lors des questions d’actualité. Dernièrement il a demandé un « coup d’accélérateur » pour une meilleure couverture de la Puisaye et de la Forterre en matière de téléphonie mobile et un accès amélioré au haut débit en zone rurale.
Au conseil municipal d’Auxerre, siégeant dans l’opposition, il avait depuis longtemps fait l’apologie de la « vidéo-protection » et demandé l’installation de caméras de vidéo-surveillance.
Il va, la semaine prochaine, à l’occasion de la discussion sur le projet de Loi « Peillon » sur l’école, déposé un amendement. Il porterait sur "la réintroduction" (sic)  du port d’un  uniforme dans les établissements scolaires.
 
L’exposé sommaire de l’amendement stipule :
 
Le présent amendement propose que les élèves des écoles élémentaires, des collèges et des lycées portent désormais un uniforme, aux couleurs de leur établissement. Cette tenue sera définie, au cas par cas, par le règlement intérieur.

Le port d’un uniforme, pratiqué par plusieurs pays européens comme le Royaume Uni présente au moins deux avantages :
 - C’est un facteur d’égalité, qui efface symboliquement les différences sociales nées des inégalités de revenus des parents,
 - C’est un élément de fierté, susceptible de développer le sentiment d’appartenance des élèves à l’école, comme c’est déjà le cas, par exemple au sein des associations sportives.

Vieille histoire
 
Sur la page facebook du député ou il fait part de son ambition, il reçoit les félicitations de « ses amis » accompagnées de commentaires quelquefois très fournis :

« Une merveilleuse idée qui supprimera le "racket" et l'illégalité dans nos écoles. A mon époque nous portions la blouse grise et ce n'était pas choquant pour les enfants que nous étions mais il est vrai qu'à 12 ans nous étions encore des enfants et non des jeunes adultes qui, aujourd'hui, veulent apprendre à vivre à leurs parents ! » déclare une admiratrice.

L'initiative Larrivé n’est pas nouvelle, elle reprend en fait une velléité de Xavier Darcos, ancien ministre de l’éducation nationale. Elle fera sans doute plaisir à un électorat vieillissant en recherche de réminiscences  de « blouse grise », de certificat d’études, de sous-préfectures et de chefs lieu de canton. Il est moins sûr qu’elle rencontre l’approbation enthousiaste des élèves. Notons, tout de même que le député d’Auxerre-la Puisaye n’évoque pas les chaussures, laissant ainsi une petite chance aux Nike ou autres Adidas, Reebok, Air Jordan etc.
En 2009, à la suite des déclarations de  Xavier Darcos allant dans ce sens, Le Figaro avait organisé une « enquête » en ligne : Êtes-vous de son avis ? 19 503 réponses avaient été enregistrées avec plus de 77% d’avis positifs.
 
La polémique se résume succintement ainsi :
 
Ceux qui défendent l'uniforme utilisent les arguments suivants. L’égalité des chances passe par l’égalité dans tous les domaines, y compris dans celui de la tenue vestimentaire au sein des établissements scolaires. La mixité sociale aurait dû permettre, au moins durant la période de vie scolaire, aux enfants d’origines ethniques, religieuses et sociales diverses d’apprendre à cohabiter et à se construire un avenir de cohésion. Or, les différences vestimentaires dues à un battage médiatique des lobbies de marques connues sont de plus en plus les représentations d’une forme de discrimination. Les effets positifs de l’adoption d’un uniforme pourraient pour les partisans être multiples :  une réduction des niveaux de violence dans les écoles, une meilleure intégration des enfants de populations issues de l'immigration, une suppression des barrières sociales, une meilleure réussite scolaire par l’absence de distraction due aux tenues fantaisistes.

Les opposants à l'uniforme stipulent. L'uniforme développe les instincts grégaires. Imposer une tenue vestimentaire aux jeunes, serait restreindre l'expression de leur personnalité. De plus, en habituant les jeunes à accepter un moule, l'uniforme deviendrait un puissant vecteur du conformisme social. Certains n'hésitent pas à parler d'« embrigadement de la jeunesse ». En Allemagne par exemple, l'uniforme scolaire est souvent vilipendé comme une réminiscence de la jeunesse hitlérienne. Un autre argument est que souvent l'uniforme n'est pas le même pour les garçons et les filles, ce qui contribue à la séparation des sexes dans la société.

Selon le sociologue Alain Touraine:

« L’école tournée vers l’école n’est tournée ni vers l’enfant, ni vers la Nation ; elle devient un monde ayant de moins en moins de repères par rapport au monde extérieur. Tout ce qui en fait un monde isolé, séparé, protégé me semble néfaste. La grande affaire aujourd’hui, c’est au contraire d’intégrer les enfants venus du dehors sans rompre leur histoire personnelle. Au lieu de leur imposer un uniforme, je voudrais qu’on leur apprenne, ainsi qu’aux enseignants, l’importance et la beauté du multiculturalisme, de la communication entre les cultures. »

Une bizarerie en forme de 'Com'
 
Il est également remarquable de noter les références « européennes » utilisées par l’UMP et Guillaume Larrivé. En premier lieu l’uniforme scolaire, en France comme partout en Europe, est une rareté, une bizarrerie. En second lieu, parler de "réintroduction" est un abus de langage car en fait il n’a jamais existé véritablement en France - sinon dans les lycées napoléoniens il y a bien longtemps - et en Europe, il n’est généralisé qu’en Grande-Bretagne et nullepart ailleurs. Enfin, dans les écoles, on portait bien la blouse pour de simples raisons pratiques que ne reconnaissait pas la Loi, mais simplement l’usage.
Ne s’agirait-il, en fait, que d’une simple opération de pure communication à l’image de celle de Darcos en 2009, vouée d’ailleurs au même destin éphémère ? Si tel est le cas il n'est pas certain qu'elle soit frappée au coin du bon sens et de la modernité.
Et puisqu'il faut bien rire un peu, on pourrait demander au député Guillaume Larrivé : "Que ferez-vous des élèves qui refuseront l'accoutrement ?" Heureusement pour lui il n'aura pas à répondre puisque son amendement n'a aucune chance dêtre pris en compte.
 

JL.H