Les autres

- Tous les humains sauf moi, voire la petite extension de moi : les miens.

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Les autres sont un obstacle, ou un besoin, ou une jouissance. Dans tous les cas, les figurants de mon film. Des utilités. A ce titre je trouverais légitime d’en disposer absolument. J’envie secrètement les despotes.

Aimez-vous les uns les autres ? C’est si peu naturel qu’on en a fait un commandement divin. Il fallait bien l’autorité d’En-haut pour faire avaler cette pilule. Depuis qu’on a laïcisé l’« amour du prochain » en « respect de l’autre », ça se gâte, il faut des caméras partout.

Le pire est quand tu flaires soudain que chacun des autres, se croyant le premier rôle, te regarde comme figurant de sa propre pièce. Révélation terrassante. On en deviendrait ermite ou assassin.

Les riches

- Tous ceux qui gagnent plus que moi.

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On ne manque pas d’arguments pour leur remontrer leur indignité. D’abord l’ont-ils gagné honnêtement, leur fric, en partant de zéro, à la force du poignet ? Si oui, sont-ils restés modestes et généreux ? Donnent-ils aux pauvres restés pauvres ? Si oui, n’est-ce pas un rien paternaliste, un chouia arrogant ? Ne vaudrait-il pas cent fois mieux leur prendre étatiquement tout ce qu’on estime en trop dans leur bourse selon les critères conjoncturels de l’endettement public ?

Tel journaliste-vedette s’offusque qu’on lui demande le montant de son salaire et la superficie de sa villa du Cap-Ferret, mais il se pince le nez en indiquant, au conditionnel, ce que touche tel grand acteur par film, le prix de vente de son hôtel parisien, le prix d’achat de son yacht, etc. Honni soit l’argent des autres.

Les pauvres sont bons, purs, généreux, et plusieurs autres enluminures. Le royaume de Dieu leur appartient. Diable ! une antichambre leur suffira, des combles, pourvu que ce soit chauffé et qu’il y ait une douche.

Egalité

– Introuvable dans la nature. La seule vertu y est de se débrouiller au mieux avec ses gènes et de s’en contenter : bœuf ou grenouille. Le plus petit n’est d’ailleurs pas sans atout : roseau, rat.

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Certes, l’homme n’est ni plante ni bête : à son honneur le rêve d’égalité. Mais c’est un rêve. Quelquefois un cauchemar. L’égalité aussi a du sang sur les mains. Les raisonnables lui préfèrent l’équité, où elle se tempère par la justice.

Le désir si français d’égalité fleure souvent la passion de la revanche et le poison de l’envie.

1670 et cetera : jardin à la française. Pas une feuille ne dépasse. Splendide. Coûteux. Il y faut une armée de jardiniers, un arsenal de sécateurs. Motif officiel : la beauté classique. Motif implicite : l’individualité n’appartient qu’au Roi. Mes sujets sont des ifs.

1789 et cetera : toute révolution brandit l’égalité et finit dans le privilège. Splendide. Couteux. Il y faut une armée de commissaires du peuple, un arsenal d’échafauds. Motif officiel : les droits de l’homme. Motif inavoué : chacun son tour. Qu’on leur coupe la tête !

1970 et cetera : limitation de la vitesse sur autoroute. Splendide. Couteux. Il y faut une armée de policiers, un arsenal de radars. Motif présentable : la sécurité. Motif inavoué : forcer le propriétaire de la Porsche à piaffer derrière le conducteur de la Simca. Te v’là bien avancé avec ta grosse bagnole !

 

ARION