Himiltrude. Elle serait fille de Devum Ier, comte  de Bourgogne, née aux environs de l’an 750. Peut-être 746 selon les sources. Et en 767 elle devient l’épouse ou la concubine du futur empereur Charlemagne (né le 2 avril 742, 747 ou 748 et mort le 28 janvier 814 à Aix-la-Chapelle de pneumonie), alors simple Roi des Francs, auquel elle donnera un unique fils « déformé », Pépin-le-bossu. On parle aussi d’une fille, Amaudru, qui serait née avant son union avec Charlemagne et aurait par la suite épousé un Comte de Paris.


Son union pouvait aussi être un Friedelehe, un mariage  d’amour qui se pratiquait autrefois – semble-t-il – , terme composé de Friedel, amour ou amoureux, et Ehe, mariage cosmique ou loi divine.


C’est une union consentie en tout cas. Ils s’aiment mais la politique et les femmes s’en mêlent :  Berthe au grand pied – Bertrade de Laon -, mère de Charlemagne, a de l’ascendant sur son rejeton. On n’est pas la belle-fille de Charles Martel pour rien. Et elle a très envie que ses deux fils, Charlemagne – un grand homme vigoureux et athlétique d’1,90 m ! - et Carloman épousent les filles du dernier roi de Lombardie, Didier. Le pape d’alors, Etienne III, est l’allié des Francs et l’ennemi juré des Lombards, et s’oppose sans succès mais avec vigueur à ces unions, ce dont témoignent des lettres adressées à Charlemagne qui ont traversé les siècles jusqu’à nous. Il le rassure quant à son union avec Himiltrude, l’assure de sa légalité et le dissuade de l’annuler pour s’unir avec Desiderata de Lombardie.

 

Hélàs… pour Himiltrude, elle est bel et bien répudiée en 769 peu après la naissance de Pépin le bossu, et envoyée au couvent de Nivelles en Belgique, où elle mourra. Qui sait si Himiltrude a trouvé la quiétude dans son couvent de Nivelles, loin d’un mari aimé pendant en tout cas deux années pleines et d’enfants confiés à d’autres, ou a-t-elle passé les reste de ses jours à osciller entre le culte de la vertu et  le goût des complots ?  Elle est ensevelie dans la collégiale Sainte Gertrude de Nivelles où son squelette sera retrouvé lors de fouilles commencées en 1941 et qui révélèrent aussi les fondations de 5 églises superposées datant du 7ème jusqu’au 10ème siècle. Le squelette d’une femme de très haute stature et de 40 ans environ, notre pauvre Himeltrude. 

Collégiale de Nivelles en Belgique


En tout cas sa rivale Desiderata ne fit pas plus long feu qu’elle et fut répudiée elle aussi pour délit de stérilité au profit d’une belle Hildegarde de 13 ans qui sera la mère du futur Louis 1er le Pieux en 778. Charlemagne l’aime sincèrement et le lui prouve si bien qu’elle meurt épuisée à sa neuvième grossesse. Et il la pleure pendant deux longs mois, le temps de se marier à nouveau.


En 841, Lothaire 1er, Louis le Germanique et Charles le Chauve, les trois fils  de Louis 1er le Pieux- et donc petits-fils de la jolie Hildegarde adolescente et de Charlemagne -, s’affrontèrent au cœur de la Puisaye lors de la célèbre bataille de Fontenoy-en-Puisaye. Les faits et gestes de cette terrible et cruelle bataille nous sont relatés par Nithard, Comte de Ponthieu,  contemporain et petit-fils de Charlemagne probablement mort lui-même lors d’une bataille puisque son crâne – ses ossements furent retrouvés en 1989 - porte la trace d’un coup mortel. Il était le cousin des trois fils légitimes de Louis 1er le Pieux. En effet la fille de Charlemagne, Berthe, eut cet enfant hors mariage avec un des conseillers de son père.


A la mort prématurée de Louis 1er le Pieux, son fils Lothaire devenu empereur renie les serments qu’il lui avait faits sur son lit de mort et refuse de donner sa part à Charles le chauve, fils de la seconde épouse Judith de Bavière pour lequel Louis le Pieux avait remis en cause le partage initial décidé en 817 qui léguait à Pépin l'Aquitaine, à Louis la Bavière et à Lothaire l'Italie et le titre impérial. Et Charles gronde. Ainsi que Louis le Germanique qui s’associe à lui contre son frère parjure. Ca sent la guerre. Leur neveu Pépin II d’Aquitaine s’est rangé au côté de Lothaire, tout comme Hermenold d’Auxerre, Arnould de Sens (fils illégitime de Louis 1er le Pieux) et l’évêque Audri d’Autun. Les alliés de Charles et Louis sont, quant à eux, Guérin de Provence, Aubert d’Avallon et l’évêque Thibaud de Langres. Chacun son évêque !


Les deux armées campent à six lieues l’une de l’autre près d’Orléans. Mais l’hiver s’annonce et Charles et Lothaire décident de faire une trêve à la fin de laquelle ils conviennent que Lothaire pourrait conserver les terres reprises à Charles en échange de quoi celui-ci recevrait le royaume d’Aquitaine, la Septimanie et dix comtés sis entre Seine et Loire, et que les termes de cet accord seront officialisés le 8 mai de l’année suivante (841) à Attigny.


Or… Lothaire ne se rendra pas au rendez-vous. Ce qui est interprété comme un signal de guerre.


Et guerre il y eut, une guerre qui commença le 25 juin 841 et dont naturellement on ne peut évaluer l’amplitude mais qui, selon une estimation récente, aurait pu coûter plus de 40.000 hommes dans le camp de Lothaire et Pépin et entre 25.000 et  30.000 dans celui de Charles et Louis.  Bien des victimes étaient parentes entre elles.


Les armées adverses parvinrent au contact dans la région d'Auxerre, près d'une colline bordant le village de Fontenoy-en-Puisaye, où Lothaire avait installé son campement. Il tenta de gagner du temps, attendant le renfort de son allié Pépin II d'Aquitaine.  Après l'échec d'ultimes négociations il fut décidé que les armes emporteraient la décision, le vainqueur devant être l'élu de Dieu.


La bataille commença au matin et se déroula en trois emplacements :


-    Au ruisseau des Burgondes, à l'issue de durs combats, les soldats de Louis percent la ligne de Lothaire.
-    A Fagit, lieu non identifié, Charles écrase totalement d'autres troupes de Lothaire.
-    A Solmet, où l'affrontement s'éternise, les soldats de Charles et Louis, menés par le sénéchal Adalard, sont finalement victorieux d'alliés de Lothaire que les Chroniqueurs n'identifièrent pas (probablement les forces de Pépin II d'Aquitaine)


Victorieux en trois endroits, Charles et Louis contraignirent Lothaire et Pépin au repli.


L’horreur fut telle que les survivants respectèrent trois jours de jeûne pour expier ce carnage.


A Fontenoy, des noms perpétuent encore le souvenir de la bataille qui mit fin à l’empire carolingien : Les Cris, La Fosse aux Gens d'Armes, Les Vignes des Cercueils, l'Enfer...


Une obélisque fut élevée en 1860 sur une colline dominant le village de Fontenoy pour rappeler cette bataille. Sur le piédestal cette inscription : "Ici fut livrée le 25 juin 841 la bataille de Fontenoy entre les enfants de Louis le Débonnaire. La victoire de Charles le Chauve sépara la France de l'Empire d'Occident et fonda l'indépendance de la nationalité française".


Il est dit que Lothaire, grand habitué des serments rompus, se réconcilia à Auxerre sur le tombeau de Saint-Germain pour repartir de plus belle dans la mêlée. Le 14 février 842 sous les remparts enneigés de Strasbourg, Charles et Louis échangèrent des serments (serments de Strasbourg) devant leur armée, renforçant ainsi leur alliance contre Lothaire qui, vaincu, devra se réfugier à Lyon, abandonnant Aix-la-Chapelle. Charles s’exprimait en langue tudesque pour être entendu des soldats de son demi-frère «  Si Louis observe le serment qu'il jure à son frère Charles et que Charles, mon seigneur, de son côté, ne le maintient pas, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui serons d'aucune aide contre Louis. (litt.: ni je ni nul que je puis en détourner, en nulle aide contre Louis ne lui je serai) » et Louis en langue romane pour les soldats de Charles « Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien et notre salut commun, à partir d'aujourd'hui, en tant que Dieu me donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère Charles par mon aide et en toute chose, comme on doit secourir son frère, selon l'équité, à condition qu'il fasse de même pour moi, et je ne tiendrai jamais avec Lothaire aucun plaid qui, de ma volonté, puisse être dommageable à mon frère Charles. » : c’est le plus ancien texte écrit en français qui nous soit parvenu.


Charles pourra ajouter à son royaume la Basse-Bourgogne avec les comtés des villes de Chalon, Autun, Mâcon, Nevers, Auxerre, Sens, Tonnerre, Avallon et Dijon.  C’est la Francie Occidentale, le début de la France.

 

A ne pas manquer: le musée de la bataille de Fontenoy

 

                                                                                                        Suzanne Dejaer