Auxerre 21 mars 1768 – Paris, 16 mai 1830


Sa statue s’érigeait pourtant autrefois à Auxerre, place du Maréchal Leclerc, mais les Allemands la fondirent en 1942… Une souscription nationale est en cours pour à nouveau lui manifester un respect plus que dû. Car il est connu et cité dans le monde entier, mais passé sous silence dans sa ville natale… Quel étudiant n'a pas entendu parler des séries de Fourier, que ce soit aux États-Unis, en Espagne, en Chine ou en Australie. Fourier est universel.

 

Cette photo provient de ce site très complet.



Il est le neuvième de douze enfants nés du second mariage de son père, un garçon-tailleur d’Auxerre qui en déjà trois de sa première épouse décédée. Sa maison natale se trouve rue de la parcheminerie, devenue depuis… rue Joseph Fourier. Il a neuf ans lorsque sa mère meurt, et à dix il est orphelin. Un départ bien difficile qui ne l’arrêterait pas pourtant. Ni même ne le freinerait.

Maison natale de Fourier. Photo provenant de ce site.



Un enfant prodige car alors qu’on décelait déjà chez lui un talent précoce pour la littérature, il y ajoute à 13 ans un intérêt passionné pour les mathématiques et les sciences à l’Ecole royale militaire d’Auxerre tenue par les bénédictins. A 14 ans il a déjà dévoré – et surtout, compris ! - les 6 volumes du Cours de Mathématiques de Bézout.


La passion de la science est bel et bien une vocation et il rafle régulièrement les premiers prix.


En 1787 il est attiré par la prêtrise, et s’en va donc en tâter à l’abbaye bénédictine de Saint-Benoit-sur-Loire (Abbaye de Fleury). Mais son intérêt pour les mathématiques garde toute sa vigueur et il reste en correspondance avec le professeur de mathématiques  Bonard à Auxerre. Il a le sentiment que là se trouve le secret qui le rendra immortel, qui fera la différence. « Hier c’était mon 21ème anniversaire, et à cet âge Newton et Pascal avaient déjà pu se rendre immortels grâce à plus d’une découverte » écrit-il.

 

 


Qu’on ne s’y trompe pourtant pas : il y a du rebelle en lui, malgré la discipline que ses études exigent : il est obsédé par le désir de secouer et déraciner l’ordre social et organise des fêtes très exubérantes. Quant aux jeunes filles, elles ne font pas le poids en face des mathématiques, ce qu’il regrettera un peu tard.


Il finit par quitter l’abbaye sans avoir prononcé ses vœux. Et devient enseignant au collège bénédictin où il a fait ses études, l’Ecole royale militaire d’Auxerre, encore hésitant entre poursuivre une vie dédiée aux mathématiques et entrer en religion. Mais en 1793 il s’implique dans la politique en rejoignant le comité républicain local dont il essayera ensuite de se distancier suite aux atrocités de la terreur, sans succès. En juillet 1794 il est arrêté et emprisonné. Heureusement pour lui le vent tourne et Robespierre est exécuté avant qu’il ne soit guillotiné.


Plus tard dans l’année il est choisi pour étudier à l’école normale de Paris où il a Joseph-Louis Lagrange  – « le premier parmi les hommes de science européens » - comme enseignant, ainsi que Pierre-Simon de Laplace  et Gaspard Monge.

Il commence à enseigner au Collège de France tout en continuant ses recherches en mathématiques.

Mais nous voici aux guerres d’Egypte de Napoléon. Fourier rejoint ses armées en 1798. Au Caire il se rend à l’Institut du Caire et se retrouve l’un des douze membres de la division mathématique avec  Monge, le jeune Etienne-Louis Malus et Napoléon lui-même. De retour en France en 1801 il reprend son poste de professeur d’Analyses à l’Ecole Polytechnique. Napoléon, cependant, a d’autres projets pour lui, qu’il ne peut se permettre de refuser : il devient préfet de l’Isère à Grenoble. Ses deux grandes missions seront de  faire assécher les marais de Bourgoin pour améliorer la vie dans cette région insalubre et de superviser la construction d’une grande route Grenoble-Turin remplaçant le passage difficile pour mulets et piétons. Il travaille aussi intensément à une Description de l’Egypte qui ne fut complétée qu’en 1810 lorsque Napoléon y apporta des changements, ré-écrivant l’histoire par endroits. Lors de la seconde édition, les changements de l’Empereur avaient été enlevés !


C’est durant la même période à Grenoble, entre 1804 et 1807, qu’il rédige son important travail mathématique sur la théorie de la chaleur, Mémoire sur la propagation de la chaleur dans les corps solides. Le 21 décembre 1807 ce mémoire est lu à l’Institut de Paris devant un comité. Il est toujours très respecté à ce jour tout en ayant été à l’époque le sujet de sérieuses controverses. Lagrange et Laplace s’opposèrent à ce qu’on appelle aujourd’hui les séries de Fourier.  Fourier chercha à clarifier son idée mais échoua. Ensuite Jean-Baptiste Biot contesta sa dérivation des équations du transfert de la chaleur. 

En 1810 Fourier fonde l’Université royale de Grenoble dont il devient le recteur. 

En 1811 l’Institut de Paris offre un prix dont le sujet devait être La propagation de la chaleur dans les corps solides et Fourier représente son travail critiqué de 1807, complété de travaux additionnels. Il reçoit le prix avec toutefois une remarque négative, raison pour laquelle son ouvrage n’est pas publié à Paris à ce moment mais bien plus tard, en 1822 : Théorie analytique de la chaleur. (source ici)


Il est élu à l’académie des sciences en 1817 et en devient secrétaire perpétuel pour la section des sciences mathématiques. La pension de 6000 francs que Napoléon lui avait allouée et qui aurait dû lui être versée dès le 1er juillet 1815 avait disparu avec la défaite de l’Empereur (avec qui il n’était plus, d’ailleurs, en bons termes depuis qu’il avait tenté de convaincre les habitants de Grenoble de faire allégeance au roi et de s’opposer à Napoléon qui marchait vers la ville avec une armée après sa fuite d’Elbe).


La mort le surprend jeune encore – 62 ans -, et en bonne santé mais il est victime de l’obsession qu’il a et qui consiste à dormir enveloppé de couvertures. Tout simplement… il est tombé dans l’escalier à cause de ses couvertures et est mort des conséquences de la chute…


Il est enterré au Père Lachaise, dans une tombe avec édicule éclectique — néo-égyptien (buste dans un naos avec des cobras gravés sur les piliers et surmonté par un disque solaire ailé entouré de deux uræus et corniche palmiforme) et néo-classique (base à flambeaux renversés) — abritant un buste en Hermès en marbre blanc. (source Wikimedia.org)

 

(D.R.)


Fourier était un véritable amoureux et aventurier de la science. Avec sa théorie selon laquelle le gaz de l’atmosphère terrestre augmente la température à sa surface, il a mis le doigt sur l’effet de serre. Les séries de Fourier ont donné naissance à la transformée de Fourier, une opération mathématique qui permet de décomposer un signal en ses composantes fréquentielles et de phases. Tout comme l’oreille humaine peut décomposer les différentes fréquences d’un son, le spectre obtenu par la transformée de Fourier d’un signal représente l’intensité des différentes composantes fréquentielles d’un signal. La transformée de Fourier calcule dans le même temps les phases de chacune des composantes. Le cumul de ces différentes sinusoïdes d’intensité et de phase données permet de reconstruire le signal (Transformée de Fourier inverse). Les séries de Fourier ont donc participé à l’élaboration de l’IRM.

Sans Fourier et ses intuitions visionnaires, pas de télévision, de portable, de téléphone, d’échographie, d’image numérique … En juin 2012, Tadeusz Sliwa, Maître de Conférences à l’ITII, école d’ingénieurs par alternance, antenne de l’UFR Sciences et Techniques de l’Université de Bourgogne à Auxerre est venu lors d’une série de conférences nous expliquer en quoi les découvertes de cet homme d’exception, né dans une époque de grands bouleversements sociaux et politiques, avait préparé une transformation tout aussi radicale de notre mode de vie :

 

 

 

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                                                                                                  Suzanne DEJAER