Les deux Guy complices et ... comparses ? (DR)

 

Ils étaient en froid sans se battre froid. Les voilà à nouveau ami-ami, les deux Guy, Guy Férez et Guy Roux. Il fallait les voir, dimanche, au stade Pierre-Bouillot pour ne pas être persuadé du contraire. Certes ils n'ont jamais été copains comme cochons, mais une réelle complicité existe entre les deux hommes qui indéniablement se respectent.

À preuve, Guy Roux a attaché beaucoup d'importance au point de vue exprimé par le maire d'Auxerre dans un livre d'entretien qui lui est concacré "Auxerre, une passion" disponible aux Editions de Bourgogne.

Un passage (*) avait blessé le sorcier historique de l'AJA qui a mis du temps à le digérer, c'est le moins que l'on puisse dire tant cela semblait l'obséder. Guy Férez expliquait ne pas apprécier le côté cul terreux, qui ne gâche rien, un peu beauf, cultivé à dessein par Guy Roux, une image qui ne correspond pas à l'identité de la ville d'Auxerre selon Guy Férez et qui avait le don d'agacer le maire.

 

1-1 balle au centre

Guy Roux avait annoncé qu'il y aurait un match retour et que Guy Férez ne perdait rien pour attendre. Effectivement, en juin 2012, à la veille du deuxième tour des législatives dans la première circonscription d'Auxerre-Puisaye, la contre-attaque est venue sous la forme d'un tract de Guy Roux appelant les Époniens (habitants d'Appoigny où GR est conseiller municipal) à voter pour l'UMP Guillaume Larrivé (opposé au socialiste Guy Férez) qui avait fait un moins bon score que Nicolas Sarkozy au premier tour. Ce tract relayé par le quotidien local sur une demi page, fit un sombre effet sur le maire d'Auxerre et son entourage direct. Jusque là, Guy Roux n'avait jamais fait de politique partisane, se gardant à droite comme à gauche, pour mieux peser en faveur des intérêts bien compris de l'AJA.

Aujourd'hui, les deux hommes ont manifestement enterré la hache de guerre et Guy Roux a annoncé au maire qu'il ne se présenterait pas sur une liste contre lui, comme il se le murmurait de proche en proche. " À 75 ans, je ne vais pas me mettre à faire de la politique... D'ailleurs ce n'est pas ma vocation" nous a glissé Guy Roux, à Bouillot le long de la lice. "Et puis, Guy Férez est un bon maire, il a fait voter la construction du nouveau centre de formation. Je le félicite et l'en remercie encore et lui redirai s'il le faut."

C'est du côté des dirigeants de l'AJA que l'on devrait se réjouir. Il se dit que les relations sont tendues avec la ville et d'autant plus après la mise en place d'un sous-traitant privé pour diriger et assurer la formation scolaire des pensionnaires du centre de formation. "Je les avais prévenus que ce serait une connerie.... mais ils n'en ont pas tenu compte. Comment voulez-vous après ça justifier les demandes de subventions aux collectivités...?" Il pense à tout ce Guy Roux.

 

P-J. G.

 

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(*)  Voici le passage en question qui est la réponse de Guy Férez à la dernière question. Nous la resituons dans le contexte de l'interview de Pierre-Jules Gaye, pour une meilleure compréhension. Précisons que le livre est paru en septembre 2010.

(...)

Donc selon vous, il est vital que l’AJA ouvre son capital et s’ouvre à des hommes venus de l’extérieur ?

   J’en suis convaincu. Je l’ai dit au président de l’AJA et aux membres de son état-major puisqu’ils ont ce projet de rénovation, de modernisation, d’agrandissement du stade Abbé-Deschamps. Je leur ai dit que cela ne serait possible que s’ils étaient capables de s’ouvrir à des financements extérieurs et à des partenaires autres que la famille. C’est le message que je ne cesserai de faire passer car c’est la condition de la survie de l’AJA. Il n’y a pas d’autre voie possible.

Avez-vous le sentiment que ce message est entendu ?

   Non, visiblement il n’est pas entendu, mais ceux qui ne veulent pas l’entendre porteront la responsabilité de ce qui arrivera demain.

Donc, l’AJA selon vous va mourir ? C’est une aventure programmée…

   S’il n’y a pas de sursaut et s’il n’y a pas de volonté de s’ouvrir, je pense qu’à terme, la chute de l’AJA constituera la disparition d’un pan du patrimoine alors qu’il n’y a pas de fatalité en la matière. Un patrimoine ça se maintient, ça s’entretient et ça se modernise. Donc ceux qui ne veulent ni entretenir ni moderniser, ni rénover porteront demain l’échec et l’effondrement du patrimoine en la matière.

Donc adieu l’AJA … ett oraison funèbre : qu’a apporté le club au patrimoine d’Auxerre et qu’est-ce qu’a apporté Auxerre à l’AJA ?

   C’est la question qui revient régulièrement. Pour la ville c’est simple. Que ce soit Jean-Pierre Soisson, Jean Garnault ou moi-même, nous avons toujours soutenu le club. C’est tout à fait normal et c’est heureux car l’AJA est un élément du patrimoine, un vecteur d’image pour la ville et correspond à un élément de modernité.

Je considère que l’AJA a beaucoup apporté à la ville. D’abord le fait qu’Auxerre, ville moyenne qui cultive l’excellence, a réussi à jouer avec les grands, y compris les grands d’Europe. Ensuite, cela a été un élément très fort d’animation et de fierté au point qu’il y a eu pendant de nombreuses années une forme d’identification de la ville à l’AJA et à ses réussites. C’est enfin tout simplement l’aventure d’un homme qui a su créer les éléments d’une aventure collective. Cet homme c’est évidemment Guy Roux. C’est aussi le président Hamel pour qui j’ai le plus profond respect et que j’aime bien.

   L’AJA a été l’incarnation d’un destin collectif. Sur le reste, quand on dit que l’AJA a aussi servi le développement économique, je dis que ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, il n’y a pas d’effet mécanique. Ce n’est pas parce qu’on a parlé de l’AJA aux quatre coins du monde que les Chinois ou les Américains sont venus s’installer à Auxerre. C’est plutôt sur cette capacité de réussir que l’AJA a servi la ville. C’est l’image d’Auxerre mais surtout l’image que l’AJA renvoie aux Auxerrois : une ville moyenne qui joue dans la cour des grands. C’est imparable et c’est un motif de fierté. Il faut qu’on soit fier de la cité dans laquelle on vit. Cette fierté, l’AJA y a contribué.

Est-ce que cette image qui est assise aussi sur les valeurs cultivées à dessein par le héraut de l’AJA, Guy Roux, correspond réellement à ce qu’est Auxerre, que l’on peut résumer par l’esprit d’Auxerre ? L’image du paysan qui ne gâche pas et élève des joueurs comme des poulets ne constitue-t-elle pas, paradoxalement, un handicap pour Auxerre, fut-elle source de projet identitaire et de revenu pour son mentor ?

 

   Ce côté cultivé par Guy Roux autour du p’tit gars, du cul terreux, du type un peu pingre d’ailleurs, qui ne gâche rien, est une image construite qui a eu sans doute ses effets positifs à travers la petite ville qui joue dans la cour des grands. Cette stratégie a servi pour l’excellence mais en même temps, elle ne m’a jamais plu. J’ai toujours pensé que ce n’était pas du tout à l’image de la ville. Je trouve que ça ne renvoie pas une image très heureuse et très belle d’Auxerre. Ca m’a toujours profondément gêné ce côté bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, cette gouaille pas toujours très pertinente et ce côté cul terreux m’a toujours profondément énervé. Auxerre, ce n’est pas ça. C’est Guy Roux à travers la stratégie qui était la sienne pour servir la réussite de l’AJA. Autant la réussite de l’AJA c’est ça, cette fierté, cette identité, autant Guy Roux n’est pas à l’image de la ville. Ce côté caricatural n’a strictement aucun intérêt. C’est le mauvais côté patrimoine, c’est un peu beauf comme on dit. Une ville a besoin d’une autre image que cette image là.

(Pages 142,143 et 144, "Guy Férez Auxerre, une passion" Entretien avec Pierre-Jules Gaye,  disponible aux Editions de Bourgogne.)