Emmanuel Limido, propriétaire de Centuria Capital, la holding Luxembourgeoise qui détient à travers ses filiales la majorité des actions de la SAOS AJA (60% contre 40% à l'association AJA), a défini sa stratégie dans un texte de 5 feuillets publié à la fin du mois de juillet.

Tant que l'AJA sera en Ligue 2, elle sera en déficit structurel. Il faut donc remonter en Ligue 1 pour récupérer les droits TV beaucoup plus élevés et disposer d'un meilleur levier et d'une meilleure vitrine pour vendre les joueurs formés au club, à maturité. En attendant, pour éviter une situation de dépôt de bilan, il faut rechercher des fonds supplémentaires (nouveaux) afin de couvrir le déficit structurel annuel, évalué à 4 millions d'euros.

Autrement dit, l'AJA a présenté à la DNCG (direction nationale du contrôle de gestion) au mois de juin 2014, des comptes pour la saison 2014-2015 avec un déficit comptable prévu de l'ordre de 4 millions d'euros.

Le président Guy Cotret précise que ces comptes prévisionnels pour 2014-2015, prennent en compte des recettes non encore réalisées, tel le transfert espéré de Willy Boli. Or le marché des transferts est effondré et personne ne semble intéressé par l'achat du jeune défenseur central Auxerrois. In fine, le déficit de l'AJA pourrait donc s'avérer beaucoup plus important.

 

La trésorerie épongera cette saison

Vous allez dire alors, pourquoi la DNCG n'a-t-elle pas sanctionné l'AJA en encadrant les dépenses, par exemple, comme la saison dernière ? La réponse est que les dirigeants-juges n'ont pas été insensibles à la gestion rigoureuse du club de l'Yonne en matière financière, depuis que le repreneur est arrivé.

Comment alors combler le déficit ?

Pour cette saison, la trésorerie l'épongera, affirme Guy Cotret.. Si cela doit se produire, il faudra la reconstituer d'une manière ou d'une autre. Car c'est un fusil à un seul coup. La vente de Ntep, exceptionnelle, prend toute sa valeur dans ce contexte : avec les bonus, c'est le prix du transfert du Marseillais Mathieu Valbuena au Dynamo Moscou.

Retour à la case départ, comment résorber le déficit structurel annuel de l'AJA tant que le club est en Ligue 2, avec des ressources limitées et un budget en diminution programmée ?

Emmanuel Limido dans sa communication écrite, a montré deux pistes.

La première est la recherche de fonds propres nouveaux au travers d'un partenaire activement recherché, en vain, depuis le recadrage, à l'automne 2013, de Fabrice Hérrault ancien directeur général de l'AJA. Basile Boli et Pierre Lescure ont été adoubés comme pigistes de luxe par Limido dans cette quête.

La seconde est la mise en commun des biens qui appartiennent à l'association AJA, actionnaire minoritaire (40%), au sein de la SAOS AJA. Cela permettrait, selon Emmanuel Limido, de valoriser un patrimoine qui dort, en empruntant de l'argent aux banques avec les biens en hypothèque. Le boss veut aussi récupérer 5 millions d'euros d'intégration fiscale dont a bénéficié la SAOS AJA avec l'association, avant le rachat du club par Emmanuel Limido.

Si l'on comprend bien, dans la durée, ces pistes sont d'autres fusils à un seul coup - ce qui est une manière de repousser les échéances - si l'AJA ne remonte pas rapidement en Ligue 1. Autrement dit, la pérennité de l'AJA passe par la réussite sportive. Le nerf de la guerre.

Le salut passe par la montée en L1

Plusieurs membres de l'association, élus du comité directeur, nous ont déjà fait part, en voulant demeurer discrets, de leur opposition à la mise en commun des biens de l'association. Ces biens ont été accumulés pendant des décennies, petit à petit, et constituent un patrimoine commun, qui ne saurait par définition, être cédé.

Il semble que l'on touche ici au sacré, à la terre, à l'irrationnel, comme tous ces petits dons modestes offerts par les familles à l'abbé Deschamps pour le patro, lequel Abbé les a faits fructifier dans l'intérêt de la jeunesse auxerroise.

Guy Roux, dans l'Yonne républicaine de ce mardi, frémit et affirme clairement son opposition à l'hypothèque des biens de l'association. Il estime que le club, comme par le passé, peut être bien géré sans cela.

Pour le président de l'association AJA, Michel Parmentier, "la mise en balance des actifs immobiliers de l'association n'est pas d'actualité" . Pour ce dernier, ce sont les résultats sportifs des équipes qui sont à l'ordre du jour. Le président Auxerrois, patron de nombreux Mac Do en France, ne ferme pour autant pas la porte à une augmentation de capital.

Rappelons que l'hypothèse Limido prévoit l'entrée d'un actionnaire extérieur à hauteur de 35% ce qui ramènerait la part de l'association AJA à 10 % et celle de AJA XXL filiale de PLP elle-même filiale de Centuria Capital à 55 %. Question : quel partenaire, franchement serait prêt à injecter 35% d'actions dans un club sans en détenir les rennes ? Pour quoi faire ? Pour les beaux yeux de Limido ? D'ailleurs le propriétaire Malaisien du club britannique Queens Park Rangers intéressé par le rachat de l'AJA a lâché prise parce qu'il n'a pu obtenir la majorité des actions. C'est Emmanuel Limido soi-même qui l'affirme au quotidien local.

L'AJA au fil des décennies passées, avant la chute, qui a débuté en 2006 avec le départ-mise à l'écart de Guy Roux, a toujours équilibré ses comptes grâce à la vente de joueurs qu'elle formait et faisait jouer en Division 1. Cela permettait d'éponger un déficit structurel constant de plusieurs millions d'euros. La culture Hamel-Roux a ainsi longtemps fonctionné avec bonheur.

Si deux philosophies semblent s'opposer, il demeure que la clé de tout est la remontée en Ligue 1. C'est la vérité du terrain qui compte. Tout le reste en découle. On a presqu'envie d'écrire que tout le reste n'est que littérature. Mais ça, c'est une autre histoire ...

 

Pierre-Jules GAYE