Parce qu’elle est morte, la guerrière des flots, l’indomptable dame, et qu’elle est morte dans un éclat ultime de vie trop vécue, on a comme honte de la dépeindre en entier, comme s’il y avait des choses à gommer pour que le chagrin soit propre à montrer


 

Mais faire une homélie ainsi expurgée de tout ce qui dérange est comme accompagner une autre femme dans l’autre monde. N’a-t-elle pas le droit à ses paradoxes et ses douleurs, ses erreurs, ses excès ? Qui font que, oui, on lui souhaite vraiment un « repos » berçant comme la mer, odorant comme la flore dont son prénom s’inspira, profond comme une vague glauque où perce le soleil…

Photo Barbetorte - D.R.

Parce qu’elle l’a cherché, ce repos, qu’on ne l’oublie pas. Elle n’était pas suicidaire, mais voyageait sans parachute, sans filet, sans bouée, sans balises. Elle remplissait sa vie, mais avec une gourmandise féroce. La mort la talonnait depuis longtemps déjà, et elle la sentait respirer sur sa nuque. Un souffle froid et familier. Elle s’est « vue mourir » plus d’une mauvaise fois.

 

Elle souffrait, Florence. Physiquement et psychologiquement, elle souffrait si fort que pour soigner le mal par le mal elle a malheureusement opté pour l’apaisement qu’on trouve, illusoirement, dans l’alcool. Sa souffrance et le remède qu’elle lui avait opposé l’ont rendue dangereuse. Pour les autres. Contrée, elle fonçait comme un rhinocéros contre l’ennemi, quel qu’il soit. Et ce n’était pas une dentellière. Elle fonçait, et malheur à qui lui faisait face.

 


Ici je veux accompagner la vraie « fiancée de l’Atlantique » et pas la victime d’un malheureux accident donc le choc a donné envie de la déguiser uniquement en aventurière. Elle l’était, oh combien, et mérite qu’on le dise. Mais elle fut aussi bien d’autres choses. Faire semblant que non est dire adieu à une femme qui n’a pas existé.

 

                                                 Suzanne DEJAER