L'immeuble bijou de l'Yonne républicaine rue du Temple avec son escalier à vis datant de la renaissance. Il a symbolisé l'ère faste du quotidien départemental et la rédaction implantée au fond, a vu naître les premières émissions télévisées avec Maurice Piat et a vu passer des journalistes qui ont marqué leur passage, tels les Couronner, Delohen, Minard, Lavigne, Thuru parmi beaucoup d'autres (DR)

 

Ah bien voilà. L'Yonne Républicaine, le quotidien départemental déménage. Il ne s'en va pas d'Auxerre, rassurez-vous. Simplement, il se positionne à la périphérie afin de mieux pouvoir servir ses clients et lecteurs. Certes d'aucuns s'interrogent au moment où nombre de titres cherchent à réinvestir les centres ville. Il reste que le quotidien départemental a un rôle essentiel dans la communauté icaunaise, qui dépasse la simple notion d'information. Il est un vecteur, un fédérateur, un alerteur : il crée en permanence du lien social et est objectivement un éveilleur de conscience. Il peut parfois, jouer un rôle, malgré lui, qui propulse la communauté sur la scène et fait avancer le smilblick. Oui, les créateurs sont nombreux dans l'Yonne, aujourd'hui. Quant à hier, il suffit d'interroger son histoire.

Le siège historique de 'lYR était en centre ville avant la construction par Louis Clément - aujourd'hui retiré, à plus de 90 ans, à la maison de retraite de Perrigny - du bâtiment de l'avenue Jean-Moulin, résistant s'il en fut, pour un quotidien lui-même issu de la résistance. Le premier numéro paraît le 26 août 1944 deux jours après la libération de la cité de Paul-Bert. Cette construction avenue Jean-Moulin fut une renaissance, un bond en avant comme en Chine. Les années 70, 80 et 90 avec Alain Boulonne furent des années fastes, l'YR épousant  au mieux, les évolutions technologiques et les attentes de ses lecteurs.

Les temps changent et le monde aussi.

 

P'tit Louis payait bien ses journalistes

 

Nous étions une coopérative ouvrière de production (après avoir été une coopérative de consommation), autant dire une anomalie dans le paysage de la presse nationale où règnaient Dassault et Hersant. Et pourtant, l'YR a fait aussi bien sinon mieux que les autres. Gestion rigoureuse, implacable, sans merci.

Le boss voulait que ses journaleux soient fiers de bosser pour la coopérative. Aussi il les payait mieux, en alignant la grille des salaires sur celle de la presse parisienne (+ 30%). Et puis les journaleux ne devaient pas hésiter à aller dans les bons restaurants et ramener des notes de frais... Bref il fallait se montrer. Et démontrer qu'une coopérative pouvait faire aussi bien sinon mieux que les sociétés capitalistes classiques.

Je me souviendrai toujours, en 1974, d'un départ à la retraite au CIGA à Monéteau. Je venais d'être embauché par Rivet et Clément. Le boss était là au fond de la salle. Il vint vers moi et me glissa complice qu'est-ce que c'est ennuyeux tous ces discours qui ne servent à rien ...

Le Foyer des Jeunes travailleurs était complet. Jean-Marie Rigollet, le curé, m'accueillit et m'hébergea rive droite au presbytère. Clément voulut me virer d'entrée pour un article alarmiste sur la grève des banques. Le patron de la Société Générale l'avait appelé redoutant une panique sur les retraits aux distributeurs ! (comme aujourd'hui en Grèce !). Mes camarades prirent ma défense, fort heureusement.

Ce furent des années fastes. La publicité rentrait à gogo et le P'tit Louis (Clément) la privilégiait quitte à réduire la portion affectée à l'information ainsi qu'aux vendeurs de "croûtes", (les artistes peintres qui devaient payer pour figurer dans les pages) grille de rentabilité oblige.

J'y ai vécu mes plus belles années à l'YR. Que d'aventures à travers les rues de Joigny, Migennes, Brienon, Tonnerre, Arthonnay, Cruzy ... Paris, Roland Garros et toute l'Europe (merci l'AJA).

 

Des mecs hors du commun

 

Grâce à une génération de mecs hors du commun, tant à l'atelier (salut Tintin et la Mouette, salut Zizi), à la roto la reine WIFAG suisse que Dargère faisait tourner lentement (20 000/heure) et l'ami Collin le seul à pouvoir l'apprivoiser les soirs de court jus où elle donnait du papier à retordre ... , à la comptabilité où Colas puis JeanMi organisaient les partys, à l'imprimerie dirigée par un Auger fou amoureux, à la réception où Marie-Christine faisait merveille. Et que dire de Francine, notre Francine secrétaire de rédaction qui nous sauvait la mise tous les jours, surtout celle du rédac chef le Gilles Dauxerre le bien nommé, originaire du Mans.

C'était le temps où c'était un honneur pour les visiteurs de monter à l'étage de l'YR par le grand escalier. Nombre de vedettes l'ont emprunté : notamment pour faire court, Jean-Pierre Rives casque d'or, Garry Kasparov le champion du monde d'échecs, Raymond Riotte notre maillot jaune sans omettre Guy Roux le local de l'étape, le meilleur correspondant sportif de l'YR de tous les temps. Et tous ces politiques qui ont des kilomètres dans les jambes, de montées et descentes souvent risquées, soirées d'élection et chablis premier cru de chez Lamblin copain à Clément, obligent.

Ces locaux que l'on dit amiantisés donc invendables, ont connu bien des évolutions. La rédaction planquée au premier étage, pouvait se transformer en terrain de jeu, avec des parties de foot ou de courses sur fauteuil à roulettes dans les couloirs. Il me souvient une séance de pénos où notre tireur préféré descendit une vitre celle de la porte des sports devant un Lohmuller déconfit, au nez et à la barbe du boss qui cette fois, ne cilla pas. Ou encore en espace spirituel lorsqu'Élie décidait de bénir l'un ou l'autre d'entre nous, en révulsant les yeux ce qui impressionnait, ou lorsque de longues réunions syndicales se poursuivaient tard dans le nuit en forme de prières démocratiques odes à la liberté et pas que de la presse, orchestrées par un Méso capable de nous faire prendre tous les virages.

 

De Chicago à Singapour

 

La rédaction installée au premier étage est descendue sur le territoire de la roto au rez-de-chaussée, une roto évacuée dans le temple mausolée d'en face, longtemps sans affectation. Du coup c'est la pub qui a saisi l'espace du premier étage. Adieu le bar où Charlet refusa d'apposer le mot PUB par crainte que Daudet le chef du service, se trompe de bureau. Le garage où stationnèrent tant de camions et autos, où eurent lieu tant d'assemblées générales et de fête se transforma en salle Loubert. Et que dire de l'iimprimerie Arts graphiques 89 qui fut repoussée dans des préfabriqués un peu plus bas dans le rue vers le cimetière. Entretemps, la mausolée fut loué au Crédit Agricole, en pleine diversification. À Demeter, à Croquet pour mesurer les audiences tv, avant qu'ils ne se vident au gré des infortunes de la banque verte, auteure du plus gros Krach financier de France : 1 milliard de francs envolés.

Et puis la roto 5 couleurs venue de Chicago pour remplacer dame Wifag, qui connut de belles heures ensuite au Dauphiné Libéré, fatigua d'autant plus vite qu'elle ne fut guère ménagée, fonctionnant souvent, en continu jour et nuit, pour imprimer les gratuits et autres revues spécialisées. Ainsi fallut-il envisager son remplacement par une autre bête performante au début des années 2 000. Et lui construire de nouveaux locaux, ailleurs forcément afin de pouvoir assurer la transition, la continuité : on n'arrête pas l'info. Un terrain fut acheté dans cette perspective à Monéteau derrière Cora. Revendu pour un autre près du rond-point de la route de Troyes à Auxerre. La roto en question fut achetée à Singapour d'où elle arriva en pièces détachées pas aux normes européennes. Le grand écart, ça fait beaucoup.

Elle vrombit aujourd'hui sur les bords de l'Yonne depuis plusieurs années. Le nouveau siège social du quotidien départemental se rapproche d'elle. Longue vie aux nouveaux conquérants.

 

 

Pierre-Jules GAYE

 

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(*) L'Yonne républicaine déménage au 30, avenue Jean-Mermoz, l'ex-Nouvelle Reliure Industrielle, sur la droite en venant du centre-ville, après Fruehauf et avant la rocade, à la hauteur de Casimir 2000, pour donner un repère visible.

 

L'YR a toujours eu une équipe de football qui s'est parfois distinguée sur les terrains de Bourgogne en championnat corpo. On se souvient d'un match terrible contre Le Monde... Avec Tintin arrière, personne ne passait. Sur la touche, un tonneau de vin du cru

En haut de gauche à droite : Garbé, Martin, Rota, Guilletat, Delorme, Besson, Delohen, Minard, Charlet (fils)

En bas de gauche à droite : Thuru, Charlet (†), Garrioux (†), Gaye, Mésonès, Bobin (DR)

 

 

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Nous publions cet article et cette video datant du 7 octobre 2010, car ils témoignent d'une époque et de la qualité d'hommes et de femmes qui ont marqué l'Yonne Républicaine

 

L'AU REVOIR À GÉRARD COLLIN