Le sénateur de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne (DR)

 

Intervention de Jean-Baptiste LEMOYNE, apparenté Les Républicains au Sénat, le 20 novembre 2015

Sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence et en renforçant l’efficacité


"Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

"Avec ce projet de loi, nous vous donnons, Monsieur le Ministre, tous les outils pour agir avec fermeté et détermination afin de porter le fer contre le terrorisme islamiste.

Pour ma part, je voterai sans état d’âme ce projet de loi.

Je souhaiterai, à ce moment, évoquer deux enjeux que nous aurons à traiter dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Premièrement, comment éviter, une fois l’état d’urgence achevé, de revenir à « avant », comme si rien ne s’était passé ?

Deuxièmement, comment détecter en amont les individus en voie de radicalisation afin d’endiguer ce phénomène qui a donné naissance aux Merah, Kouachi et autres Amimour ?

Nous prorogeons de trois mois l’état d’urgence et les pouvoirs exceptionnels qui vont avec et qui permettent d’agir vite et fort contre des réseaux qui souhaitent s’en prendre à la France.

Vous avez tout notre appui, Monsieur le Ministre, pour utiliser pleinement ces pouvoirs, pour ratisser les caves, saisir les armes qui circulent illégalement sur le territoire, pour dissoudre les groupements menaçants.

Pour tout vous dire, il me semble que nous devons réfléchir à la pérennisation de certaines dispositions que nous votons ce soir dans le cadre de l’état d’urgence. Il ne s’agit pas d’instaurer un climat d’exception permanent.

Mais enfin, perquisitionner, de jour comme de nuit, des lieux « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics » ne paraitrait pas extravagant en temps « normal » si nous souhaitons éradiquer dans la durée les menaces auxquelles nous sommes confrontées.

Ensuite, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur les compléments à apporter à notre code pénal. Il ne s’agit pas de lancer un concours Lépine et je sais que la commission des lois aura à cœur de mettre de la cohérence dans les initiatives qui pourraient être prises. Encore une fois, il y a un « avant » et un « après » 13 novembre qui nous oblige en tant que législateurs.

Dans un ordre d’idée différent, qui a trait à la détection des individus en voie de radicalisation, là aussi, nous ne pouvons nous en tenir à une sorte d’angélisme qui a prévalu trop longtemps.

Il faut à tout prix empêcher que ces fils et filles de France, qui ne se sentent malheureusement pas toujours comme tel, de se retourner contre la mère patrie.

C’est donc dès l’apparition des premiers « signaux faibles » qu’il faut agir et signaler des personnes qui se laisseraient entraîner dans une spirale inquiétante. Car cela se fait petit à petit, sans forcément faire de bruit. Et un beau matin, on se réveille avec la gueule de bois car personne n’a vu ou voulu voir venir cette radicalisation.

Il y donc un travail de sensibilisation de toutes les institutions et lieux de sociabilisation, qui sont autant d’enceintes permettant de repérer des débuts de dérives. Je pense à l’Education nationale ou au passage dans les Journées Défense et Citoyenneté par exemple. Bref, agir tant qu’il est encore temps…

Il ne s’agit pas d’ériger une société de la défiance permanente ou de la surveillance institutionnalisée. Il s’agit d’une vigilance que nous devons à nos compatriotes car la liberté n’est rien sans la sécurité.

Je suis père de deux enfants. Après le drame que nous avons vécu le 13 novembre, j’entends de nombreux parents se demander quel monde nous nous préparons à laisser à nos enfants. Si nous voulons pouvoir les regarder en face demain, nous devons être à la hauteur des enjeux aujourd’hui.

Je vous remercie."