Parce que ça n'a pas raté, à chaque fois que l'AJA a eu l'occasion de recoller dans le haut du tableau vers ce fichu graal incarné par la troisième place du podium, pour la dernière fois cette saison puisque l'année prochaine, seules deux équipes monteront, eh bien l'AJA s'est trouée, s'est manquée, lamentablement le plus souvent, comme tétanisée par l'enjeu, comme si dans l'inconscient des joueurs, individuel et collectif, ils s'interdisaient de se retrouver aussi bien placés, d'un vendredi à l'autre, puisque le championnat est encore long. Et le plus surprenant est qu'ils ont répété ce scénario avec une constance rare, comme s'ils se complaisaient dans une situation authentiquement masochiste.

Voilà pour le descriptif. Mais ce serait faire injure à leurs adversaires qui leur ont tenu la dragée haute et eux aussi ont décuplé ces vélléités de conquête face à un des grands clubs de France, l'AJA, de par son palmarès mais plus encore de par les valeurs véhiculées sur les terrains d'Europe. Bill Shankley, le grand coach initial des Reds de Liverpool ne disait-il pas systématiquement aux petits nouveaux que le maillot qu'ils portaient était plus grand et plus fort qu'eux, car avant eux, beaucoup l'avaient porté contribuant à la gloire du club qui domina l'Europe pendant de nombreuses années par la qualité de son jeu basé sur la passing game d'attaque, qui a préfiguré le jeu du Barça créé par le génie batave Johan Cruiff.

 

Un bouchon de champagne

 

Ça n'a pas raté au point que les plus obstinés irréductibles des supporters ultras y sont allés d'un c'est fichu pour la montée, cette équipe n'est pas bonne, elle n'y arrive pas, ce sont des branquignolles ...

On se demande d'où venait ce rêve de grandeur appliqué à une équipe d'Auxerre en reconstruction permanente depuis deux ans, qui nous désespère depuis la chute en Ligue 2.

Ce n'était donc pas assez de temps pour apprendre la modestie, pour aimer enfin le foot en d'autres termes que de ne penser qu'à la remontée immédiatement comme si c'était mécanique, comme si l'AJA, excusez du peu, était au-dessus des autres, des lois du sport et des voies du seigneur dont chacun sait qu'elles sont impénétrables ?

Auxerre, l'AJA et l'Abbé-Deschamps, est ce terroir - sans Guy Roux - qui se voudrait un miracle permanent. Une idée contagieuse qui a ravagé d'entrée le caporal Guy Cotret venu, comme un bouchon de champagne, en sauveur pour intimer l'ordre de remonter dans les deux ans sous peine de déposer les armes.

Vannuchi au club depuis deux années, il est arrivé le 17 mars 2014, a été confronté au sauvetage d'Auxerre qui a évité de très peu la relégation en National et à la reconstruction permanente d'une équipe puisque le club a perdu des joueurs, jeunes et cadres, en cours de route. Une mission quasiment impossible dans un temps aussi court dans la mesure où il faut du temps pour jeter les bases d'une équipe, la compléter, l'améliorer sur le plan collectif et la peaufiner dans le détail, enfin, lui donner de la stabilité en la faisant jouer. Regardez Dijon et Troyes avant l'accession en L1, Troyes qui a perdu des pièces maîtresses à l'intersaison programmant la redescente au mois d'août.

C'est ainsi que malgré le maintien, une finale en Coupe de France contre le PSG et un parcours finalement honorable en Ligue 2 cette saison où de nombreux jeunes ont été intégrés et lancés, le contrat de Jean-Luc Vannuchi qui expire en juin, n'a pas été renouvelé. La pression est forte sur l'homme et le coach, dans une société gangrénée par le zapping et les mouchoirs jetables. En somme le contraire des valeurs éducatives et formatrices développées par l'Abbé-Deschamps pour bâtir l'AJA sur pierre, coeur et esprit.

 

La folie des grandeurs

 

On peut considérer, au contraire, que la jeune équipe de l'AJA du vénérable et noble Puygrenier, a rudement bien bataillé pour en arriver là où elle est aujourd'hui, contre des adversaires remontés comme des coucous parfois dans une Ligue 2 féroce. Compte tenu de l'ampleur du chantier des réparations à l'AJA route de Vaux, voilà qui respectait nous semble-t-il le calendrier de la reconstruction.

Mais non, voyez-vous, on redoublait encore d'impatience à la veille du match, là, où une nouvelle défaite ne serait plus permise. Désolé mais, une fois de plus, on se demande de quel droit pareille exigence. Certains esprits sont intoxiqués par la folie des grandeurs qui sévit dans le business-spectacle du foot-divertissement.

Cette équipe en maturation de l'AJA ne mériterait-elle pas un regard différent de celui qu'on porte sur les cadors du championnat ? Pour l'heure la bande à Vannuchi, avec ses carences, le peu de temps consenti à sa maturation nous fait davantage penser aux jeunes équipes en devenir de l'AJA d'autrefois, qu'à des machines de guerre sûres d'elles et dominatrices. Elle requiert la persévérance d'Ulysse avant que d'être déclarée dans ses meubles, et non pas un retour sur investissement aussi immédiat que possible à l'image du portefeuille vide du président Guy Cotret sous forme d'un coup de poker, un Cotret pas du genre hilare mais entêté voire aux abois.

Alors laissons jouer cette équipe en devenir, une équipe qui ne peut aller plus vite que la musique. L'épreuve attend plus encore une galerie affligée de sa courte vue. En un mot, il ne faudrait pas trop s'offrir aux condamnations.

Au moment où le grand colloque sur Napoléon investi, samedi à Vaulabelle, la cité de Jospeh Fourier, Paul-Bert et du maréchal Davout, le stratège militaire Auxerrois de l'Empereur, qui a gagné toutes les batailles sauf Waterloo où il n'était pas, chargé par Napoléon de veiller en France à ce qu'il n'y ait pas de coup d'état ; les jeunes Bleus sont dans un contexte bien dessiné par eux-mêmes, pour ajuster leur jeu et éviter les fautes d'exécution qui ne seraient pas dignes de leurs intentions.

Messieurs les Ajaïstes, à vous de tirer les premiers. Personne n'est jamais promis au triomphe définitif, non plus qu'à être voué aux gémonies.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

LES POSITIONS

Bourg-en-Bresse est 19ème à l'extérieur avec 27 buts encaissés. Seul Créteil fait pire.

En dominant de bout en bout le Red Star, actuellement 3ème (0-2) les Bourguignons sont revenus à 4 points d'eux (8èmes, 45 points). Auxerre est sur une série de sept matchs sans défaite (4 nuls, 3 victoires).

Bourg-en-Bresse n'avait plus gagné depuis neuf matchs (5 nuls, 4 défaites) mais a mis un terme à cette série en s'imposant 2-0 contre le 2ème Nancy.