par Suzanne DEJAER

 

Je ne suis ni politologue ni sociologue ni experte en quoi que ce soit de hautement important. Mais j’ai une expérience « in situ » de la vie sur la côte Nord-Est des Etats-Unis. De longues années, dont la fin de Clinton for President, Bush for President et le début d'Obama for President. Et si chez nous il y a aussi bien des courants souterrains très chaotiques, il m’a semblé que les légendaires (et imaginaires) crocodiles des égoûts de New York étaient une image gentillette par rapport à la réalité.

Victoire Républicaine...

 

Obama Care n’a pas arrangé grand-chose, on le sait à présent. Bien entendu, Obama a eu contre lui le puissant lobby des produits pharmaceutiques, et tout président qu’il était – et est encore pour un peu – c’était le bras de fer d’Olive, la frêle fiancée de Popeye, contre Hulk en pleine crise gonflante.  

En Europe on a du mal à comprendre le système de « mutuelle » US. Il est complexe, varie d’État à État et d’employeur à employeur, mais en gros on peut dire ceci : l’assurance médicale (la mutuelle) n’est pas imposée à l’employeur (pas plus que les congés payés). Si on travaille à la pompe à essence, chez le coiffeur du quartier, ou dans la superette du coin, on n’est vraisemblablement pas assuré. Les « bons emplois » sont ceux qui offrent ce qu’on appelle les « benefits » c'est-à-dire une contribution patronale à une assurance santé, choisie par l’employeur, et un système de congés payés (bien moindre que chez nous).

En échange de quoi souvent on accepte une paie (encore) moindre. Une fois autorisé à souscrire à ce plan providentiel, on peut – contre contribution – y ajouter les membres de sa famille. C’est donc un atout considérable. Chaque plan (compagnie d’assurance et programme choisi) est différent, et n’est offert à l’employé en général qu’au bout de 6 mois de travail satisfaisants. Lui aussi a une retenue sur salaire, et paie une cotisation plus ou moins grande lors de chaque consultation médicale.

On ne le dit pas tout haut mais comme on change souvent de travail aux USA, le mot d’ordre de ces compagnies d’assurance et de ne pas payer pour des soins qui vont aider le malade dans l’avenir, c'est-à-dire lorsqu’il sera assuré… ailleurs, car il aura sans doute changé de boulot. Ce qui veut dire qu’il n’est pas exceptionnel qu’on vous dise « que vous n’avez rien » parce qu’on sait que les soins vont coûter, alors autant qu’ils coûtent à votre prochaine compagnie d’assurance médicale. Ignoble, oui. Mais véridique.

Personnellement, la réforme d’Obama a fait en sorte que je payais encore plus d’assurance - qui était déjà très chère par rapport à l'Europe, de l'ordre de 150$ par mois...), et plus en soins de consultation (facilement 100$ de plus par mois, et 10$ par consultation, pas des broutilles), et ainsi il a financé les soins gratuits aux plus démunis. Bref, la généreuse réforme a consisté à prendre plus d’argent aux malheureux qui étaient déjà plumés et le furent donc un peu plus. Les riches ne s’en sont guère souciés, n’ayant pas à passer par ces misérables arnaqueurs aux commandes des assurances médicales.

Et bien entendu, ça n’a pas fait que des ravis… Loin de là.

Les coûts des soins médicaux sont, on le sait aussi, du domaine de la science-fiction, du film d’horreur. Je me souviens d’un homme dont le fils est mort en arrivant à l’hôpital, et qui s’est vu réclamer quelque chose de l’ordre de 3 000$ par le dit hôpital. On lui comptait l’aspirine au prix d’un cocktail, l’ouate, la gaze et les seringues comme s’il s’était agi de vêtements de styliste faits sur mesure.

Harcelés par les médias au moment de l’entrée en vigueur de l’Obamacare (dont on croyait encore alors qu’il allait nous mettre presque à niveau avec l’Europe…) les directeurs d’hôpitaux agitaient les bras comme des épouvantails et se défendaient : « mais c’est à cause de tous les gens qui ne paient pas, il faut bien qu’on rentre dans nos frais… ».

Un ami accidenté dans le Queens pour cause de crise cardiaque au volant a été transporté dans le fameux hôpital du Queens, quartier difficile mais hôpital très propre – et, j’insiste, personnel très disponible, sous-payé mais en surnombre et donc animé d’une compassion vraiment charmante comme presque partout aux USA ! – a été mis en chambre commune. Dans le couloir, des policiers en faction assis devant des chambres de malfrats notoires. Dans la sienne, un voisin de chambre balafré comme si on l’avait embroché chaque année pour son anniversaire, les cheveux aux fesses, et des tatouages serrés comme un habit de dentelle. Bien aimable au demeurant. Pour cet endroit idyllique, le coût était, en 2008, de 3 500$ par jour sans les soins.

Pour l'anecdote j'ajoute que cet ami a eu une amende de la police pour avoir changé de voie sans mettre son clignottant et une autre pour n'avoir pas présenté spontanément ses papiers d'assurance...

Le racisme, oui il existe, mais dans les deux sens. Et pas uniquement si provoqué ou quand "on pourrait comprendre". Des portes battantes qu’on vous écrase sur le nez sont monnaie courante à New York, des réflexions méchantes par des gens qui ont des galeries d’art ou beaux magasins, et bien entendu les insultes, coups et agressions qui sortent de nulle part. Ce n’est pas quotidien, mais pas exceptionnel non plus.

Je ne sais pas comment Trump pourra devenir le président de tous les Américains comme il le dit, mais s’il y arrivait ce serait déjà un beau travail de nivelage. Car comment en effet concilier le lobby des armes avec ceux qui les trouvent trop dangereuses ? Oui, moi aussi je les trouve dangereuses et y suis opposée, mais si j’habitais dans une ferme au milieu des bois du Tennessee à 15 kms de chez mes voisins, je voudrais une arme. On n’imaginerait pas ne pas en avoir… Tout comme dans certains quartiers des villes…

On peut s’étendre à l’infini sur les différents mondes qui se partagent le continent nord-américain, où tout est un peu vrai et en tout cas possible. Et même ainsi, on ne couvrirait pas tous les contrastes. Les Américains sont indéfinissables, et sans nuances. C’est un patchwork aux tons criards.

Trump peut-il en faire une jolie mosaïque harmonieuse ?

 

                                                                                               Suzanne DEJAER

_______________________________________

 

Donald Trump travaillera aussi à l'abolition la plus rapide possible de la loi sur l'assurance maladie surnommée "Obamacare" et annulera des milliards de dollars de paiements prévus aux Nations unies pour les programmes visant à lutter contre le changement climatique, expulsera 11 millions d'immigrants clandestins ou la fin du programme d'accueil des réfugiés syriens.

 

 Caricature de Donald Trump 45è président des États-Unis (DR)