Le CD 89 en séance plénière

 

L'Yonne est un département très ancré, de tout temps, à droite et même à droite de la droite, Joigny ayant incarné pendant longtemps la droite la plus dure.

Mais à quoi sert d'avoir des députés de droite s'ils figurent parmi l'opposition réduite de moitié ? Que peuvent-ils peser ? Ont-ils une influence sur le cours des choses ? Force est de constater qu'en dehors du ministère de la parole dont ne s'est jamais privé Guillaume Larrivé tant à l'Assemblée que sur les plateaux télé et studios de radio, on ne voit rien venir de concret pour le territoire.

Depuis qu'il a été élu en 2012, succédant au légendaire Jean-Pierre Soisson, Guillaume Larrivé a surtout divisé pour règner.

Personnage atypique souvent insupportable, il peut aussi se montrer attachant.

Amateur de tribunes et d'estrades qui lui permettent des envolées de langage et des discours passionnés très clivants, en cinq années, il n'a jamais été fédérateur et ne s'est jamais associé aux autres pour porter ou promouvoir des projets. Il a excellé dans le contre comme sur un terrain de foot, posant des bâtons dans les roues voire empêchant des projets dont il n'était pas à l'origine. Si on n'est pas avec lui prêt à tout, on est contre lui donc son ennemi. Et des ennemis le Guillaume il s'en est fait un paquet.

C'est au point qu'il a été lâché par des membres de son équipe de campagne qui n'en pouvaient plus et ne supportent plus d'être traités comme des larbins que l'on jette ensuite comme des kleenex jusqu'à nouvel avis. Car il sait se montrer charmeur pour obtenir ce qu'il veut, admettant même ses erreurs mais uniquement pour arriver à ses fins.

S'il a remonté son handicap de près de 5 points sur le marcheur Paulo Da Silva Moreira, Guillaume Larrivé le doit à la Puisaye et au Front national dont le report des voix a été total dans une région très marquée à droite depuis longtemps. Battu encore une fois à Auxerre, il n'a pas pu inverser cette tendance en dépit de l'abstention massive qui aurait pu lui profiter.

Sa proximité avec le FN depuis 2012, où il avait permis à Marine Le Pen d'obtenir les parrainages de maires de Puisaye qui lui manquaient pour se présenter à la présidentielle, confirmée par son vote blanc au deuxième tour de la présidentielle qui a contrarié nombre de maires, a constitué un atout tactique auquel l'ancien membre du cabinet du ministre de l'Intérieur de Sarkozy Brice Hortefeux, a toujours été attaché. Il est même permis de s'interroger sur la portée de cette proximité en termes d'accords au plan national entre les Wauquiez et Ciotti et le staff du FN. 

 

L'exploitation du refus de débat

 

Guillaume Larrivé a par ailleurs bénéficié des faiblesses de son adversaire principal qui l'a devancé au premier tour. Sentant venir le boulet de la défaite annoncée, le député sortant a provoqué son adversaire à distance en l'attaquant sur sa personnalité et le député inutile qu'il serait, godillot au sein de l'armée Macron. Blessé, le médecin maire de Treigny a répliqué par la mise à distance, le refus de débattre avec ce personnage jugé "odieux" de Larrivé. En politique, ce type d'attitude fonctionne rarement. Et l'élu professionnel, énarque, avocat s'est engoufré dans l'interstice pour pilonner Moreira le boudeur. Nul ne peut dire si cela a désavantagé au final ce dernier, mais ce qui est certain c'est que Guillaume en mauvaise posture, a repris du poïl de la bête et confiance. Des forces supplémentaires puisées pour faire une campagne dure sur le terrain, sillonnant et pourfendant.

Le mic-mac de la mise sur orbite du candidat de la République en Marche, indépendant au départ avant d'être scotché par le PS Auxerrois qui voyait en lui un bon candidat lui tirant une épine du pied et qui d'emblée lui soumit le jeune membre du PS Mathieu Debain kiné à l'AJA ; avant que Paulo Da Silva Moreira décide de rallier la République en Marche, provoquant une situation conflictuelle au sein du PS local ; n'a sans doute pas aidé à la clarté, brouillant l'image d'un indépendant à la solde de Férez & co, argument pilonné et tagué par Larrivé et les colleurs.

La force de frappe fut moindre dès lors que le directeur de campagne de Paulo da Silva, Marc Picot, directeur de cabinet du maire d'Auxerre, prit du recul aussitôt l'annonce du ralliement de Moreira à En Marche, qui n'est pas la tasse de thé de celui qui fut président des Jeunes socialistes de Puisaye, à la belle époque.

 

L'obsession de 2020

 

Tel est le tracé succinctement résumé.

Aujourd'hui, Guillaume Larrivé va-t-il changer de comportement ? On en doute. Il a 40 ans et on ne change pas les rayures du zèbre. Puisqu'il ne porte plus le logo LR contreproductif, va-t-il pour autant rallier la République en Marche ? Non. Va-t-il s'aligner derrière Wauquiez-Ciotti qui vont créer un nouveau parti de droite dure ou va-t-il glisser vers Bertrand-Pécresse qui vont en faire autant mais en faveur d'une droite humaniste, cette fois ?

Ce qui est sûr en revanche, c'est que Larrivé demeure obsédé par 2020. Ce bon élève qui semble avoir toujours tout réussi car rien ne saurait lui résister, n'a jamais digéré sa défaite aux élections municipales de 2014 face à Guy Férez le socialo-macroniste comme il dit non sans dédain et mépris. Le député réélu, dimanche, entend s'atteler à "réorganiser" son équipe dans l'Auxerrois.

Qu'est-ce à dire ? Faire rentrer au bercail par sa séduction naturelle celles et ceux qui l'ont objectivement lâché ? Poser de nouveaux jalons et réactiver l'Union pour l'Auxerrois qui a perdu une secrétaire précieuse et efficace, Laurence Rauline, professeur de lettres ?

Il ne faut pas exclure l'hypothèse où son adversaire préféré Guy Férez serait empêché de se présenter une quatrième fois aux élections municipales de 2020, si la rédaction de la loi sur la moralisation de la vie publique le prévoit. La route serait grande ouverte pour la liste Larrivé même si ce dernier ne sera jamais maire d'Auxerre, loi sur le cumul des mandats oblige, sauf à démissionner de son mandat de député, l'heure venue.

Connaissant Guillaume Larrivé un tel scénario le désolerait car il ne lui permettrait pas de prendre la revanche qu'il mijote comme un plat à manger froid comme une vengeance. Cela ne le quittera pas, car il est conscient que ce qui lui manque c'est un ancrage exécutif local .

L'obsession 2020 est donc bien présente qui ouvre d'autres appétits, mais cela est une autre histoire. Nous voilà loin de la déviation sud que nombre d'Auxerrois appellent de leurs voeux pour des raisons de santé publique car la pollution entraînée en ville par le trafic qui augmente constitue un vrai problème. S'il rallie un jour Macron - qui peut savoir - sans doute Guillaume Larrivé pourrait-il enfin se montrer efficace pour le territoire. Et non plus pour lui-même, son image et sa carrière personnelle. Grandirait-il enfin ?

 

2 députés et 1 sénateur siègent au CD 89

 

L'élection d'André Villiers dans la deux!ème circonscription Avallon-Tonnerre-St-Florentin-Migennes bouscule le conseil départemental dont il était l'emblème et la figure de proue. Le centriste de droite UDI avait réalisé un vrai hold up en 2011 prenant le pouvoir aux dépens du RPR-UMP, une élection confirmée en 2015 grâce à l'appui de quelques LR-Larrivé débauchés, aux dépens du jeune sénateur Jean-Baptiste Lemoyne dont les ailes ont été coupées.

Le paysan éleveur de Pierre-Perthuis sort du jeu dans une période difficile et au moment où des dossiers sensibles surgissent dans l'actualité : le SDIS, Yonne-en-Scène, et la fermeture programmée du collège Bienvenu-Martin, qui n'a pas encore obtenu l'aval de l'État. En attendant, des scénarios de répartition des élèves dans d'autres collèges sont en cours d'examen.

D'abord qui va succéder à André Villiers à la présidence ? Quelle sera sa politique ? Reviendra-t-il sur certaines décisions ? Infléchira-t-il une nouvelle politique ? Sachant qu'André Villiers siègera dans l'assemblée comme simple conseiller départemental. Il aura certes encore de l'influence mais jusqu'à quel point ? Dans quel groupe siègera-t-il ?

Jean-Baptiste Lemoyne semble hors-jeu désormais ayant rejoint la République en Marche et l'état-major. Il serait même pressenti lors du prochain ajustement ministériel. En outre, une élection à la présidence du conseil départemental lui imposerait d'abandonner son mandat de sénateur, loi sur le cumul oblige désormais. Il reste que Lemoyne ancien président de la fédération LR de l'Yonne demeure une pièce maîtresse dans l'assemblée départementale en voie de recomposition et de nouvelles alliances.

Michèle Crouzet UDI devenue LREM siègera avec un statut de députée de la troisième circonscription Sens-Joigny.

Cela fait du beau monde. Comment vont s'articuler les groupes et les soutiens ? Sachant que les LR divisés depuis la non élection de Lemoyne à la présidence en 2015, pourraient se réunir autour d'un nom et tenter de "récupérer" la présidence du conseil départemental après l'épisode André Villiers.

 

Quels sont les candidats potentiels ?

 

D'abord Patrick Gendraud, le premier vice-président, passé de l'UDI à LR qu'il revendique être sa famille d'origine, sa mère ayant longtemps été la collaboratrice de Jacques Chirac. Mais le maire de Chablis, s'il croit en ses chances, est loin de faire l'unanimité. Ensuite Maurice Pianon, vice-président en charge du développement économique et de la commission du développement. L'élu du Tonnerrois qui est aussi passé de l'UDI à LREM dès le départ, a une longue expérience et fut un des conseillers écoutés d'André Villiers.

Enfin, d'autres noms circulent : Christophe Bonnefond maire de Venoy vice-président en charge des travaux, un travailleur qui a les dents longues, l'homme lige de Guillaume Larrivé dans l'Auxerrois dont il se dit qu'il aurait des vues sur Auxerre en 2020. Il est vrai que Larrivé est arrivé derrière Da Silva Moreira à Venoy. Mais aussi pourquoi pas une femme, Marie-Laure Capitain, vice -présidente en charge des finances, élue du canton de St-Florentin qui englobe Flogny-la-Chapelle ? Sans préjuger d'une surprise, une autre femme, LR, active dans l'enceinte. Michèle Crouzet ne fut-ce pas une surprise ?

La première chose à savoir pour prétendre lire et comprendre  la nouvelle grille, est de quelle manière seront composés les nouveaux groupes politiques. On peut vous dire que ça tiraille ferme et que ça marchande. Poker menteur. Qui vivra verra.

À ce jeu, il ne faut surtout pas négliger le maire de Migennes François Boucher qui a fait la campagne d'André Villiers sans rien négliger comme un pro. L'élu LR autrefois RPR dur, a lui aussi une belle carte à jouer en cas de besoin. Il serait surprenant que le nouveau président fut élu au premier tour. En 2015, Villiers fut élu au troisième et dernier tour.

À moins que pour applaudir le président sortant dont certains estiment qu'il quitte le navire qui coule, une espèce d'union sacrée se cristallise sur un nom,  celui qu'aura proposé en héritage pour transmettre, André Villiers.

Ce dernier a indiqué qu'il démissionnerait de la présidence dans le mois à venir. Il n'est pas pressé et veut assurer l'essentiel. Cela dit, le pouvoir cela se prend. Cela ne se transmet pas. Qu'en pense l'UDI Robert Bideau maire de Monéteau qui en a vu d'autres ...?

Deux réunions du CD 89 sont prévues : le vendredi 23 juin et le 4 juillet.

De la nouvelle gouvernance pourrait émerger de nouvelles relations avec la ville d'Auxerre, détestables jusqu'alors, sans aucun dialogue. Ce serait pour les uns et pour les autres et surtout pour les Icaunais une bonne nouvelle pour un territoire qui prétend vouloir sortir de l'ornière... Mais le veut-il vraiment et autant que ça ?

Autrement dit, Larrivé a-t-il décroché une victoire à la Pyrrhus ?

André Villiers son allié objectif, lui, est prêt, demain à travailler avec Macron. Cela ne lui pose aucun problème. Il a d'ailleurs failli rallier En Marche, l'année dernière, poussé par ses amis Malika Ounès et François Patriat.

 

Pierre-Jules GAYE

 

André Villiers abandonne la présidence du conseil départemental de l'Yonne qu'il présidait depuis mars 2011

 

 

Les 42 élus du CD 89 en 2015 (DR)