AUXERRE TV publie à la faveur de l'été une série de nouvelles et de poésies. Une manière d'ouvrir une petite fenêtre sur les multiples univers, les mulitples possibles de la vie qu'offre la littérature. Une manière aussi de passer d'un monde à l'autre à l'époque marquée par le zapping

 

Armentières

 

Un poème de Martine DILLES-SNAET

 

 

 

Le 1er mai 2008, Martine Dillies-Snaet arrête sa carrière de professeur de mathématique pour se consacrer à l’écriture. Primée par les Arts et Lettres de France, cet auteur née à Ploegsteert se voit encore récompensée par de nombreux prix pour sa poésie libre.

Ce sont des jours de bonheur qui s’annoncent pour elle car elle refuse que la poésie soit uniquement une affaire d’initiés.

Prof de math, elle manipule les lettres et les chiffres et, de plus, elle s'amuse!

Primée de nombreuses fois, Martine Dillies-Snaet s’est d’abord fait connaître pour ses deux livres en poésie libre.

Dans le premier, elle ouvre la porte des émotions et dans le second, elle vous fait regarder les beffrois de France comme vous ne les avez jamais regardés.

Vous dites que vous n'aimez pas la poésie! ?? Ouvrez donc ses livres !

Ensuite, il y aura cette bible, ce vade-mecum pour jeunes enseignants : un livre de pédagogie et de psychologie de terrain dont un tiers est consacré à l’enseignement de la mathématique, terminer sa carrière par un point d’orgue : donner tout ce qu’elle savait de la profession aux jeunes enseignants.

ET si elle refuse que la poésie soit uniquement une affaire d’initiés, dans le monde de l’enseignement, elle refuse là le nivellement par le bas. « Il y a un avenir et notre devoir de nous battre pour lui n’est pas une utopie. », affirme-t-elle ! Mais ceci est un autre domaine.

Des livres qui font mouche, diverses facettes d’une personnalité riche.



 

Armentières

 

 


 

 

Onze heures !

« Quand Madelon vient nous servir à boire, Sous la … »

Marius,

Il faut que tu montes jusqu’à cette cité.

Mon ami, aujourd’hui je suis tombé

Sur l’un des plus jeunes beffrois de France.

Et sur le plus joyeux d’entre tous!

Chaque heure, tu l’entends carillonner « la Madelon »

Et chaque soir, avant même que les ombres ne s’étendent,

Si tu écoutes bien… et si, semblant de rien,

Comme ça,

D’un air indifférent,

Tu poses ta main sur son ventre de briques,

Tu le sentiras rire. Il se marre. Le beffroi d’ici se marre.

Je te l’ai dit, à Armentières, le beffroi est un joyeux drille.

Le clocher de l’église St Vaast, sa tour voisine,

Porte sur la tête son blanc bonnet de nuit qu’elle ne quitte jamais.

Alors le beffroi d’Armentières s’amuse

Persuadé de ne rien craindre d’un pitre

Qui, en plein midi, arbore ce bonnet blanc de nuit.

Et le beffroi rigole.

Viens écouter ce rire avant qu’il ne s’éteigne

Et qu’il ne nous ramène inexorablement

Vers les souvenirs dans lesquels il baigne.

Comme toi tu as ton port de Marseille,

La tour, ici, est ce lien qui rattache l’homme du Nord au passé de sa ville.

Quand tu viendras, tu prendras l’escalier dont les marches te mèneront

Tout en haut.

Tu verras, des cimetières, les croix plantées dans cette terre d’argile,

Et tu en devineras toutes les autres.

Tu verras, des plaines de Flandre, les arbres plantés dans cette

Terre de briques,

Et si le ciel est découvert, tu découvriras, au loin, les terrils des vieilles mines.

Tu verras la Lys qui, entre chemins de halage, a fui la ville et coule tranquille.

Puis tu prendras le chemin du guet. Du bas, tu percevras la vie des jeunes d’ici,

Le va-et-vient des péniches sur la Lys et, sur la place,

l’baraque à frites de Dany Boon.

Marius,

J’aime à croire qu’un jour tu monteras jusqu’au pays des ch’tis

Et quand là-haut, dans le vent et la pluie, appuyé à la balustrade du beffroi,

Tu penseras à ton pays,

Ramène tes pensées sous tes pas.

Oublie tes livres d’histoire et entre dans celle des gens d’ici.

Ils ont payé un lourd tribut à la guerre et à l’Europe.

A chaque labour, les champs vomissent encore des obus,

Les usines fermées parlent de filatures et

Les rires dans les courées rappellent les brasseries.

Les vitraux de l’hôtel de ville portent les couleurs que le ciel n’a pas.

Pourtant, tu sais, contrairement à ce que tu crois,

Le ciel, ici, n’est pas toujours gris.

Et puis, monte donc, pour une fois, quitte ton midi

Viens écouter les gens du Nord

Et puis, tu entendras ce beffroi, cet enjoué beffroi qui rit encore.

« La Madelon pour nous n'est pas sévère, Quand on lui prend…»

 

N50 41 11 E2 52 57

(extrait de « Beffrois, racines de pierres » Martine Dillies-Snaet)

 

 

(D.R)