CULTURE
European Graffiti
le mardi 01 septembre 2015, 16:39 - CULTURE - Lien permanent
Rencontre avec Jaba, qui est passé des tags en douce et hors-la-loi à la véritable fresque qui revêt murs tristes d'une vie fraiche et mouvementée
Il s’appelle Didier « Jaba » Mathieu, est né en Colombie et peint depuis 1991. Et s’il a commencé à la sauvette comme tant d’autres, il sortait quand même de Saint Luc à Liège (art de l’espace et illustration), une école belge à la réputation solide. Et il n’avait pas que le culot d’habiller les murs à la sauvette, non ! Il a également fait son bilan et compris que le graffiti ne le conduirait pas là où il voulait aller, et a alors misé sur une formation à Mons – Belgique encore - en dessin informatique et 3D, après quoi, eh bien pourquoi pas ?... il a préféré parler à un dieu plutôt qu’à des saints et a envoyé un CV à Lucasfilm.
Lucasfilm… ça vous parle ? Georges Lucas… Indiana Jones, La guerre des étoiles… Oui, celui-là !
Et une division de Lucasfilm l’a engagé comme Art Concept Designer à Singapour. « Un coup de bol », dit-il en souriant. Il y a de ça, mais il fallait aussi ne pas avoir trop froid aux yeux pour proposer sa candidature – à un dieu plutôt qu’à des saints ! Une fois à Singapour, il a également enseigné à Nanyang Polytechnic.
Il a ainsi mérité ses crédits dans Indiana Jones, Star Trek, Iron Man. Comme quoi… il faut oser, et finalement, oser s’armer de son spray pour décorer des murs oubliés entraîne parfois à ouvrir les ailes en grand, s’il y a un talent derrière les idées que l’on a criées en couleur.
Et des murs aux planches en papier, il n’y a qu’un pas : un projet de bande dessinée arrive à son « go ! » : l’ouvrage « Ennemis » sortira cette année en octobre aux Editions Ankama de Roubaix.
Il vient d’être sollicité pour participer au lifting de la façade d’un immeuble à appartements en bord de Meuse dans la ville où il a vécu dès ses 14 ans et où il a fait ses études, pour en devenir l’un des plus fameux graffeurs. Un immeuble des années ’60 qui avait un grand besoin d’un make-over. Le temps avait fait son œuvre ainsi que… les tagueurs ! La préparation du support de la façade et rampe conduisant au garage en vue de son travail a bien causé quelques inquiétudes : tout ce beau fond blanc crémeux et tout neuf était le rêve pour les tagueurs, et le cauchemar de l’architecte. Et pourtant… le respect des tagueurs pour l’un des leurs – que souvent d’ailleurs ils connaissent -, et promu au titre d’artiste international, a joué : c’est sur un mur vierge qu’il a travaillé, 5 jours durant, à main levée, au spray, sous le soleil mais aussi un jour de tempête plutôt méchant.
Jour 1 - l'esquisse et le soleil. Photo AuxerreTV (D.R.)
Jour 2 - les couleurs arrivent. Photo AuxerreTV (D.R.)
Jour 3 - et l'effet 3D se pointe ! Photo AuxerreTV (D.R.)
Jour après jour l’œuvre sortait de ses traits dont d’abord seuls les contours étaient esquissés, puis montrait ses couleurs et ses formes plongeant dans l’espace avec grâce et fermeté. Et les heureux passants du quartier avaient la surprise matinale de voir ce qui avait changé la veille…
Jour 6 - un temps de cochon ! Photo AuxerreTV (D.R.)
Mais temps de cochon ou pas... il a promis de tout faire en une semaine... Photo AuxerreTV (D.R.)
Et voilà... ! Photo AuxerreTV (D.R.)
Suzanne DEJAER