Célèbre équilibriste dans sa jeunesse, Zorbalov errait de village en village pour gagner sa vie. Son destin bascula lorsqu'une vieille sorcière lui offrit un orgue de Barbarie - un orgue magique, capable de faire apparaître tout ce qu'il désirait, pour peu qu'il choisisse le morceau adéquat.

À Auxerre, il y a des orgues et pas des moindres. L'orgue Oberthur de la cathédrale Saint-Étienne que guignent bien des sites, est une figure de proue absolue. Celui de l'église Saint-Eusèbe restaurée récemment, de toute beauté, est tout aussi performant dans son genre.

L'homme qui l'a fait chanter, mugir avant de l'apprivoiser en le caressant avec une douceur rarement entendue à ce niveau par nos petites oreilles profanes, est Italien : OTTAVIO DANTONE. Un ponte de Ravenne, Bruges qui s'est produit dans les plus grands théâtres et festivals de la planète. Un homme qui dirige les opéras.

On n'y connaît rien. Mais son doigté qui introduit le son et la mélodie, la douceur virevoltante dans la déflagration et la fournaise des sons de l'orgue élevé pour surplomber l'édifice intérieur à l'occident de la nef, ont surpris et ému. Plus d'un.

À Auxerre la janséniste, entendre dans une église des cris de satisfaction qui jaillissent des gorges, s'élèvent, et emplissent l'espace haut de l'édifice et vous retombent dans les oreilles plein pot les tripes en sus ; c'est pas rien et c'est un signe, comme aurait dit Marie Noël la poète Auxerroise dont la France célèbre le cinquantième anniversaire de sa mort.

Pourquoi mettre en évidence l'organiste ? Parce que ce fut exceptionnel tous ces sons envoyés dans l'espace d'une église qui n'attendait que cela. Une personnalité, un vécu, une interprétation, de l'amour. Oui, de l'amour pur. La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour, elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent (Pablo Casals)

 

Respect

 

Pourquoi ?

Parce que la performance de la voix - une voix - unique, celle-là, fut sublime. La voix de DELPHINE GALOU.

Née à Paris. Hé oui. Une Française, diplômée en philosophie. Plusieurs fois lauréate, diplômée, enfin révélée au plus haut niveau. Contralto. Le type de voix féminine dont la tessiture est la plus grave.

Le contralto dramatique est une voix ample et sombre, au timbre chaud et rond. Généreux. Elle a fait entendre une belle voix vibrante et poignante comme un violon dans le grave. Dans une robe verte soyeuse. Émeraude ?

Une belle grande femme. Sublime. Et quel bonheur de la voir descendre du ciel de l'orgue pour être fleurie d'un bouquet, pour venir embrasser des connaissances perdues (?) et enfin retrouvées. Avec chaleur et sourires.

Elle s'est présentée de manière classique, après un premier morceau d'orgue qui enfla Saint-Eusèbe.

Avant de s'envoler au milieu du programme avec de variations dans la voix à faire frémir de plaisir, qui n'étaient pas des concessions mais des propositions vraies. Roméo et Juliette à la fois, hermaphrodite. Et cette chute avec Vivaldi et Stabat Mater, une méditation sur la souffrance de la mère qui perd son fils.

Au-delà, la voir, à peine le concert fini, descendre du piedestal organique perché tout en haut  - elle n'attendait que ça - retrouver et tomber dans les bras de ses ami (e) s, fut  presque plus poignant, si tant est que cela soit possible.

On a essayé de l'approcher. Elle était là tout près. Lui demander pourquoi elle est venue et a chanté ce soir. Comment elle a senti le public recueilli sous ses yeux. Et qu'est-ce qui est le plus dur lorsqu'on chante de cette manière.

Son bonheur simple de revoir ou retrouver ses ami(e)s, nous a coupé les ailes. Respect.

 

… Que tu me plais, ô timbre étrange
Son double, homme et femme à la fois,
Contralto, bizarre mélange.
Hermaphrodite de la voix !

C’est Roméo, c’est Juliette,
Chantant avec un seul gosier ;
Le pigeon rauque et la fauvette
Perchés sur le même rosier !...

(...)

Nature charmante et bizarre
Que Dieu d’un double attrait para,
Toi qui pourrais, comme Gulnare,
Etre le Kaled d’un Lara,

Et dont la voix, dans sa caresse,
Réveillant le cœur endormi,
Mêlé aux soupirs de la maîtresse
L’accent plus mâle de l’ami !

Téophile Gauthier


Pierre-Jules GAYE

 

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(*) Ce concert exceptionnel était organisé par l'association Hélène-Guinepied l'artiste peintre née dans la Nièvre figure importante de l'histoire de l'art du début du XXème siècle, dont l'oeuvre revient en lumière. la toute première exposition des tableaux et oeuvres de l'artiste, soutenue par le musée d'Orsay, ouvrira ses portes à l'Orangerie des Musées de Sens en octobre 2018.  (www.helene-guinepied.fr)

 

 

Un voyage musical à travers la musique baroque italienne

Le public silencieux avant de retourner les chaises

Rappel

Fleurie au pied de l'orgue, porte de l'occident

Delphine Galou. contralto

Ottavio Dantone. Orgue