Les socialistes de l'Yonne ont-ils été punis pour avoir obtenu de bons résultats aux élections régionales ? C'est la question que pose Gérard Delorme dans son blog "Politiquement incorrect", ancien rédacteur en chef du quotidien l'Yonne républicaine, aujourd'hui adjoint au maire d'Avallon Jean-Yves Caullet, ancien député de l'Yonne battu par Jean Marie Rolland, et vice-président du conseil régional non écarté après le scrutin de mars.

Les résultats tirés des urnes plaident en faveur des socialistes de l'Yonne si l'on en croit l'analyse d'un militant d'Auxerre, Daniel Lubraneski, reprise par le chroniqueur.

Le constat du militant est simple  : avec 52,65% des suffrages exprimés, François Patriat et ses alliés de gauche ne gagnent que 0,16 point par rapport à 2004. C'est en Côte d'Or que l'on enregistre les plus mauvais résultats avec une perte de 2,13 points, alors que la Saône-et-Loire augmente de 0,29 et la Nièvre de 1,48 point. Mais c'est bien dans l'Yonne, où les socialistes ont mis en avant leur ancrage à gauche sacrifiant Daniel Paris (PRG) maire de Sens, que François Patriat a le plus progressé (+ 2,49).

Quelle est donc la punition dénoncée par Gérard Delorme pour ces bons résultats ? François Patriat, le patron de la Bourgogne, a consenti une seule vice-présidence à l'Yonne au lieu de trois dans la précédente mandature : celle de Guy Férez, maire d'Auxerre qui est rétrogradé de la 3ème à la 7ème place, celle de la santé. Une vice-présidence est attribuée à Dominique Lapôtre (PRG), adjointe au maire de Sens. La mise à l'écart de Jean-Yves Caullet serait donc d'autant plus incompréhensible qu'il est le représentant de la deuxième circonscription de l'Yonne (Avallon-Tonnerre-Migennes-St Florentin) là où précisément la gauche a fait ses meilleurs scores.

"Le conseil régional de Dijon"

Gérard Delorme va plus loin : il inscrit cette stratégie dans un contexte politique précis. Pour le chroniqueur - qui est aussi membre élu de l'exécutif socialiste dans l'Yonne - le véritable patron de la Bourgogne est François Rebsamen, le sénateur maire de Dijon, quailfié de "parrain", numéro deux du PS national, président de la commission des investitures. Ce dernier aurait usé de toute son influence pour former auteur de François Patriat une équipe de "serviteurs dociles qui savent de quel côté la tartine est beurrée". Et d'ajouter que déjà lors de l'établissement des listes, François Rebsamen proche de Ségolène Royal, avait prôné l'ouverture au MoDem.

Que révèle vraiment le coup de gueule de Gérard Delorme ? D'un mot, la lutte d'influence au sein du PS pour le pouvoir. Rebsamen-Patriat ne sont pas sur la même ligne politique que l'élu régional nivernais, député et ancien ministre Christian Paul qui ne cache pas ses ambitions  et Jean-Yves Caullet, le maire d'Avallon. Pour faire simple, on dira que les premiers sont plus au centre voire à droite du PS et que les seconds sont à gauche sur une ligne plus radicale. Au sein du Secrétariat national du PS, Christian Paul préside le Laboratoire des Idées. Il a participé à la démarche des Reconstructeurs qui conduit la nouvelle équipe autour de Martine Aubry à la direction du PS, depuis le Congrès de Reims.

Guerre de succession ?

Se joue donc en filigrane la succession de François Patriat, dont on peut penser qu'à 67 ans, ce deuxième mandat régional sera le dernier. Rebsamen-Patriat miseraient sur leur ami Michel Neugnot, le ministre des finances de la région, pour contenir les désirs d'avenir de Christian Paul dans la perspective de la succession en 2014. La mise à l'écart du maire d'Avallon peut se lire dans ce contexte qu'il convient cependant d'élargir afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants de ces luttes intestines.

Le fond du désamour entre le PS de l'Yonne et celui de Côte d'or via Rebsamen et Patriat, remonte à l'affaire Safia Otokoré, fille de réfugiés de Somalie et épouse d'un footballeur vedette de l'AJA, qui défraya la chronique au début des années 2000. Sur la liste gagnante de Guy Férez aux élections municipales d'Auxerre de 2001, au titre de la minorité visible - très en vogue - elle fut élue adjointe aux quartiers puis débarquée par le maire qui lui retira sa délégation pour "manque de travail et d'assiduité".

Les pontes du PS, à commencer par Moscovici, DSK, Rebsamen, Hidalgo parmi d'autres, prirent la défense de la jolie jeune femme qui fut ensuite élue au secrétariat national du PS puis conseiller régional à deux reprises et vice-présidente du conseil régional de Bourgogne. Quinzième vice-présidente déléguée aux sports, à la jeunesse et à la lutte contre les discriminations, numéro deux sur la liste Patriat en Côte d'or, elle vient d'être promue première vice-présidente de la Bourgogne.

SafianOtokoré fut aussi candidate PS aux dernières législatives de 2007 dans la 11ème circonscription des Yvelines, où elle a obtenu 48,25% des suffrages au second tour.

A la lueur de ces éléments, on comprend peut-être mieux le paysage politique au PS en Bourgogne, du point de vue de l'Yonne.

P-J. G.