9 février 2009.   Témoignage de Monsieur Roland FORGEARD, Les Chaumots, ASQUINS 89 


«Je suis né en 1928.

En 1944, j’étais en apprentissage en ébénisterie, officiellement, car j’étais déjà dans la Résistance où j’étais rentré à l’âge de 15 ans. C’était la Résistance locale : Front National FTP. Dons avec les FTP, on a donné un camion ou deux, je ne m’en souviens pas bien, des camions FTP, à des Républicains Espagnols, eux mêmes maquisards du FTP. Nous leur avons également donné des armes en quantité et de tous calibres car ils allaient  porter la résistance des guerilleros en Espagne contre franco. Ils étaient aguerris.
Ils sont partis d’Auxerre sous les ovations et ils nous ont donné leur salut fraternel, c’était très émouvant.

On a appris plus tard qu’ils avaient tous été tués dès le franchissement des Pyrénées par les troupes franquistes, qui prévenues les attendaient dans la montagne, vous savez il y avait des salauds partout !
Nous avons été attristé de la mort de ces frères d’armes, dans ces conditions, car c’étaient de courageux garçons qui venaient de savourer avec nous des victoires du maquis français, ils n’avaient pas peur de mener des opérations, on voyait qu’ils avaient une expérience dure.
Au maquis on avait un bon copain espagnol c’était notre cuisinier !

Ces gens-là se remettaient d’une guerre, et ils recommençaient . Ils avaient un vrai engagement Républicain, car même des plus jeunes, arrivés avec leurs parents s’engageaient dans la résistance. Ils combattaient le même ennemi, c’était le fascisme.

Je me souviens de familles installées dans la région et bien estimées autour de Vèzelay, les hommes étaient souvent des bûcherons, par exemple les GARRIGA, Luis SANTOS, les CIUDAD (ou CUIDAD ? ) qui ont été très regrettés quand ils ont quitté le village. »

Témoignage  de  Carmen  MARTIN  née  LAZARO, habitante de VAUX, 89290

Discussion avec Carmen le 27 mai 2010.

« Je suis née le 23 octobre 1933 à Rueda de Jalon, village proche de SARAGOZA. J’ai vécu en Espagne jusqu’à l’âge de 5 ans à Monzon.
En 1936, mon père a été appelé par l’armée Républicaine pour lutter contre l’armée franquiste. La seule chose que je sache de cette période de guerre, est qu’il a été blessé . Puis comme tant d’autres Espagnols il a dû passer la frontière et s’est retrouvé dans les camps d’Argelès et de Saint-Cyprien. Je crois que mon père a passé cette frontière avant ma mère mon frère et moi. Quelque mots relatés me reviennent : « baraquements… poux… puces… il fallait aller se laver à la mer… nous étions tous maigres… »

Quant à ma mère, mon frère et moi, nous avons rejoint la frontière à pieds, et l’avons passée à PUIG-CERDA.  J’ai le souvenir qu’avec d’autres de nos compatriotes, nous avons été poussés dans des wagons à bestiaux. On a dit aux mères que nous allions nous diriger vers le camp de concentration du « bois brûlé » à Selles sur Cher. Dans ce train on nous vaccinait (produits périmés !)et j’en ai été très malade. Nous avons donc attendu dans ce camp pendant un an, jusqu’en février 1940.Nous y avons souffert, de froid car l’hiver fut très rude, de malnutrition (un pain qui gelait dans la journée, pour 7 personnes et une boîte de conserve contenant un bouillon chaud), de traitements inhumains (on m’a même gifflée pour m’être plainte de l’arrachage brutal d’un cataplasme sur la poitrine)…

D’ailleurs suite à une coqueluche contractée là-bas je n’aurais pas été soignée correctement sans la volonté farouche de ma mère car les « gardiennes » n’étaient pas du tout généreuses avec nous. Le personnel de surveillance était très dur et sévère : les religieuses chargées de notre groupe nous faisaient passer devant des tas de fruits et nous mettaient en garde contre la tentation d’en prendre ! Il est même arrivé que l’on fasse miroiter à des femmes accompagnées de leurs enfants, qu’on leur permettrait de les conduire vers leur mari. Combien de ces jeunes femmes se sont jetées du train avec leurs jeunes enfants, quand elles ont réalisé qu’elles reprenaient la direction de l’Espagne ( franquiste )!

Mais je voudrais insister sur le fait que si certaines de ces religieuses ou « gardiennes » ont été sans cœur avec nous, nous avons aussi croisé beaucoup d’autres personnes au grand cœur.
Ma mère, courageuse, qui voulait s’en sortir, a effectué des travaux de couture, elle se procurait clandestinement du tissu grâce à la cuisinière (elle était gentille, elle, avec ma mère), qui lui a même procuré un calendrier sur lequel figuraient les départements français et les préfectures. C’est ainsi que nous avons pu localiser mon père, en écrivant partout.

Le jour où nous sommes retrouvés fut miraculeux ! Cette même nuit la joie et l’émotion étaient si intenses nous avons dormi tous les quatre dans le même lit pour être encore plus ensemble !
Mon père n’était pas resté les bras croisés pendant cette période de séparation, lui aussi avait réussi à nous localiser grâce à l’aide de son employeur, monsieur OPENEAU, Maire de Précy le Sec, qui s’est porté garant. Il a même encouragé mon père à accepter un autre travail à Saint-Moré où le Châtelain a logé mes parents avant de les aider à trouver un logement. Mon père travaillait (comme beaucoup de Républicains) comme bûcheron, quant à ma mère elle continuait son travail de couture et de broderie. Les châtelains si gentils nous ont même appris à lire et à écrire, car à l’école on n’avançait pas beaucoup avec mon frère : l’instituteur ne nous aimait pas, il nous méprisait « car nous étions des Républicains » ! Il a été très brutal avec moi, au point de m’occasionner des marques de coups et des bleus.

Puis nous avons quitté Saint-Moré pour Jonches où papa a travaillé 4 ans à l’entreprise Pignard, et ensuite chez Guillet, où mes deux frères ont également travaillé. Donc depuis mon arrivée en France, je n’ai jamais quitté ce pays, ce qui me fait dire que j’ai un pays, la France, et une patrie, l’Espagne.
J’éprouve une grande motivation dans notre association. Par mon adhésion, je souhaite conserver et transmettre la mémoire de mes parents pour lesquels j’ai eu et j’ai un profond respect. Que ces souvenirs, aussi douloureux soient-ils, puissent être rapportés à nos enfants, et que cette souffrance ne se reproduise jamais. »

Des maquis de France aux maquis d'Espagne

Après la défaite contre Franco en 1939, beaucoup de républicains espagnols participent à la Résistance sur les terres de France. Août 1944 sonne l'heure de la Libération et la légitime aspiration à chasser Franco (ami de Hitler et Mussolini) pour rétablir la République et la démocratie en Espagne.
Les tentatives (offensive du Val d'Aran, maquis en Espagne) vont hélas échouer faute d'un soutien politique résolu de la part des démocraties occidentales. Ce qu'on appellera la "2e non-intervention". Une longue nuit s'abat alors sur l'Espagne jusqu'à la mort du dictateur en 1975 .


Rouges. Maquis de France et d'Espagne. Les Guerilleros

La deuxième "non intervention"

 La Nueve ou les oubliés de la victoire

Premier soldats de la France libre à entrer dans Paris occupé le 24 août 1944, les républicains espagnols de "la Nueve", la 9e compagnie de la 2e DB de l'armée Leclerc, sont les héros oubliés de la victoire alliée contre la barbarie nazie."

Y & GE L'arrivée des Rep Esp.pdf