Il est 15 h 45 à la pendule du BDM, le ciel est d’un bleu limpide en ce bel après-midi de fin d’hiver à Auxerre : les grues cendrées ont continué, ce matin, leur retour vers l’est. Les auxerrois sont heureux de pouvoir réinvestir la rue et les terrasses des cafés. C’est bien de « débits de boissons » dont il s’agit. Il m’a été donné d’assister à ce qu’il est convenu d’appeler « un contrôle » de routine.

Trois mini-cars de CRS, la police locale, les douaniers, le chien renifleur, pas loin de 25 fonctionnaires, sans compter le chien, pour effectuer ce qu’un officier de police nommera « la routine »
La troupe encercle l’établissement, ne laissant plus personne entrer ni sortir sous l’œil effaré des passants qui se demandent si Mesrine n’est pas de retour. Les « contrôleurs » désignés rentrent alors en scène, sans un bonjour aimable ni la moindre explication publique.

Surréaliste

Le patron est sommé d’éteindre le téléviseur, la radio, d’arrêter toute délivrance de consommations.
Commence alors la tournée des tables avec la vérification soigneuse, talkie-walkie en main « allo papa tango … ici charlie etc. » des identités de tous les consommateurs présents lors de l’investissement des lieux. C’est assez surréaliste.

Le chien, sans doute attiré par une odeur « paradisiaque » vaut à l’odoriférant le droit à la fouille et le voyage aux toilettes pour vérifications plus approfondies.
Puis commence l’examen du commerce lui-même : les registres, une quantité incroyable de registres, le personnel, les papiers autorisant l’occupation du domaine public par la terrasse qui est là depuis un demi-siècle : qui ne connaît à Auxerre la terrasse du BDM, Bar du Marché, d’un marché qui n’existe hélas plus !

Chien déçu

C’est ensuite la revue de détails des affichettes mal placées , protection des mineurs, les prix pas assez visibles, pas de plan d’évacuation en cas d’incendie, dans un bar « couloir » avec des baies vitrées largement ouvertes sur la rue et trois portes battantes. Les panneaux d’interdiction de fumer dans l’établissement ne seraient pas assez visibles et lisibles etc.
Les étages « rangements » sont fouillés et reniflés par un chien déçu de n’y rien sniffer.

Pendant cette longue « mission », la clientèle est appelée à ne pas bouger et la brave dame un peu émue sera obligée de demander le droit d’aller « faire pipi » : le thé ça dilate souvent la vessie.
Pendant ce temps là, les agents de la ville verbalisent, sur le parking adjacent, les voitures de ceux qui, retenus, ne pouvaient se rendre aux parcmètres : guerre des polices ?

Commando

La Loi est la Loi, me direz-vous certes avec raison. Il est nécessaire d’en vérifier de temps en temps l’application.
Mais pourquoi une présentation en commando, sans aucunes explications : « Mesdames et Messieurs, nous sommes amenés à procéder à une vérification de cet établissement, nous nous excusons pour les désagréments induits et vous remercions par avance de votre compréhension »

Des explications simples et polies peuvent souvent adoucir les mœurs et ce serait tellement plus simple.
Avec mes cheveux blancs de retraité et un gros nez bourguignon, j’ose demander un « il s’agit de quoi en fait là ? », qui me renvoie un « taisez-vous et laissez-nous travailler »
Prenant alors ostensiblement des notes sur un petit bout de papier, j’arrive à entendre à voix feutrée mais suffisante des explications données au patron : « c’est pour votre bien, comprenez-vous … Pour la sécurité de tous … ». On aurait sans doute pu commencer par là.

Au total, le BDM ne fut pas le seul « vérifié », ambiance d’état de siège dans ce quartier central et animé pendant plus d’une très longue heure.
Auxerre TV est partout ! Qu’on se le dise !

                                                                                                                                Restif