Il ne faut pas vraiment s'en étonner… Le Japon et la question nucléaire se sont invités, lundi, à la séance du Conseil Régional de Bourgogne. Les Verts n'ont pas raté l'occasion de marteler leurs arguments anti-nucléaire, ainsi qu'ils avaient déjà commencé à le faire dès le week-end.
Mais bien évidemment la question nucléaire ne pouvait pas, ne devait pas, servir de seul cadre aux travaux régionaux.
François Patriat, après avoir fait observer une minute de silence en mémoire des victimes et des sinistrés du Japon a ainsi pointé du doigt les incohérences de l'Etat.

Quel avenir pour l'enseignement professionnel ?


«Alors que la Bourgogne va avoir 400 élèves de plus à la prochaine rentrée, ce sont 300 postes d'enseignants qui vont être supprimés, dont 186 dans le second degré. Cela touche tous les lycées, y compris la filières industrielles. C'est à l'envers de ce que Nicolas Sarkozy a préconisé quand il est venu en Bourgogne en disant qu'il voulait une France Industrielle». Devant ce constat, François Patriat a décidé de de réunir parents d'élèves et enseignants le 8 avril.
Le Président de l'Assemblée Régionale a également dénoncé les orientations préconisées par l'Etat en matière d'apprentissage, «avec un défaussement sur les régions».
Europe Ecologie-Les Verts n’est bien sûr pas resté insensible nous l'avons dit à la catastrophe japonaise et ses conséquences nucléaires. C’était même l’occasion, on n’ose dire rêvée, pour les écologistes de remettre en cause « la question du nucléaire en France ». Même si les décisions dans le domaine se prennent à un autre niveau que celui du Conseil régional. Mais plutôt au niveau de l’Etat, voire de l’Europe. Le « soutien aux victimes » d’usage passé, Philippe Hervieu, le président du groupe a souhaité revenir « sur ce choix de la France qui s’est fait en dehors de tout débat démocratique ». Rappelant qu’il avait été effectué « en avril 74, par Pierre Mesmer, pendant la vacance du pouvoir suite au décès de Pompidou ».

Les 5 mensonges de Philippe Hervieu


Il a ensuite listé ce qu’il appelle les « 5 mensonges » autour du nucléaire. Comme le fait que le nucléaire est « sûr. On le voit parfaitement aujourd’hui, c’est faux », estime-t-il. Avant de souligner, à propos de l’actualité lybienne : « Nicolas Sarkozy a proposé de vendre une centrale nucléaire à Mr Kadhafi il y a encore quelques mois ».
« Le 2e est que le nucléaire assure l’indépendance économique de la France ». « Les otages prisonniers au Niger, principal pays d’approvisionnement d’AREVA en uranium sont là pour nous prouver le contraire ».
3e « mensonge », le nucléaire crée des emplois : « En Bourgogne, j’entends dire partout que le PNB pérennise l’emploi dans la métallurgie ». A cet argument, il réplique : « L’accident japonais va détourner du nucléaire » de nombreux pays. Mais aussi, toujours selon lui, « accélérer encore plus les recherches et développement d’autres sources énergétiques ».
4e « mensonge », « le nucléaire n’est pas cher ». Citant les « experts sérieux », il dénonce « des dépenses cachées » et chiffre à 100 milliards d’euros « le prix du démantèlement des centrales », qui, pour lui, va de soi. « Il faudra bien payer un jour », annonce-t-il.
Avant d’évoquer le « 5e mensonge », qui considère comme le « pilier sur lequel repose l’industrie nucléaire », « l’omerta et/ou la désinformation ». Pour lui, en France, « une dizaine de centrales se trouvent sur des failles sismiques ».

Ah le temps de parole...


Légèrement agacé par la longueur des intervention des uns et des autres, qu’il souhaite limiter à « 3 minutes » à l’avenir, François Patriat  a sorti son chronomètre, en coupant peu ou prou la parole à Philippe Hervieu : « 6 minutes 12 ! On avait dit 3 minutes ! ». Puis, souhaitant aller dans le sens du débat, il a annoncé : « je suis prêt à organiser avec vous une matinée sur le nucléaire en Bourgogne et le faire dans cette assemblée, avant l’été ».
Philippe Hervieu, qui a peu apprécié de se faire « couper le sifflet », a répliqué : « Ca fait 7 ans que je suis élu ici. Et c’est la première fois qu’on nous minute. Et ca tombe sur le nucléaire. C’est bizarre… ». Une réaction qui a fait sourire les élus socialistes.
Emmanuelle Coint, le Présidente de groupe Bourgogne Dynamique (UMP/NC) est venue ce lundi avec quelques interrogations, dans sa « besace », adressée au président de la Région, François Patriat. Lui demandant : « répondez moi avec précision Mr le Président ». En préambule, elle a souligné « les talents d’orateurs » de François Patriat. « Mais je voudrais un débat sur le fond », accusant Michel Neugnot, le vice-président, de « balayer d’un revers de main » les débats sur ces sujets en commission.

Emmanuelle Coint demande
des comptes sur les TER


« Quelle est votre stratégie sur le TER ? », a-t-elle demandé, en pointant « les modifications d’horaires. Pourquoi ne pas associer tous vos partenaires ? Pourquoi ne pas entendre les inquiétudes des usagers », prenant l’exemple des « pétitions qui circulent ».
« 2e sujet, les emplois tremplins. En juin 2010, vous nous avez annoncé qu’ils ne se justifiaient plus. Et, en janvier 2011, vos amis candidats (aux cantonales, NDLR) veulent mettre en place des contrats aidés… ? ».
3e point soulevé par Emmanuelle Coint, la formation « contre le chômage ». « Aujourd’hui, les socialistes parlent d’accompagner les formations au BAFA. Pour le faire dans le cadre d’un financement par le Conseil général ? ». Sous entendu, pourquoi pas par la Région. Avant de regretter que la Région ne soit « pas venue au Pacte social d’insertion ».
4e et dernier sujet, l’agriculture : « Pourquoi la Région ne prend pas position sur l’épizootie liée au blaireaux et aux sangliers, qui touchent les bovins, notamment par la tuberculose ? ».
Une série de questions qui, bien évidemment, avaient comme un « petit rapport » avec les prochaines élections cantonales.
Et plusieurs vastes sujets.
François Patriat n’a pas manqué de répondre, point par point, à son interlocutrice.
D’abord sur le train : « si il y a bien quelqu’un qui dénonce le contrat rempli par la SNCF, c’est bien moi. Sauf que ce n’est pas la faute de la SNCF, mais de l’Etat. Qui aujourd’hui demande à la SNCF de nous répercuter la réforme des retraites, c’est-à-dire 6 à 8 millions d’euros ? ».
Avant d’enchaîner sur l’emploi : « Depuis quand la Région a la compétence de l’emploi ? Je ne l’ai jamais voulu. Nous avons crée les emplois-tremplins car l’Etat les avait abandonné, comme les contrats aidés. Nous les avons mis en place pour un temps limité, avec une somme limitée et des moyens limités. Et vous, vous demandez chaque jour, avec l’Etat, de mettre plus ».
Puis, il a poursuivi sur la formation, en répondant : « quand on veut monter à l’échelle, il faut avoir l’œil ». Expliquant : « quand nous dépensons 1 euro, nous expliquons qu’il y a 0, 96 euro dans la formation ».

Le FN et l'argent public


Enfin, dernière « salve »  sur l’agriculture : « Quand l’Etat ne met pas d’argent sur les bâtiments d’élevage, nous, à la Région, nous y allons. Nous allons même au-delà… ». Avant d’asséner que pour le reste : « c’est du ressort du Ministère de la Chasse, j’ai assez donné pour être au parfum… ».
Au nom du Front National, Monsieur Launay a voulu déplacer le débat, en rappelant que «12% des bourguignons vivent sous le seuil de pauvreté». Après avoir dénoncé le peu de résultats, à ses yeux de Bourgogne Développement, l'élu frontiste a plaidé pour une autre utilisation de l'argent public.
Le temps pour Gérard Gordat, élu UMP, de pointer du doigt des déclarations de Safia Otokoré, coupable, selon lui, d'avoir dit un mensonge aux championnats de France de cross, en déclarant que la droite n'avait pas voté les subventions, le temps pour Marie-Claude Jarrot de demander qu'en matière d'apprentissage on travaille à la qualité, des propos auxquels François Patriat a souscrit, et c'est Philippe Baumel qui devait prendre la parole.

Philippe Baumel demande de
 nouveaux engagements énergétiques


Pour une intervention en deux temps. Vice-président en charge de l'économie, souligna d'abord que le chômage continue d'affecter fortement la Bourgogne et plaida pour que l'innovation soit encore plus prioritaire, avec de nécessaires structurations des filières. «Nous avons notamment besoin d'une véritable structuration sur les énergies renouvelables». Et dans ce sens, comme une réponse aux inquiétudes liées au nucléaire, Philippe Baumel l'affirma haut et fort : «Nous avons choisi, en Bourgogne, de valoriser l'éolien et son industrie».
Pour Philippe Baumel, il est important qu'en Bourgogne, comme en France, se prépare une forme de transition vers l'après-nucléaire. «Aujourd'hui nos concitoyens ont besoin de réponses. Il faut que le Gouvernement communiqué sur l'état réel de nos centrales, notamment en Alsace». Pointant du doigt la décision de l'Etat de favoriser Véolia et EDF, Philippe Baumel le martela avec force : «Il faut construire la transition». Construire, mais pas détruire, car Philippe Baumel est aussi clair : «Ce serait bien évidemment un non sens d'annoncer l'abandon total du nucléaire au jour au lendemain». Mais l'élu estime qu'il faut des objectifs chiffrés, avec une perspective de ne plus dépendre du nucléaire qu'à 50% à l'horizon de deux décennies.
François Patriat se veut lui pragmatique : «Chacun sait que les besoins en énergie dans le monde vont augmenter. Notamment en Chine et en Inde. Mais pas seulement. Alors oui, on ne peut pas se passer du nucléaire en France pendant au minimum 40 ans».

Alain BOLLERY
et Bruno LEDION