Une victoire en 2012 viendrait remettre à sa juste place cette commémoration presque dévote.
Il est vrai que la victoire de 1981 avait également une dimension unitaire à gauche qui dépasse la personne de François Mitterrand. Le parti communiste, en effet, acceptait à l’époque un pacte avec les socialistes pour gouverner ensemble. Même si cette alliance ne fut que temporaire et ensuite largement regrettée par le PC, elle représente un moment important dans la vie de la gauche française, le moment ou le PC, dominant l’espace à gauche depuis la libération, accepte de prendre le second rôle enregistrant sa baisse d’audience, accepte de ne plus contester dans les urnes la prééminence du PS. Plus que la victoire en elle-même, c’est sans doute cette modification des équilibres des forces à gauche qui fait l’originalité de 1981.

La quête actuelle de Jean-Luc Mélenchon, du front de gauche, n’est pas autre chose que la formulation d’une contestation nouvelle de cette prééminence et surtout des dérives « libérales » dont le PS est accusé par cette gauche qui s’estime la « vraie gauche ». Ainsi la commémoration du 10 mai 1981 relève plus de l’émotif et du sentimental que de la réalité politique du moment. Surtout elle occulte le clivage essentiel, dont on ne veut plus parler au PS, représenté par les divergences fondamentales sur la conception de l’organisation Européenne presque uniquement tounée vers le “marché”. Ce clivage, est d’ailleurs retrouvé à droite également.

Au delà des querelles bien humaines de personnes, il s’agit bien de la résurgence de questions de fond qui peut à juste titre caractériser ce printemps 2011 : la résurgence d’un système de pensée qui va à l’encontre de celui imaginé et gagnant de François Mitterrand à son époque. L’expérience fut d’ailleurs de très courte durée, l’espace d’un Mauroy tout au plus. Très rapidement les « européistes » les tenants d’une social-démocratie plus en accord avec les « réalités économiques » décrites incontournables, les Fabius et Delors, écartèrent François Mitterrand, sans grande peine d’ailleurs, de la fresque initiale.

A l’occasion de cette commémoration, les déclarations succèdent aux interviews, les enquêtes d’opinion aux sondages en tout genre. L’une de ces déclarations parmi tant d’autres, plus enflammées les unes que les autres, mérite la retranscription. Elle émane de Ségolène Royal : “Mitterrand avait de la tenue, de l’allure et du charisme dans l’exercice du pouvoir, […] il détestait les vulgarités de langage, les familiarités déplacées, […] c’était une manière de nous respecter […] il avait le même charisme sur la scène internationale que pour s’adresser à un paysan, fut-il de la Nièvre ou du salon de l’Agriculture”. C’est beau comme de l’antique et mérite l’affichage au tableau d’honneur du panégyrique.

Il est vrai qu’à un an d’une nouvelle élection présidentielles, chacune et chacun à gauche peut à juste titre essayer de s’emparer de l’emblème, d’endosser la symbolique. A ce titre François Hollande, pour lequel tout va bien actuellement, tire une fois de plus son épingle du jeu et sans avoir eu l’air de rechercher l’imprimatur. Pour les Français, selon un sondage TNS Sofres, c’est lui qui se rapproche le plus de François Mitterrand, davantage que Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry. Cet échantillon représentatif interrogé répondait à la question ainsi formulée : “Parmi les leaders socialistes quel est celui qui se rapproche le plus de François Mitterrand dans ses idées et ses propositions ?”
Avec un large sourire, mais sans triomphe ostentatoire l’impétrant interrogé sur cette appréciation répond : “Qu’est-ce que je retiens de François Mitterrand le 10 mai (1981) ? C’est la conquête, c’est la ténacité, c’est la volonté, c’est la capacité de pouvoir traverser des épreuves, franchir des étapes et arriver. Eh bien moi aussi, j’ai fait un long chemin, je ne sais pas si il aura le même dénouement, mais je souhaite que 2012 ait des airs de 1981″
La petite phrase peut paraître anodine et sans aucune importance, elle en a une. Elle démontre que François Hollande a parfaitement intégré une des dimensions importantes d’une élection présidentielle, celle du cheminement qu’elle suppose. Un cheminement souvent douloureux, difficile s’apparentant au mûrissement. Les victoires faciles sans préalables, tombant du ciel comme un Père Noël ne sont pas fréquentes, souvent peu prisées, vite regrettées. On est loin du parcours d’un DSK par exemple, pour ne pas parler de Martine Aubry. Cette dimension de celui qui « mérite » par sa ténacité, son obstination, les difficultés qu’il a rencontrées n’est pas négligeable dans cette élection.

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