Médaille d'argent de la flemme en quelque sorte. La réaction, si j'ose dire, n'a pas tardé. Elle est tristement convenue. Syndicalistes, politiques, socio-machins, tout ce qui, de près ou de loin, se proclame progressiste, a entonné le même couplet : Flemmards, nous ! Mensonge ! Calomnie ! Manipulation patrono-gouvernementale !

Et d'aligner des arguments : - COE-Rexcode, la structure qui a pondu le document en question, est une entreprise financée par le patronat et spécialisée dans la promotion des idées du MEDEF et de ses succursales. - Une étude de l'OCDE (qui n'est pas précisément un repaire de gauchistes) aboutit à une conclusion radicalement différente puisqu'elle affiche un temps de travail moyen de 1562 heures pour les Français, contre 1419 heures pour les Allemands. - Une autre étude du bureau européen de statistiques Eurostat souligne lui que sur une base 100 qui serait la moyenne européenne la productivité du Gaulois est de 133,5, contre, seulement, 123,9 pour le Germain., etc, etc, etc...

Sauf que tous ces raisonnements, apparemment bétons, sont affligés d’un inconvénient rédhibitoire : ils se situent sur le terrain de l'adversaire qui garde, par conséquent un avantage qu'il ne se prive pas d'exploiter. Il n'y a que dans les contes de fée que le Petit Poucet ne se fait pas bouffer par l'Ogre quand il a l'inconscience d'aller le défier dans son château. Depuis l'origine du capitalisme, le patronat a un intérêt majeur à faire bosser les gens un maximum de temps pour un minimum de fric. Il s’emploie donc à persuader les salariés, en employant pour ce faire toutes les ficelles, y compris les plus grosses, qu’ils doivent travailler toujours plus pour gagner toujours moins. Chercher à prouver le contraire est un combat perdu d’avance. Continuer à le mener est non seulement inutile, mais nuisible. Face à ceux qui veulent culpabiliser les Français en les traitant de feignants, il n’y a donc qu’une seule attitude possible : comme les Jacques, comme les Croquants, comme les Gueux de jadis, ramasser l’injure et en faire un drapeau. Oui douce Laurence Parisot, aimable Alain Minc, gentil Nicolas Sarkozy, tendre Christophe de Margerie, sensibles Françoise et Liliane Bettencourt, charmant François Pinault, nous sommes feignants et fiers de l’être. Certes, nous sommes conscients de l’intérêt général. On ne saurait proscrire totalement toute activité. La société a besoin de plombiers, d’ingénieurs, de maçons, de conductrices d’engin, d’écrivaines, de chocolatières et plus généralement de professionnels de toutes sortes de professions. Mais, surtout quand les chômeurs se comptent par millions, rien n’oblige à exiger de ceux qui ont un emploi qu’ils se crèvent à l'ouvrage. On le sait depuis longtemps : l'homme (et la femme) ne sont pas faits pour le travail, la preuve, c'est que ça les fatigue. Comme l’a victorieusement montré jadis le regretté Paul Lafargue, génial auteur du Droit à la paresse, c’est à la fainéantise que l’Humanité doit la totalité de ses progrès scientifiques, techniques et intellectuels. L’homme( et la femme) ne sont pas faits pour passer leur temps entre métro, boulot et dodo. Lire un beau livre, voir un grand film, faire l’amour, pêcher le gardon, mitonner une daube ou peigner les girafes si on a pour cet ongulé artiodactyle et ruminant, une affection particulière, sont des activités bien autrement épanouissantes que d’emboutir à la chaîne des pièces de carrosserie ou de s’user les yeux sur un écran d’ordinateur pour faire gagner à des quidams qui ne sauront pas comment les dépenser, les milliards qui suffiraient à sortir de la misère les claque-dents du monde entier. Camarade Arlette, tu avais tout faux ! Au lieu de commencer tes discours par « Travailleurs ! Travailleuses ! » C’est « Feignants ! Feignasses ! » que tu aurais dû dire, nous n’en serions, peut-être, pas là.

Chambolle