En résonnance avec cette citation, voici quelques extraits du manuel de campagne électorale, écrit par Quintus Cicéron, il y a plus de vingt siècles, à l’usage de son frère qui voulait devenir consul de la République romaine. Toute ressemblance avec des événements ou des individus existants n’a rien d’involontaire. Chacun retrouvera dans les paragraphes qui suivent des détails qu'il appliquera aux candidats de son choix, tout en se disant, avec l'Ecclésiste « Rien de (bien) nouveau sous le soleil ». Non, je ne suis pas un blasé de la politique, je constate simplement que l'Histoire est longue et l'homme moins changeant qu'on ne voudrait s'en persuader..

Chambolle

50 - En bonne logique, il faut évoquer maintenant un point fondamental : l'opinion publique. Mais tout ce qui a été exposé plus haut vaut également quand il s'agit d'asseoir une réputation : gloire d'orateur; soutien des publicains et de l'ordre équestre ; sympathie de la noblesse ; engouement des jeunes gens ; assiduité des hommes que tu as défendus ; présence d'une foule accourue, visiblement en ton honneur, depuis les municipes, et qui pense, et qui dise que tu connais bien les hommes, que tu leur parles aimablement, que tu ne cesses de solliciter leur vote, qui vante ta courtoisie et ta générosité ; maison pleine avant le lever du jour ; affluence, à tes côtés, de citoyens de toutes origines, tous satisfaits de tes propos, et la plupart contents de tes services ; et tout le travail, l'ingéniosité, le soin possibles pour que ta renommée n'ait pas seulement, à travers ces hommes, à parvenir jusqu'au peuple mais pour que le peuple baigne dans cette ambiance de sympathie.

52 - Que ta campagne, enfin - fais-y attention —, soit magnifique, brillante, éclatante, populaire ; qu'elle ait un décorum et une dignité exemplaires et que pèse sur tes concurrents - s'il est possible de trouver quelque chose - un soupçon d'infamie (crime, débauche ou corruption) en accord avec leur caractère.

53 - Lors de cette campagne, il faudra bien veiller à ce que l'on ait bonne opinion de ta politique, qu'on place en elle de sérieux espoirs ; mais pendant qu'elle se déroulera, tu dois t'abstenir de toute participation aux affaires de l'Etat, au sénat ou à l'assemblée du peuple, et il faudra garder la tête froide afin que le sénat voie en toi, pour l’avenir, le défenseur de son autorité que tu as toujours été ; que les chevaliers romains, les hommes de bien et les riches t'estiment, vu ton passé, un fervent défenseur de la paix et de la tranquillité publique, et que la multitude, parce qu'en parole tu t'es montré « populaire » à l’assemblée et devant les tribunaux, pense que tu ne seras jamais hostile à ses intérêts.

54 — Voilà ce qui me vient à l'esprit à propos des deux pensées matinales que je te suggérais de méditer chaque jour en descendant au forum : «Je suis un homme nouveau, je suis candidat au consulat. » Et il y a la troisième : « C'est de Rome qu'il s'agit. » De cette ville faite d'un assemblage de nations, cette ville où de partout surgissent pièges, tromperies, vices en tous genres, où il faut supporter l'arrogance, l’audace, la malveillance, la superbe, la haine et l'insolence du grand nombre. J'imagine ce qu'il faut d'intelligence et d'habileté, quand on vit parmi tous ces hommes accablés d'une telle somme de vices aussi divers, pour éviter l'hostilité, la calomnie, les embûches, et se montrer mieux que quiconque capable de s'adapter à une telle diversité de caractères, de discours et de sentiments.

55 — Persiste donc encore et encore dans la voie où tu t'es engagé : la supériorité dans l'éloquence. C'est ainsi que l'on tient les hommes, à Rome…