Le Fonds Henri Brochet est constitué des papiers d’Henri Brochet (1898-1952) et d’un grand nombre de livres de sa bibliothèque personnelle, légués par sa famille à la Bibliothèque municipale d’Auxerre. Cette collection représente non seulement la carrière d’un homme mais aussi l’histoire du théâtre catholique en France et à l’étranger, surtout en ce qui concerne les amateurs. Elle comprend enfin d’importants éléments du patrimoine auxerrois et bourguignon, notamment par la présence de l’artiste Fernand Py et de l’organiste de la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre, Paul Berthier, beau-frère de Brochet. À un moment, le futur peintre et sculpteur, François Brochet, participera aux activités de son père.

 



Depuis 1921 jusqu’à sa mort, Henri iBrochet a inlassablement travaillé dans le domaine de la scène chrétienne comme comédien, dramaturge, journaliste, directeur de revue, et directeur de troupe. Sa revue Jeux, tréteaux et personnages paraît pour la première fois en octobre 1930. Il fonde avec Henri Ghéon « Les Compagnons de Notre-Dame » en 1924-1925 et sa propre troupe, « Les Compagnons de Jeux », en 1932. Brochet, élève de Ghéon en matière de théâtre, devient son ami et proche collaborateur.


Henri Brochet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De gauche à droite : Paul Berthier, Henri Brochet, Fernand Py (plaque : 5 place Saint-Étienne, Auxerre)

À son tour, Ghéon ne cesse de soutenir Brochet dans toutes ses entreprises et entretient avec lui une correspondance fournie durant plus de vingt ans.

Ghéon lui-même, associé aux origines de la Nouvelle Revue Française, apportait au théâtre catholique son prestige d’homme de lettres en même temps qu’un statut de « converti », son retour à la religion datant de 1915. Il était ami de Jacques Copeau, directeur du théâtre du Vieux-Colombier, qui se convertit lui-même en 1925. Cette connaissance vaudra à Brochet des contacts précieux dans un milieu si important pour l’art scénique en France. Dans le fonds, la présence des professionnels du spectacle s’affirme, entre autres, dans les correspondances importantes de Brochet avec Jacques Copeau, Suzanne Bing et Albert Savry. À un moindre niveau, Louis Jouvet, Gaston Baty, André Barsacq et Charles Dullin y sont aussi représentés.

La correspondance, peut-être la partie la plus importante du fonds, permet de découvrir tous les aspects de l’activité d’Henri Brochet. Les lettres de Jacques Copeau et de Suzanne Bing témoignent du soutien que ces deux personnalités lui ont apporté, le premier pour Jeux, tréteaux et personnages, du moins pour les premières années de sa parution, la deuxième pour « Les Compagnons de Jeux » en particulier. Le fonds contient une longue correspondance avec Léon Chancerel, admirateur et ami de Copeau, futur directeur des « Comédiens Routiers », qui collabore aux débuts de Jeux, tréteaux et personnages et qui recrute des contributeurs tels que Nina Gourfinkel, spécialiste du théâtre russe, et Max Fuchs, qui assure une rubrique d’histoire du théâtre.

La correspondance prolifique avec les amateurs du théâtre catholique offre un portrait précis de ce milieu si utile à la défense et à la propagation des valeurs chrétiennes dans une société que l’Église perçoit comme de plus en plus déchristianisée. Parmi ces correspondants, on citera Jacques Debout (l’abbé René Roblot), dramaturge et directeur du groupement théâtral, « Art et Foi », où Brochet fait ses débuts en tant que comédien. Un autre collègue et ami, René Rabault, toujours célèbre dans son pays d’Anjou, anime une troupe, « Le Masque au genêt ». Rabault et Brochet échangent régulièrement des idées et des opinions sur les joies et les difficultés de monter des spectacles catholiques en France, surtout pendant la Deuxième Guerre Mondiale. La vie de troupe se révèle dans les lettres de Brochet avec ses comédiens et ses comédiennes, lesquels ont manifestement éprouvé pour leur « chef » une grande affection et une éternelle fidélité.

N’oublions pas les très nombreuses lettres échangées entre Brochet et le clergé qui dirigeait ses propres troupes dans les villes et les villages de France. Alors que Brochet se plaignait souvent du manque de soutien de la part des prêtres, surtout à Paris, les correspondances démentent l’image d’une ignorance générale de ses efforts, surtout après 1945 lorsque des repésentants de l’Église invitaient souvent Brochet à leur écrire un « jeu » pour des célébrations ou des commémorations ecclésiastiques.

Ces personnages de l’Hexagone ne sont pas les seuls à peupler les correspondances. Ghéon et Brochet connaissaient intimement le milieu du théâtre chrétien en Belgique, leur répertoire fournissant les pièces étrangères les plus fréquemment jouées dans ce pays voisin. En particulier, Brochet communique régulièrement avec Anton Van de Velde, dernier directeur du Vlaamsche Volkstooneel (Théâtre populaire flamand) lequel, après la Première Guerre Mondiale, exerçait une grande influence artistique jusqu’à sa disparition en 1932. Pour sa revue, Brochet reçoit en 1930-1931 la collaboration de Michel de Ghelderode, grand dramaturge belge. Le « Ghéon belge », le Père Jozef Boon, collabore aussi à Jeux, tréteaux et personnages, et décrit dans ses lettres ses propres spectacles en plein air.

Dans les correspondances, les Canadiens, plus particulièrement les Québecois, sont fortement représentés. Les praticiens du théâtre catholique, comme le Père Hilaire, connaissaient bien l’œuvre de Ghéon et de Brochet, montant souvent leurs pièces selon des mises en scène originales. En dehors de la Belgique et du Canada, on fera des rencontres peu attendues, par exemple celle de Lluís Masriera, important orfèvre catalan, qui établit sa propre compagnie d’amateurs catholiques. De même, Eric Crozier, librettiste du grand compositeur moderne anglais, Benjamin Britten, s’intéressait à la scène chrétienne à Paris. Brochet correspondait aussi avec des représentants du théâtre confessionnel en Italie, en Autriche et en Yougoslavie.

Aussi importants que les correspondances sont les nombreux manuscrits des pièces de Brochet et la masse de documents qui illustrent avec des photos, croquis, maquettes et affiches, les spectacles et les mises en scène des « Compagnons de Notre-Dame » et des « Compagnons de Jeux ». L’aspect matériel de ces mises en scènes, c’est-à-dire les décors et les costumes, impressionne par leur envergure et leur beauté. Parfois, ces illustrations sont publiées dans les pages de Jeux, tréteaux et personnages. Nous en reproduisons un certain nombre dans ce catalogue. On trouvera également des photos et des programmes envoyés par les responsables de spectacles partout en France et à l’étranger où l’on jouait le répertoire de Ghéon et de Brochet.

Un dernier mot : le catalogue, surtout par sa structure, se veut plus qu’un simple recensement du contenu du fonds. Accompagnant les détails des correspondances et des spectacles, on trouvera des annotations historiques, biographiques et bibliographiques de notre main qui aideront à mieux situer le théâtre catholique et l’activité d’Henri Brochet. Surtout, on redécouvrira une image de la France et de la République, sur le plan de l’histoire, trop peu connue de nos jours.

Au-delà de ces indications, le principal livre de référence demeure, du moins pour le moment, mon livre Le Théâtre catholique au XXe en France (Paris, Éditions Champion, 2007), qui complétera avec des détails plus abondants les informations inévitablement sommaires du catalogue.

HENRY PHILLIPS
FÉVRIER 2010

 

Un ami intime de Fernand Py

Une rue à Sommeville porte son nom. L'église de Monéteau (Eglise St Cyr) peut s'enorgueillir d'avoir de Fernand Py, un Saint Michel terrassant le dragon sculpté dans un tronc de noyer de provenance locale. De même, le chemin de croix et la crêche sont des reproductions des originainaux de Py.

Trop de concitoyens ne connaissent pas celui dont les œuvres perpétuent le nom. Il a vécu parmi nous et son œuvre demeure. Henry BROCHET, auteur dramatique était l’ami intime de Fernand Py. En 1953 dans un extrait de « l’art de l’église » il a écrit un hommage fraternel à l’artiste dont voici un extrait.

 « A la fois plein de science et de candeur, grave et souriant, Denis Fernand Py, artiste d’un autre âge comme égaré en plein XX° siècle, s’est offert, le 10 janvier 1887, la charmante fantaisie de naître dans une modeste maison versaillaise, rue du Hasard. En plus de son enfance difficile la génétique, comme pour l’isoler d’un monde paraissant ne pas être fait pour lui, lui fait don d’une semi surdité. Mais de bonnes fées, peut-être même des anges, déposent en son berceau mille et un dons précieux : un goût exquis, une inaltérable fidélité à son œuvre comme à ses amis, la modestie, la courtoisie, l’amour de « l’ouvrage bien faite », une curiosité sans cesse en éveil. Et don suprême, une extraordinaire finesse d’esprit lui permettant de tout comprendre spontanément, et de tout juger, même en des domaines qui, par nature, lui étaient étrangers comme la musique, la littérature ou l’art dramatique.

Laborieusement, il fait son apprentissage de sculpteur à Paris, chez les fabricants de meuble du faubourg Saint Antoine. Du bois il passe sur l’ivoire en exécutant, pour des antiquaires, des copies rivalisant de perfection avec d’anciennes pièces servant de modèle. Ainsi l’une de ses statuettes, une vierge en ivoire est authentifiée par un expert venu tout exprès d’outre-Rhin. Il la certifie du XII° siècle et lui découvre même de secrètes influences chinoises. Ceci, preuve irréfutable des talents du jeune sculpteur, fait réfléchir les collectionneurs les plus avertis.

Fernand Py ne se satisfait pas de cette ingrate besogne. Bientôt il rivalise avec les maîtres du moment, édifie selon leur exemple une œuvre totalement personnelle. Son doux entêtement lui permet de rire des premières épreuves et, depuis son appartement parisien du 25 Bd du Temple, d'élaborer son propre style issu du labeur et de l’acharnement. Soutenu sans faiblesse par sa fidèle épouse Jeanne Riquet qui partage sa confiance et sa foi, il persévère durant plus de quarante années. Henri Charlier en fait son compagnon de travail et lui communique son esprit. Puis, d’année en année plus assuré de sa force et de son génie, Fernand Py devient maître à son tour et forme des élèves.

En 1920, indépendant par sa pensée et son expression, il rejoint l’Arche, groupe d’artistes en révolte contre l’académisme de l’art religieux.

En 1921, il vient habiter pour les beaux jours sa maisonnette du hameau de Sommeville près d’Auxerre. Il y aménage un atelier pour mieux travailler à son œuvre.

Alors, les commandes deviennent de plus en plus nombreuses. Si nombreuses qu’à la fin de sa vie il ne pourra toutes les honorer. De semaine en semaine, de mois en mois, il a la joie de créer de nombreux chefs-d’œuvre, qu’il sculpte dans le bois ou l’ivoire et taille parfois dans la pierre. Certaines années il exécute une cinquantaine de pièces nouvelles qui, en un long cortège de saintes et de saints, viennent enrichir de modestes collections particulières, ou de plus riches comme celles de musées, églises et abbayes, pour des pères ou des prêtres, des évêques ou des papes

Fernand Py est aussi ce dessinateur prodigieux, léguant des cartons entiers d’études, de peintures et d’aquarelles connues d’un petit nombre de privilégiés, amis et familiers. Ces originaux méritent une attention particulière, et lui-même leur attribue un grand prix.

Quelques esprits, trompés par le caractère savoureux et aimable de l’oeuvre abondante et variée de Fernand Py, n’ont peut-être pas été assez sensibles à sa rigueur, sa science extraordinaire dont elle témoigne, à ses simples qualité de forme, comme à la prodigieuse imagination de l’artiste. Ils n’auront vu que l’aspect plaisant et charmant d’un artisan bien doué...

... C’est à son travail acharné que nous devons tant de dessins et tant d’études de formes et de proportions. « Originalité dans les proportions par rapport à d’autres proportions » dit-il aussi. Maître aimable, maître savant, déclare à la fin de sa vie laborieuse : « Si je meurs, c’est de ne plus pouvoir travailler », nous comprenons que sur son lit de mort, en ce mois d’août 1949, il ne donne qu’un conseil à l’un de ses plus chers élèves François Brochet: « En profondeur, n’est-ce pas … travailler toujours de plus en plus … en profondeur. »

"Après un pieux et vibrant hommage rendu dans la cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre qu'il aimait et affectionnait particulièrement et pour laquelle il sculpta la grande statue de Sainte Thérèse, il est inhumé en terre auxerroise. »

 

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"Ars longa vita brevis"

"L'art est long, la vie est brève." Fernand Py a repris pour sienne cette maxime et, tout au long de sa vie, il considérait la vie bien courte pour achever ses œuvres. Cette maxime fut gravée par François Brochet sur le linteau en pierre de la porte d’entrée de sa maison de Sommeville

 

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