Fils de Pierre Champion, un flotteur de bois –« compagnon de rivière » -  et né le 13 décembre 1764 à Châtel–Censoir (Yonne). Le père travaillait dur et Edmé était le huitième et avant-dernier enfant. Le pauvre homme d’ailleurs vivait sans doute dans le remords de s’être mérité l’amour de sa femme, Françoise Laroche, une jeune fille de maison aisée qui avait ainsi fait une mésalliance, assurant la mise à l'écart à sa progéniture. Elle était instruite, sachant lire et écrire. Et sa famille, ne lui pardonnant pas sa « faute », était insensible à la pauvreté d’une des leurs et leur descendance, ce qu’Edmé n’oublia jamais. D’autant que des neuf enfants, il n’en resta bientôt plus que trois.


Orphelin en quelques mois  il s’en alla à sept ans (d’autres disent treize…) – passager clandestin sur un train de transport de bois - à Paris dans la pauvreté totale d’un orphelin… Une tante, veuve et exerçant la profession de portière dans la rue Tiquetonne le recueillit et put bientôt se rengorger quelque peu car les voisins s’accordaient à vanter l’intelligence de son protégé ainsi que ce « bon cœur » qui ne fit que grandir avec lui au fil des ans. Une voisine plus aisée et désolée de ce que cette intelligence ne soit pas secondée par l’instruction l’envoit à l’école à ses frais. Et grâce à une somme déposée par une autre âme généreuse pour offrir un apprentissage à un enfant méritant, il est choisi et continue son impressionnant destin : le voici apprenti chez un certain Martial de Poilly, bijoutier, et c’est alors qu’il lui succède à 24 ans qu’éclate la révolution. Cette révolution qui, grâce au chaos qui s’ensuit, lui apporte la fortune : il rachète à bon prix l’argenterie, les pierreries et bijoux aux familles ruinées.


Et il prospère, prospère, devient riche et fameux, - millionnaire à 53 ans - si bien qu’il peut marier les deux enfants qu’il a eus d’Edmée- Marie Jobée, fille d’un bijoutier de Versailles,  en leur choisissant de bons conjoints.


Lui s’est retiré et vit modestement rue de Valois. Il continue de ne faire qu’un repas par jour.  Il n’a pas oublié la misère : les mains gercées, ventre creux, sommeil trop court sur des paillasses trop dures. La toux. Le hareng saur, les navets et le pain dur. Et il part en croisade contre elle, sans relâche, quelle que soit la couleur religieuse ou politique des miséreux. On l’accuse d’ailleurs d’une certaine ostentation dans sa générosité. Il aide tout d’abord les plus démunis de Châtel-Censoir dès 1829 en leur assurant 200 livres de pain quotidien. Voici la lettre qu’il adressa alors au maire :


«
La cherté du pain doit ajouter à la rigueur de la saison si à ces deux fléaux se joint le manque d’ouvrage, et si le malade, le pauvre vieillard, la veuve et l’orphelin éprouvent des besoins, vous pouvez, monsieur, et je vous en prie, disposer de bois, de viande, de pain, de bas de laine etc…


J’écris au fils Rollet pour qu’il tienne à votre disposition tout le pain nécessaire. Mr Chobert paiera ce qu’il faudra pour le surplus
. »


Il aide aussi ceux qui cherchent du travail, fait distribuer de la soupe, des vêtements et sabots, récompense les élèves travailleurs, demande des grâces auprès du souverain, n’évite ni les prisons ni les hôpitaux dans ses visites, ni les veuves ou orphelins.  On le désigne sous le nom de son vêtement : le petit manteau bleu. Et il est si bon et dévoué, armé de ce « bon cœur » jamais pris en défaut, que Louis Philippe le décore de la Croix de la légion d’honneur par décret du 1er mai 1831. Bien qu’il ne se présente pas aux élections, un appel en sa faveur lui rapporte 40 000 voix en 1848, ce qui n’est pas assez mais montre à quel point il était aimé.

 

Ses 88 années de vie prennent fin le 2 juillet 1852 alors qu’il s’est rendu à Châtel-Censoir et qu’il y est pris d’une attaque d’apoplexie. Il sera enterré dans son village tant aimé jusqu’au 26 octobre où il s’en va s’allonger auprès d’Edmée- Marie Jobée son épouse partie dix ans plus tôt au Père-Lachaise.

 

 

 

 

Edmé Champion 1766-1852

 

                                                      Suzanne DEJAER