Samedi après-midi, Marion Bartoli, 28 ans, s'est imposée à Wimbledon, contre l'Allemande Sabine Lisicki (6-1-6-4) et remporte son premier tournoi du Grand Chelem. Pour sa deuxième finale sur le gazon londonien - après celle de 2007-, elle a été expéditive, supérieure à tous les niveaux à son adversaire, qui n'a jamais fait le poids.

L'aboutissement d'un parcours sans faute - elle n'a concédé aucun set durant la quinzaine-, après un début d'année très compliqué, marqué notamment par son échec à Roland Garros.

Assurée d'intégrer le top 8 mondial dès lundi prochain, Bartoli est la meilleure joueuse française depuis plusieurs années, mais n'a jamais vraiment suscité d'engouement. Pire, elle cristallise les critiques.

La faute à son profil atypique. A son jeu dépourvu d'esthétisme, à la relation particulière qu'elle entretient avec son père ou encore à certaines attitudes, qui parfois - à tort à ou à raison - ont terriblement agacé.

Patrice Hagelauer, ancien directeur technique national, assure pourtant  : "Sa cote d'amour devrait vite remonter."

Jeudi, en demi-finale, Marion Bartoli, 15e au classement WTA, n'a pas traîné. 62 minutes sur le court, pour se débarrasser de la Belge Kirsten Flipkens (6-1, 6-2), dans un match très bien maîtrisé, assurément le meilleur de son tournoi.

A Londres, la Française joue mieux que d'habitude. Toujours rien d'extraordinaire, mais elle est plus sereine. Apaisée.

Il y a quelques semaines, elle s'est séparée de son entraîneur de toujours, Walter, son papa, avec lequel elle a tout connu et s'est hissée au rang des meilleures joueuses mondiales.

Le binôme évoluait à part, replié sur lui-même. Ancien médecin généraliste, le père de Marion a vendu son cabinet il y a douze ans pour se consacrer à la carrière de sa fille. Comme il n'y connaissait pas grand chose, il a appris le métier seul. Il a innové.

Chez elle, à Retournac (Haute-Loire), il faisait bosser dur Marion pour combler son manque de talent et en faire une joueuse de haut niveau. Par exemple, pour la forcer à rester sur la pointe des pieds, il attachait des balles sous ses talons.

Sur les courts, Bartoli n'est pas une crack. Pas assez rapide, pas assez puissante - en fait, pas élégante à regarder jouer -, elle compense par son sérieux et d'énormes ressources mentales. Attaque avec une envie presque unique à ce niveau et frappe toujours la balle à deux mains.

Parfois, entre les points, elle sautille ou met des coups dans le vide avec sa raquette pour se reconcentrer. Son comportement intrigue, quand il n'irrite pas.

 

Il y a son physique aussi, qui lui vaut encore un tas d'attaques aujourd'hui. "Ronde", "grosse", en fait, pas aussi sexy que certaines joueuses du circuit en mode "mannequin".

 

Avec Drouet et Mauresmo, elle a le sourire

Sauf que désormais, Marion Bartoli n'évolue plus en marge. En début d'année, elle a décidé de revenir en équipe de France. Sans condition. Depuis juin - après son Roland Garros raté -, elle a choisi de s'entraîner avec Thomas Drouet, ex-souffre-douleur du clan Tomic, qui est plus que son sparring-partner (sa fonction initiale), mais pas tout à fait son coach.

Qu'importe, le duo vit bien. Il reçoit les conseils d'Amélie Mauresmo, capitaine de l'équipe de France de Fed Cup et lauréate à Wimbledon en 2006. Walter n'a pas disparu, mais il est plus loin.

Et sa fille a le sourire. Savoure les louanges. Cela faisait longtemps. Son sacre à Londres la fait définitivement changer de statut : une vraie championne, comme Mary Pierce ou Amélie Mauresmo, seules françaises à s'être imposées en Grand Chelem.

Une belle histoire aussi. Celle d'une belle carrière, quoiqu'on en dise, et d'une évolution, dont Patrice Hagenauer assure qu'elle sera "bénéfique" pour le tennis français, qui en a besoin.

L'expérience de Bartoli à Wimbledon a fait la différence. Il y a six ans, elle s'était inclinée en finale face à Venus Williams.

Mais ça, c'était avant.  Aujourd'hui, c'est elle la reine.

 

Ramsès KEFI