Pousses, bourgeons, herbe tendre, timides pétales surgissent en silence et explosent en couleurs sous les rayons du soleil, heureux de ne plus servir qu’à faire fondre de la neige ou caresser sans force des joues refroidies. Ici il frôle, nourrit, réchauffe déjà avec une ardeur parfois déconcertante. Il gonfle toute chose, des jonquilles qui trompettent le retour des beaux jours au pelage des chats paresseux, qui regardent s’éveiller le monde à nouveau : on gratte dans les jardins, remue la terre, y enfonce primevères et fleurs annuelles, tandis que les jacinthes émanent, avec fierté, le parfum de la vie nouvelle, se riant quelque peu des tulipes raides aux fragiles turbans. Les pimpants crocus se dressent dans les pelouses. Haies et buissons tremblent sous l’ardeur des moineaux et merles qui, chantant le nid qu’on remplira bientôt, ramènent bruyamment leurs trouvailles de matériaux : poils de chiens que l’on vient de brosser, branchettes fatiguées, liserons tués par l’hiver…

 

Printemps New Yorkais, triomphe des jonquilles - Photo AuxerreTV - D.R.

 

 

L’eau court, suivant des veines invisibles et telluriques, retentissant du rire de ses minuscules ondines moqueuses. La terre est pulpeuse, les odeurs sont intenses. Les violettes forcent leur passage hors du tapis de feuilles mortes aux teintes de chêne et tabac. Dans les bois ou à la campagne, si on a beaucoup de chance, on rencontre le regard surpris de jeunes animaux qui découvrent l’ivresse de la vie.

 

Les violettes, pas si humbles que le dit la légende - Photo AuxerreTV - D.R.

 

 

Mais que font ces étranges bipèdes dans mon domaine? Photo AuxerreTV - D.R.

 

Que nous glisse la glycine à l'oreille? - Photo AuxerreYV - D.R.

 

La fête sera à son apogée lorsque pelouses et massifs « cacheront » sans trop de sévérité, les œufs de Pâques que des enfants ravis n’auront qu’à cueillir. Joie et rires, parfois un pleur pour un œuf pas vu à temps que l’on piétine, un autre que l’on casse, et ceux que le chien a trouvés en premier, ou encore celui que la pie voleuse, séduite par le papier doré, a emporté pour en faire son trésor.

Chaque année, c’est la même chose. Mais jamais tout à fait. Tout ce qui recommence à l’infini est pourtant en mouvement. Hier nous étions plus jeunes et d’une autre humeur qu’aujourd’hui. Hier était exceptionnel. Aujourd’hui l’est aussi.

Bonne chasse aux œufs aux enfants et… bonne partie de cacher les œufs – pas trop bien – aux adultes.

 

Suzanne DEJAER