Le château de Falaise rénové - Photo AuxerreTV (D.R.)

 

Berceau de Guillaume le Conquérant, ce château historique et mythique était en attente de restauration. On ne pouvait que supposer sa silhouette réelle, et on décida de ne pas asseoir ces suppositions au moyen d’une restauration « dans le style de », mais d’y amener l’apport du présent. Les vestiges encore en place – classés monument historiques en 1840 - furent donc vêtus d’ajoutes contemporaines qui ne cherchaient pas à imiter ce qui, peut-être, avait autrefois impressionné l’ennemi, les visiteurs et les habitants de Falaise. « Sans porter atteinte à son intégrité », spécifiait le projet de l’ère Jack Lang.

 

Adieu l'ambiance moyen-âgeuse - Photo AuxerreTV (D.R.)

 

Bien entendu… la conception d’une restauration peut varier, et l’audace est souvent une vertu. En art, elle est huée ou portée en triomphe à bout de bras et de louanges.

 

Ce ne fut pas le cas. L'architecte en chef des monuments historiques nommé en 1986 pour le Calvados, offrit ses propositions, que personne ne contesta : adieu le romantisme de ruines que l’on peut imaginer parcourues de gentes dames en poulaines et nobles chevaliers à la cotte de mailles luisant au soleil : on tire un coup de canon, et c’est la rigueur contemporaine qui viendra se coller sur le château perché sur son éperon rocheux. L'architecte est adversaire de la falsification. Heureusement il est aussi hostile à une reconstitution Disneyenne, et on ne s’en plaindra pas. La Commission des monuments historiques, en tout cas, donna son accord à son projet, et le lifting au béton commença en 1995. 

 

Le moderne se nourrit de l'ancien... Photo AuxerreTV (D.R.)

 

En mai 1997, la revue Archeologia publiait, dans son numéro 334, un article éloquent : « Le château de Falaise défiguré ».

 

« Fuck le mur ! » tagua un anonyme écoeuré sur le mur en question.

 

Le résultat est pour le moins déconcertant et inattendu…

 

De la toile bleue comme dans un chapiteau de cirque en guise de plafonds. Une entrée austère, raide et froide, qui peut-être évoque la froideur de la pierre également.

 

Un chapiteau de toile bleue ... Photo AuxerreTV (D.R.)

Vue extérieure d'une "restauration" du toit - Photo AuxerreTV (D.R.)

 

Que l’on regarde de loin, ou qu’on ait accès aux détails une fois à l’intérieur, on est déconcertés. La pierre est froide, oui, et les ruines, on le sait, sont toujours envahies de charmantes plantes squatteuses qui semblent faire fi des lieux morts en y vivant très bien, et les unissant au présent dans un joyeux semis. Oui, on le sait que la pierre est froide et qu’on n’a alors rien à reprocher à ces masses de béton, inspirées de Kurosawa et ses samouraïs… Mais peut-être faudra-t-il des années pour trouver le chemin des nombreux rêves que l'on peut avoir en posant le pied dans le passé. C'est un défi loin d'être anodin.

 

Escalier le long des murs - Photo AuxerreTV (D.R.)

 

La visite du château de Falaise déroute. On utilise, très agréablement, des tablettes que, après avoir scanné un médaillon à l’entrée de chaque pièce, on oriente où on le veut pour découvrir une version « comme si on y était » des lieux. Souvent très différente de ce qu’on a mis dans la pièce : la chambre à coucher nous montre un lit stylisé, alors que la tablette nous console avec un mobilier moins décevant. Aux murs, des personnages projetés parlent et  bougent comme des fantômes transparents. Toutes les formes ont été épurées et modernisées.

 

Mise en scène de la chambre... Photo AuxerreTV (D.R.)

 

Un surprenant "Tintin" en cotte de mailles... Photo AuxerreTV (D.R.)


 

Meurtrières - Photo AuxerreTV (D.R.)

 

Dans les années 2000, cet architecte était l’architecte en chef des monuments historiques dans l’Yonne, et se vit confier la restauration du château de Maulnes, auquel il s’attacha d’ailleurs beaucoup. Mais le sénateur président du Conseil de l’Yonne d’alors, propriétaire du château, Henri de Raincourt, s’opposa à sa façon d’envisager cette résurrection du château tonnerrois. II le fit dessaisir du dossier en 2002. Leur désaccord portait principalement sur la philosophie globale de la restauration et de l’ordre des travaux. L'esprit était une restauration-reconstitution à l'identique... du moins telle qu'il l'imaginait à partir des documents existants.

 

Vue vers la liberté... Photo AuxerreTV (D.R.)

 


 

                                                   Suzanne DEJAER