Vue générale de la nef de la nouvelle église de Saint-Honoré-d'Eylau. Du bleu et du blanc. Les piliers métalliques, très discrets, n'empêchent pas d'embrasser tout l'espace. Les arcs-boutants, sous la voûte, ont une allure très «Art déco» (DR)

 

Paris. Avenue Raymond Poincarré. 14h30. L'église, grande, vaste, Saint-Honoré d'Eylau. La foule se presse, discrète, compacte, visages fermés. Les bonjours sont de circonstance comme les hochements de tête. Les regards en biais se croisent. Certains se cherchent. Toutes les castes étaient présentes pour ce moment de réunion obligé. Les politiques, les élus de l'association AJA, l'actionnaire minoritaire, venus en force au point de paraître majoritaire à s'y méprendre, les collaborateurs, les discrets, les amis proches et lointains, les curieux comme toujours, les sympathisants et bien d'autres encore, les plus humbles, les individuels, qui se sont faits tout petits.

Des noms ? Jean-Pierre Soisson, Jean-Louis Borloo, Dominique Strauss-Kahn, Jean-Marie Le Guen, Julien Dray, Pierre Lescure président du Festival de Cannes administrateur à l'AJA sans doute la meilleure pioche,  Basile Boli, Jean-Baptiste Lemoyne le jeune sénateur de l'Yonne, Guillaume Larrivé le non moins jeune député de l'Yonne, et on en oublie (qu'ils nous pardonnent) - sauf André Villiers patron du département de l'Yonne qui a choisi par pudeur de se réserver pour la cérémonie prévue, vendredi (15 heures), à la cathédrale d'Auxerre -,   ainsi que d'autres administrateurs de la SAOS AJA dont le plus récent tout juste investi, Guy Roux pour ne parler que de lui, et aussi le président de l'association du patro, Michel Parmentier aux côtés de Jean-Claude Hamel le président historique inébranlable, Michel Chaufournais, Alain Géhin apprécié de tous, Alain Dujon ex-président malheureux qui méritait mieux. Il ne manquait que Gérard Bourgoin, le décrié, qui s'est planté, mais a sauvé le club, lui, en trouvant un racheteur providentiel : Emmanuel Limido via Guy Cotret. Personne ne pourra lui retirer ça.

Il y avait évidemment tous les collaborateurs - pas si nombreux que ça - d'Emmanuel Limido, Fabrice Herrault notamment. Et puis, il y avait les proches, les amis les vrais, la famille, les deux filles et l'épouse, Corinne, l'alter ego, celle qui co-gère et est la nouvelle Dame d'Auxerre, celle de l'AJA. Elle assume et poursuivra la tâche entreprise a-t-elle dit entre la disparition et les obsèques. Une semaine horriblement longue. Une église et les conditions nécessaires, à Paris, pour enterrer, ce n'est jamais évident.


L'amour


Emmanuel Limido était aussi un homme effacé, gros travailleur, qui aimait écrire, vraiment, au sens d'amour-besoin de l'écriture et de l'argumentation pour développer des raisonnements longs et détaillés, pour échanger des points de vue et exprimer le sien avec d'autres, hors des sentiers battus. Rare. Il écrivait tout le temps. Ce qui dessinait une courbe visionnaire et avait le don de générer une pensée originale. La sienne.

Vrai qu'on le connaissait mal cet homme grand, massif, né de père italien et de mère belge, à la chevelure abondante et au visage étonnamment ouvert pour un homme d'affaires plongé dans une mondialisation dont il s'efforçait de démêler les fils.

La première image qui nous revient en pensant à lui - que nous avons critiqué parce que nous ne comprenions pas ses intentions - est celle de ce visage de colosse tranquille, irradiant de mille étoiles dans les yeux et dans chaque pli du visage jusqu'aux lèvres ourlées entr'ouvertes sur de longues dents blanches prêtes à croquer, un vrai bonheur d'enfant émerveillé :  la qualification de l'AJA pour la finale à l'issue du match contre Guigamp. Un vrai petit bonheur, d'homme simple. Monsieur tout le monde. Heureux, enfin, à nouveau, le temps d'un soir.

Ce visage savait aussi se durcir, devenir ténébreux et faire front, lunettes en boucliers et en exocet. Un visage aux multiples facettes, signe de richesse et de complexité mais aussi de contradiction et de doute. Limido avait son jardin secret, une conscience en liberté qui ne regardait que lui. Et lui seul.

Obséques pas ordinaires, comment les qualifier autrement ? On le pourrait de mille façons et cela lui aurait plu, voire amusé.

Dans l'église, à Paris, la direction de l'AJA était là. Le président Guy Cotret, l'entraîneur Jean-Luc Vannuchi, le directeur général Baptiste Malherbe.

Vinrent les temps forts de la cérémonie. Le rituel, l'homélie, les témoignages.

Celui de son ami de trente ans et plus, Jean-Luc Michaud, avocat d'affaires, administrateur de l'AJA. Un témoignage sensible, avec des mots durs à trouver pour exprimer l'inexprimable, l'indicible.

Et puis, il y eut le témoignage de son frère médecin. Gilles. Il fut à ses côtés dans les moments ultimes.

Enfin, celui d'une de ses filles, Agnès et Élizabeth, ... personnel, intime, un témoignage d'amour.

Tout était dit.


Pierre-Jules GAYE

 

 

Emmanuel Limido à la fin du match Auxerre-Guingamp en 1/2 finale de la Coupe de France 2015 (DR)