Denis Roycourt, longtemps EELV, adjoint au maire d'Auxerre et vice-président de la Communauté d'agglomération de l'Auxerrois, en charge de l'environnement (DR)

 

"Auxerre TV nous informe que selon Henri Atlan, intervenant aux Entretiens d’Auxerre, le « réchauffement de la planète et ses projections ne repose sur aucun fondement scientifique » pour des questions de méthodologie. 

Henri Atlan, médecin biologiste, l'un des pionniers des théories de de l'auto-organisation du vivant  a apporté son soutien aux thèses climato-sceptiques, critiquant notamment l'incertitude des prévisions des climatologues et le peu de fiabilité de leurs modèles.

Il a dénoncé dans Le Monde du 28 mars 2010 «La religion de la catastrophe», issue des modélisations informatiques du climat qu'il présentait ainsi : «les modèles sur les changements climatiques ne peuvent être que des hypothèses».

Les climatologues ont répondu à ces critiques. Ainsi Olivier Talagrand, directeur de recherche au Cnrs, du Laboratoire de météorologie dynamique,  a montré que la présentation d’Henri Atlan n'a pas grand chose à voir avec la réalité.

« Cette description (d’Henri Atlan) est fondamentalement erronée, et peut induire gravement en erreur des lecteurs peu ou mal informés. Les modèles utilisés pour les prévisions climatologiques ne sont pas guidés par les observations, mais par les lois qui régissent l’évolution de tout système physique : les lois de la conservation de la masse, de l’énergie et de la quantité de mouvement, familières à tout étudiant en licence de physique… Le développement de tels modèles, destinés d’abord à la prévision météorologique, a commencé, il y a maintenant plus de soixante ans, grâce aux premiers calculateurs électroniques…

« Des incertitudes restent grandes,  Mais ces incertitudes ne sont aucunement dues, contrairement à ce qu’écrit Henri Atlan, au fait que le nombre de coefficients à ajuster dans les modèles est beaucoup plus grand que le nombre d’observations disponibles. La situation est d’ailleurs inverse : dans l’état actuel des modèles, le nombre de coefficients incertains est de l’ordre de quelques dizaines, tandis que plusieurs dizaines de millions d’observations météorologiques sont recueillies chaque jour.

« Il n’y a guère de place pour un ajustement des coefficients aux observations. » Aujourd’hui , ces mêmes modèles, adaptés aux atmosphères de Mars et Vénus, permettent d’en  calculer le  régime climatique . « Ces deux atmosphères sont pour l’essentiel constituées de gaz carbonique, et l ‘effet de serre qu’y simulent les modèles est conforme à ce qu’on observe. Un tel accord serait bien peu plausible si, comme le suggère Henri Atlan, la qualité des modèles n’était due qu’à un ajustement ad hoc aux observations terrestres. »


La climatologie n’a certes pas atteint la fiabilité d’autres domaines de la science. La prévision du climat n’a pas la précision de celle des éclipses. Tout n’est pas encore expliqué dans les variations passées du climat. Mais, pour ce qui est des modèles numériques utilisés par les climatologues, ils sont construits sur les lois physiques pertinentes, et non sur un ajustement empirique aux observations. En s’attaquant à ces modèles aujourd’hui utilisés dans toutes les disciplines, Henri Atlan jette le bébé avec l’eau de bain, et se retourne contre « la démarche scientifique » dont il se veut défenseur.

C’est d’ailleurs le problème des thèses climato-septiques, car si le consensus scientifique n’exclut pas toute dissidence-critique. C’est même  positif dans une démocratie de poser des questions et de vouloir interroger et comprendre un phénomène tel que le  réchauffement climatique qui  interpelle nos modes de vie et de production.  Mais la plupart des climato-septique  qui se  posent en donneurs de leçons universelles  ne sont pas des spécialistes du climat, et n’ont jamais confronté leur thèse dans  des lieux et des revues où fonctionne l’exigence d’évaluation scientifique anonyme par un comité composé de spécialistes du champ.  Tout autre est l’avis des scientifiques spécialistes du climat et des Sciences de l’atmosphère.  En 2005, une historienne des sciences de l’université de San Diego (Californie), Naomi Oreskes, avait recensé 928 articles publiés dans des revues scientifiques « à comité de lecture » au cours de la décennie 1993-2003 sur le thème du réchauffement climatique. 100 % d’entre eux étaient en accord avec la thèse du réchauffement climatique !

Plus récemment, une vaste enquête menée en 2008 et 2009 auprès de scientifiques américains  fournit des résultats  instructifs. En réponse à la question simple « Pensez-vous que l’activité humaine contribue de façon significative au changement global moyen des températures ? » 97,4 % des « scientifiques du climat ayant publié dans des revues à comité de lecture » répondent oui.

On se demande donc si « l’imposture climatique » n’est pas du côté de ceux qui vendent des livres à gros tirage dont le principal message est : « pas de risque en vue, on continue comme avant, n’écoutez pas les sirènes du catastrophisme ».  Pour autant la recherche scientifique continue, mais le débat ne doit pas occulter la nécessité d'agir pour éviter un réchauffement de plus de 2° au delà duquel d'après les scientifiques nous ne maîtriserons plus rien.

 

Denis ROYCOURT

Président des Rencontres Auxerroises du Développement Durable

 


 

 

 

LA CONFÉRENCE D'HENRI ALTAN AU THÉÂTRE MUNCIPAL D'AUXERRE