Delphine Grémy est présidente de la FFB de l'Yonne depuis 2008 (DR)

 



 

La cérémonie des voeux 2016 à la fédération française du bâtiment dans l'Yonne, vendredi soir, a été empreinte de gravité car la situation n'est guère brillante. Si la reprise est timide avec une perspective de l'amorce d'une reprise de 0,9% grâce à la relance des logements neufs se profile, le marché de l'emploi, dans la meilleure des hypothèses ne reprendra pas avant la fin de l'année, a affirmé la présidente Delphine Grémy.

En attendant, l'Yonne a perdu 1 213 salariés et 184 entreprises au cours des 5 dernières années.

La présidente a pointé les obstacles : travailleurs détachés à salaires bradés, auto-entrepreneurs dont le statut va être modifié par le relèvement du plafond de chiffre d'affaires, charges trop lourdes pour les entreprises, pressions excessives de grands groupes pour écraser les coûts ... qui traduit un manque d'éthique et bafoue les conditions d'une concurrence loyale.

Delphine Grémy garde cependant espoir car elle croit dans les entrepreneurs. "Etre patron, être son propre patron, c’est une vocation, un sacerdoce, auquel nous sacrifions souvent nos familles, nos patrimoines et parfois notre santé". C'est leur liberté et leur indépendance.

 

Discours de la Présidente de la Fédération du Bâtiment de l’Yonne, Delphine Gremy, lors de la cérémonie des vœux au monde économique et politique, du vendredi 22  janvier 2016.


"Nous sommes en mars 1933 lors de l’Assemblée Générale. Mr Martinot s’adresse aux entrepreneurs :

« A l’heure actuelle, la situation générale n’est guère brillante.

A la vérité, la crise n’a pas des causes purement économiques et cela tient surtout à la grande instabilité de la situation politique qui est la plus importante de celles qui conditionnent la situation générale des affaires.

Notre barque a besoin d’être mieux dirigée pour endiguer le flot montant des impôts.

A cet effet, le groupe des chambres syndicales du Bâtiment, groupant trente chambres syndicales représentant plus de six mille membres, a récemment attiré l’attention de nos parlementaires en émettant des vœux réclamant une équitable répartition des charges fiscales, la réorganisation administrative, la déflation budgétaire, le plus d’économies possibles ; enfin, un programme précis de travaux pour l’avenir.

Vous me direz que ces vœux ajoutés aux précédents ou aux semblables des autres corporations, iront remplir le panier des oublis ; peut-être pas, car vous constaterez, avec moi, qu’il y a une légère amélioration dans nos moyens de défense.

A l’heure actuelle, tout le monde se remue, chacun est las de travailler sans cesse pour le seul but de payer des impôts.

Aussi, il faut nous solidariser avec tous les autres organismes du Bâtiment pour faire

Nous ne devons pas oublier que « c’est nous qui payons » et qu’à cet effet, nous avons le droit de réclamer des comptes.

Aussi, messieurs, comme chacun sait que « lorsque le Bâtiment va, tout va », demeurons groupés, sentons-nous les coudes, faisons adhérer à notre Chambre tous nos collègues entrepreneurs et notre voix, plus forte, aura plus de chance d’être favorablement entendue. Nous ne voulons pas de passe-droit, mais nous désirons l’égalité. »

 

« Congrès de la Fédération Centrale 1934.

Mr LASSALLE Président de la Fédération Nationale du Bâtiment s’adresse au Ministre des travaux publics.

Mr le Ministre, vous avez devant vous aujourd’hui des entrepreneurs, non pas ces gros entrepreneurs de travaux publics qui font des ponts, des routes, des tunnels et avec lesquels votre fonction vous conduit à collaborer, mais des entrepreneurs du bâtiment. Il y en a des petits, il y en a des moyens et des gros, et nous vivons tous du Bâtiment. Nous en vivons modestement, mais avec une certaine fierté parce que nous avons la sensation que nous sommes chargés d’accroître et de conserver cette sorte de patrimoine immobilier qui fait certainement la richesse et la parure de notre pays.

Ces gens que vous avez devant vous, je n’ose pas dire qu’ils sont inquiets, ils sont tout de même un peu angoissés.

Nous vivons ou d’entretien ou de constructions neuves.

L’entretien ? Les propriétaires, qu’ils s’appellent propriétaires privés, collectivités ou Etat, ont une tendance très sensible à réduire les crédits. Le robinet qui alimente leurs portefeuilles coule moins vite que le robinet qui les vide……

Les constructions neuves ? C’est autre chose, nous avons vécu jusqu’à présent dans cette idée, qui est exacte, que tous les français avaient « la maladie de la pierre ». Dans le cœur de chaque français sommeille un propriétaire en gestation. Malheureusement ce sommeil, en ce moment, est devenu léthargique ; et dans certaines Régions, il semble se rapprocher de la mort.

Nous voilà donc dans une situation, je vous le répète, un peu troublante et connaissant les causes, il faut évidemment chercher les remèdes.

Je crois que lorsqu’on va au fond des choses , lorsqu’on les regarde de plus près, on s’aperçoit que tous ces remèdes sont conditionnés par quelque chose de très banal, qui s’appellerait simplement le retour à la confiance, la quiétude, la sécurité, et surtout cette tranquillité d’esprit  sans laquelle le Français ne peut pas être heureux. »                                                             

Ces mots, si criant d’actualité, ont été prononcé il y a maintenant  83 ans, en pleine crise économique, quelques années avant l’ouverture d’un conflit mondial qui déchira l’Europe et mis la France en défaut en quelques semaines……

L’histoire se répète-t-elle, est-ce un cycle immuable et inévitable, est-ce le fait que les peuples n’apprennent rien de leur histoire et reproduisent les mêmes erreurs qui conduisent aux mêmes effets……..quoi qu’il en soit, les entreprises qui, elles seules,  créent la richesse et l’emploi, quel que soit le climat économique, politique et institutionnel, doivent se battre et survivre, garder le cap et continuer à investir, à imaginer le futur de leur profession pour sauvegarder leur outil de travail, nourrir leurs salariés et faire avancer la France.

Ainsi comme vous l’avez entendu, il y a longtemps déjà, les hommes de métiers se sont rassemblés pour unir leurs forces, afin de porter leurs paroles et leurs préoccupations au plus près des acteurs économiques et politiques.

Notre cher Syndicat Patronal, dans l’Yonne, aura donc bientôt 132 ans !

En effet, le 6 mars 1884, le Préfet Mr Faure et son secrétaire général Mr Bienvenu-Martin, approuvaient les statuts de la Chambre Syndicale des Maîtres Ouvriers de la ville et de l’arrondissement d’Auxerre.

Notre Syndicat était né, il changera de nom quelques années plus tard, à la naissance, sur le plan national, de la Fédération Française du Bâtiment, en 1904.

En 132 ans, il y aura eu dans l’Yonne, 15 Présidents ou plus exactement 14 Présidents et une Présidente !

Certains firent un mandat  très bref de moins d’un an, d’autres par contre cumulèrent jusqu’à 25 années consécutives de mandat …..

Je peux vous en citer quelques-uns, émérites,  qui rappelleront des souvenirs aux plus anciens : il y eu Mr ARRI Rémi de 1973 à 1980, puis Mr NIEL Aimé de 1980 à 1991 et PARIS Jean Claude de 1991 à 1999 et enfin mon cher Etienne Cano de 1999 à 2008, qui depuis 8 ans maintenant, m’a confié la lourde mais passionnante mission de lui succéder !!!

Je me suis ainsi plongée brièvement dans les archives détenues par votre Fédération, qui par ailleurs mériteraient un classement et une mise en valeur et je me suis délectée des lectures des comptes rendus d’assemblée. Le temps où l’on prenait le temps, d’écrire à la plume en lettres liées puis à la machine à écrire, chaque décision, chaque discussion, chaque rencontre et chaque échange avec les différents interlocuteurs.

La vie n’est finalement qu’un éternel recommencement, tant les thèmes restent invariablement les mêmes d’une époque à une autre, je n’ai pu que sourire ou pleurer peut-être aux différents maux évoqués que sont le chômage, les prix justes, la concurrence déloyale, la crise, les dépenses publiques, les charges….

Tout cela m’amène à vous dérouler maintenant notre actualité, dans le même ton, entre exaspération et espoir !

Quelques chiffres d’abord, pour illustrer cette période tourmentée que nous traversons depuis 2010, et qui n’en finit pas de durer, alors que les premiers soubresauts d’une reprise d’activité pourrait se faire sentir, nous sommes malheureusement pour certains d’entre nous, à bout de souffle après 7 années de lutte. C’est l’heure de l’addition pour certaines entreprises, qui n’ont eu d’autres solutions que de déposer le bilan et nous comptons malheureusement chaque mois nos collègues et leurs compagnons qui se retrouvent sans emploi, avec des conséquences financières et sociales très difficiles.

Sur la base de données consolidées auprès de la Caisse de Congés Payés, organisme historiquement partenaire de la FFB et créée par la Profession le 20 juin 1936, l’Yonne a perdu depuis 5 ans, 1213 salariés soit près de 20% de son effectif ; passant de 6215 à 5002 emplois. Cela se traduit tristement par une accélération des dossiers au sein des tribunaux de commerce avec pour l’Yonne, entre avril et décembre 2015, soit seulement 8 mois, 31 entreprises en liquidation judiciaire pour 90 salariés et 5 entreprises en redressement judiciaire pour 35 salariés. En 5 ans, l’Yonne aura perdu 184 entreprises déclarées aux caisses de congés soit 15.17 % de sa population en 2010.

Pour la Fédération de l’Yonne, nous comptabilisons au 31 décembre 2015, 300 entreprises adhérentes, pour un effectif de 2000 salariés avec pour  cette année 33 entreprises et 96 salariés recrutés contre 10 entreprises et 47 salariés perdus. Notre politique de développement et de fidélisation a plus que jamais son utilité, pour maintenir nos cotisations, dont je vous rappelle qu’elles sont l’unique source de financement de votre syndicat. En effet, comme j’aime à le rappeler régulièrement, nous sommes le seul syndicat en France, toutes corporations salariales et patronales confondues, à pouvoir revendiquer notre indépendance totale face aux pouvoirs publics, nous ne touchons aucune subvention, directes ou indirectes et ne vivons que de la contribution volontaire des entreprises qu’il faut servir et honorer. A l’inverse d’autres, qui ont défendu la ponction de 0.15% sur les salaires de leurs compagnons pour financer un pseudo dialogue social réglementé, la Fédération Française du Bâtiment ne perçoit pas cette contribution et refuse de vendre ainsi son indépendance.

Notre force est là, notre légitimité est là, nous sommes une organisation patronale puissante et reconnue, sur laquelle il faut compter et avec laquelle il faut dialoguer sans ambages !

La Représentativité, voilà bien l’enjeu de ces prochains mois pour continuer à se faire entendre des décideurs politiques. L’heure est à compter nos membres, pour contrer certains opposants qui ne reconnaîtraient pas l’existence d’une corporation ou d’une autre selon les enjeux.

C’est dans cet esprit, qu’en décembre 2015, l’UCI-FFB, la FFB et l’UMF ont approuvé l’opération de rapprochement. Depuis le 1er janvier 2016, la nouvelle union née de ce rapprochement s’intitule désormais « les Constructeurs et Aménageurs de la FFB », ou encore LCA-FFB avec l’ambition de devenir une des premières organisations représentatives de l’immobilier neuf en France autour de trois métiers : les constructeurs de maison individuelles, les promoteurs immobiliers et les aménageurs lotisseurs. Cette nouvelle entité représentera 1250 entreprises à travers tout le territoire, nouveau syndicat, affilié à la FFB, il viendra enrichir et renforcer la représentativité de nos entreprises.

 

La fusion à rédiger d'ici l'été

 

Un autre rapprochement est en cours de concrétisation, dans la suite logique du nouveau découpage territoriale des Régions ; c’est celui de la nouvelle Fédération Régionale Bourgogne Franche Comté. Après des travaux entamés en octobre 2015, après moultes discussions, la fusion de la Fédération Régionale de Bourgogne et celle de Franche Comté va bel et bien avoir lieu. Les débats ont été animés, tant les égos mesurés de nos Présidents Départementaux, auxquels je m’associe bien sûr, ont donné lieu à quelques passes d’armes sympathiques, toujours chaleureuses car il est parfois compliqué de renoncer à ces habitudes et d’accepter celles des autres…. Cette grande Région, représente représentera dorénavant 2 400 entrepreneurs adhérents pour 26 200 salariés. Le nombre d’apprentis dans le BTP sera lui de 2195 jeunes.

Nous avons signé les statuts ce mardi 19 janvier dernier. Il nous reste bien sûr le traité de fusion à rédiger et signer d’ici l’été 2016 si tout se passe bien. Et quoi qu’il arrive, une chose est sûr, nous trouverons toujours un moyen de réconciliation, autour de la table, tant les plaisirs gustatifs sont partagés dans les 2 Régions.

Rien ne changera pour les adhérents que nous sommes, car votre interlocuteur restera le Département, mais les compétences économiques étant, depuis la mise en application de la loi Notre, dévolues presque exclusivement à la nouvelle Région, il était important de rapidement nous regrouper et nommer nos représentants, chargés de rencontrer au plus vite la nouvelle équipe élue pour se faire connaître et reconnaître. Il faut garantir et  flécher la répartition juste et dynamique des financements régionaux, dont notre profession a besoin.  Battons le fer tant qu’il est chaud et rappelons aux élus que nous représentons un pan de l’économie fondamentale de notre territoire.

Toujours dans les projections de 2016, il est à noter dans vos tablettes, l’échéance des prochaines élections régionales aux Chambres de Métiers et de l’artisanat, qui se tiendront en octobre 2016. La campagne devrait être lancée courant février, sous l’égide d’Artisans de notre Avenir. Les Fédérations Départementales et Régionales, accompagnées de la CGPME et du CNPA, devront se mettre en ordre de marche, pour convaincre, rassembler et identifier les représentants, chefs de file qui œuvreront dans le but commun de reprendre la main sur les Chambres de Métiers en prenant la place que nos adhérents méritent.

Puisqu’il y a parfois des bonnes nouvelles, je peux également vous confirmer que la FFB, qui plaidait depuis plusieurs années, auprès du Ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité, a été enfin entendue,  puisqu’est sorti le 6 janvier 2015, un décret pérennisant la durée de validité des autorisations d’urbanisme à trois ans au lieu de deux. Ce délai pouvant être prorogé d’un an non plus une seule fois mais deux fois.

Cette mesure permettra de limiter la caducité des permis accordés mais retardés en raison de la crise et d’éviter à nos clients une nouvelle demande de permis, une nouvelle instruction, un nouvel affichage et surtout une éventuelle purge des recours.

 

Le bilan 2015 est sombre

 

Cette mesure positive permettra peut-être, parmi d’autres, à participer à une amélioration de l’activité car malheureusement, le bilan de l’année 2015 reste bien sombre, avec, au niveau national à nouveau un recul en volume de 3% par rapport à 2014, entraînant la destruction d’environ 30 000 postes, y compris intérim en équivalent temps plein. C’est finalement près de 135 000 emplois sacrifiés depuis 2010, dans, on peut le dire, dans un silence assourdissant, voir une certaine indifférence.

Et si 2016 semble présenter l’amorce d’une reprise de 0.9% du fait de l’amélioration du logement neuf, l’emploi lui ne redémarrera pas avant la fin d’année. Nous nous inscrivons donc dans la 7ème année de repli de la production depuis l’entrée dans la Grande Récession de 2007-2008 et il faudra faire preuve d’une grande polyvalence, d’une grande capacité d’adaptation et d’une gestion très stricte pour survivre aux douze prochains mois.

J’ai entendu vos craintes et vos angoisses, lors de nos rencontres, de vos carnets de commande très réduits, sauf pour certaines niches géographiques ou certains métiers, de vos situations financières douloureuses, de votre incapacité à investir pour renouveler et entretenir et votre manque de visibilité cruel.

Car au-delà des espérances nationales, notre situation géographique ne nous plaçant pas en zone dite tendue, il ne faudra pas attendre trop de solutions du côté du logement neuf et il faudra rester polyvalent et performant, pour se mobiliser sur les marchés porteurs comme les travaux de rénovation énergétique, les travaux de mise en accessibilité, les travaux liés à la démolition ou déconstruction autour de l’amiante, les travaux de rénovation urbaine…….

Je vous invite toutes et tous à vous rapprocher de votre Fédération pour vous former et venir grossir les rangs des entreprises qualifiées et reconnues RGE, dans la mesure où la loi de finances 2016 à confirmer les dispositifs CITE pour le Crédit d’Impôt pour la Transition Energétique. Prorogé jusqu’à la fin 2016 pour l’instant, la loi a cependant apporté de nouvelles exigences, notamment administratives en terme de mentions spécifiques sur les factures. Je vous invite à vous rapprocher de votre Fédération pour obtenir toutes les informations et garantir à vos clients l’obtention du CITE. 

Concernant les dispositions du Code de la construction et de l’habitation relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs et des maisons individuelles neuf, de nouvelles mesures de simplification, issues du plan de relance de la construction, sont également applicables pour tous les projets de bâtiment dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est postérieure au 28 Décembre 2015.

Ces simplifications qui reprennent une grande partie des préconisations de la FFB ouvrent la voie à d’avantages de dérogations aux règles d’accessibilité permettant de libérer un marché potentiellement très porteur mais trop souvent empêché par des surcoûts insurmontables. Cependant, attention aux recours possibles, car les associations d’handicapés prévoient d’attaquer les textes.

Après la satisfaction des quelques mesures positives obtenues non sans batailler auprès des pouvoirs publics, je manquerai à tous mes devoirs et surtout à mon tempérament si je ne prenais pas le temps de déplorer les égarements de certains de nos élus qui semblent encore et toujours déconnectés de notre réalité quotidienne.

En effet, le dernier plan de relance dévoilé par le gouvernement pour déverrouiller le marché du travail, adapter les compétences aux besoins et au final favoriser l’embauche et l’emploi ; peut sembler ambitieux à condition que les engagements pris présentent une certaine cohérence.

Alors que l’amorce d’une reprise se fait à peine sentir, après avoir perdu plus de 135 000 postes depuis  2008, toutes les mesures visant à donner confiance aux artisans et chefs d’entreprises et à relancer le dynamisme de la formation et de l’emploi sont nécessaires et bienvenues.

Mais elles n’auront de réels effets sur l’emploi qu’aux seules conditions d’être d’une part, simples à mettre en œuvre, d’autre part, de s’inscrire dans une démarche durable et cohérente en ne permettant pas la concurrence déloyale des autoentrepreneurs, ni même la fraude au travail détaché.

Car à quoi bon vouloir former des chômeurs et laisser dans le même temps la fraude aux travailleurs détachés gangrener l’activité du secteur.

Plus de 212 000 salariés ont été déclarés détachés en France en 2013 soit +25% par rapport à 2012. Plus de 230 000 en 2014  selon la commission nationale de lutte contre le travail illégal.  Pour 2015 il a été estimé à près de 300 000 salariés détachés illégalement en France. Le BTP reste le premier secteur en nombre de salariés détachés et connaît une forte croissance avec près de 40% des travailleurs  sur les chantiers. Ils viennent majoritairement de Pologne, puis du Portugal et ensuite de Roumanie.

La concurrence déloyale engendrée par ces travailleurs low-cost ne devrait pas s’atténuer, tant les conditions tarifaires de certains chantiers restes indécentes. Les pratiques de certains donneurs d’ordre qui veulent construire toujours plus vite, plus performant et plus grand à des coûts toujours moindres et qui ferment les yeux sur les conditions de travail qui s’apparentent à de l’esclavagisme moderne  sont coupables de signer des offres anormalement basses et de laisser le travail irrégulier se développer sur leurs ouvrages. Et bien que, grâce à l’action de la Fédération, ces maîtres d’ouvrages soient dorénavant condamnables aux yeux de la loi en cas de fraude, il y a encore beaucoup trop de marchés, notamment publics, où ces travailleurs sont préférés à nos salariés. Et ce n’est pas le chantier  de la COP 21 qui nous donnera tort, il montre encore que derrière les vœux pieux de nos dirigeants, l’intérêt économique du prix cassé reste le choix majeur systématique.

Et comment pourrions-nous lutter contre l’afflux massif de cette population peu qualifiée que représente également le flot de réfugiés, politiques et économiques dernièrement entrés sur le territoire et qui va s’accroître dans les prochains mois? Alors que nous savons pertinemment qu’ils seront employés majoritairement sur les professions manuelles comme le BTP, la restauration, l’agriculture et l’industrie de rendement. Quel avenir pour nos salariés dans ces conditions ? A quoi bon prétendre défendre l’emploi en France en le taxant toujours d’avantage et en l’obligeant à une mise en concurrence absurde avec une main d’œuvre à bas coût !

Autre promesse difficile à tenir, celle de développer soi-disant l’apprentissage et la professionnalisation des jeunes en entreprise tout en élargissant le statut de l’autoentreprise et en libérant l’obligation de qualification pour s’installer ?

Alors que nous bataillons depuis sa création contre les effets pervers de ce statut totalement inadapté à nos professions, requérant un niveau de qualification et de garantie de plus en plus élevé ; voilà que le ministre de l’économie affiche sa volonté d’assouplir le régime de l’auto entrepreneur. Pourquoi détricoter la loi Pinel de 2014 qui avait commencé à rééquilibrer les obligations auxquelles sont soumis les artisans et les auto entrepreneurs.

Quel mauvais signal pour la confiance des artisans et des TPE. Après avoir annoncé la remise en cause de la qualification dans le cadre du projet de la loi Noé, les nouvelles pistes, proposées par Bercy, de suppression de stage de pré-installation et de l’augmentation du seuil de chiffre d’affaire n’auront pour seules conséquences, que l’augmentation de la concurrence déloyale, le développement du travail illégal, et, au final, une augmentation du chômage contraire aux objectifs annoncés.

Incompréhensible pour nous ! Comment peut-on en arriver à des aberrations pareilles? Faut-il leur expliquer qu’ils se tirent une balle dans le pied et que pour nous ils sonnent le glas de la faillite?

Le Nous,  ce sont tous les artisans et également toutes les TPE et PME qui constituent la majeur partie des entreprises du bâtiment en France. Nous sommes 80% ici, concernés directement par cette concurrence  que nous croisons sur tous les chantiers, avec des entreprises qui ont préféré licencier leur main d’œuvre propre pour sous-traiter des prestations 25% moins cher!

Les arguments avancés par le Ministre pour justifier ces mesures ne tiennent pas compte de la réalité, puisque le secteur, a connu une croissance continue de la création de petites entreprises depuis 1996. Par ailleurs, pourquoi augmenter le seuil de chiffre d’affaire des auto entrepreneurs à 80 000 euros, alors que ces derniers déclarent en moyenne aujourd’hui, dans le bâtiment un montant de chiffre d’affaire de 8 400 euros.  8400 euros, n’est-ce pas dérisoire ? Personne ne vit avec 8400 euros par an. N’est- ce pas là, la preuve d’une activité déguisée…..La fraude au système est flagrante, le travail au noir quasi systématiquement identifiable et on laisse courir impunément la dérive. Les concernés ne s’en cachent même pas.

Pourquoi le gouvernement n’agit-il pas, alors que la preuve est faîte depuis longtemps que ce statut ne peut pas s’appliquer à nos professions et qu’il faut exclure le bâtiment du champ d’application ?

Suffit d’être les boucs émissaires des statistiques du chômage à redorer, personne n’est dupe, tout çà ne sont que des emplois précaires et toutes ces personnes encouragées ainsi à surfer sur le système en combinant à la fois, les seuils de faibles déclarations les exonérant de toutes charges et à la fois les aides sociales compensatrices. Ce ne sont pas des exceptions, la volonté de jouer avec le système est clairement affichée par ces nouveaux entrepreneurs à la petite semaine.

 

Relancer l'apprentissage ne se décrète pas

 

Par ailleurs, relancer l’apprentissage, tout comme l’emploi, ne se décrète pas. L’apprentissage se développe dans une branche quand celle-ci a du travail. Et ce n’est pas notre cas à ce jour!

Et au-delà des coûts, des aides diverses et variées, prendre un apprenti est un engagement fort, pour le chef d’entreprise ou l’artisan, pour 2 ans minimum ; ajouté aux contraintes administratives liées à l’embauche d’un jeune mineur.

Notre CFA justement, compte aujourd’hui seulement 251 apprentis + 80 stagiaires en formation continue dont 73 préparent un diplôme, soit 324 jeunes en formation diplômante alors que nous pourrions accueillir près de 650 jeunes.

Quelle place pour ses jeunes dans un tel paysage concurrentiel, quand demain une entreprise aura le choix entre un jeune apprenti qualifié rémunéré au-delà du smic chargé à 80% contre un travailleur détaché, une auto entrepreneur sans obligations ?

Nous leur promettons des chimères, nous leur promettons le chômage !!

Le Bâtiment en a assez d’être le vase d’expansion du chômage, la variable d’ajustement des salariés peu qualifiés. C’est une époque révolue !

Nos entreprises et nos salariés doivent aujourd’hui avoir un niveau de formation élevé, sans cesse remis à niveau face aux nouveaux défis.

Que ce soit les qualifications métiers très pointues, les qualifications RGE qui requièrent  et connaissances et gestes fin de mise en œuvre, ou encore les habilitations électriques, les travaux règlementés sur l’amiante, les travaux d’accessibilité, l’emploi des nouveaux matériaux…….

Nous ne sommes pas nécessairement ceux qui embaucheront les chômeurs, même partiellement formés, et nous ne sommes pas disposés non plus à ne former en apprentissage que les élèves en échec scolaire. Nous souhaitons voir orienter chez nous des jeunes et des moins jeunes, par envie, par challenge, par projet de vie, pour des engagements de qualité sur le long terme. Pour le reste, les contrats précaires et les salariés détachés  suffiront.

Restons mobilisés sur ces combats, ne lâchons rien, ne nous laissons pas imposer une main d’œuvre que nous n’aurions pas choisi.

Que dire également, du projet de faire prélever aux entreprises l’impôt à la source. Après l’auto liquidation de la TVA, les entreprises devront peut être de nouveau se substituer à l’état et se retrouver avec une nouvelle charge de travail supplémentaire. Sans compter les problématiques de confidentialité sur la vie privée de nos salariés, leurs placements financiers, leur mode de vie, leurs patrimoines et j’en passe. Pourrons- nous gérer cela ? Nous n’avons ni le temps, ni les compétences dans nos entreprises, ni la volonté de rentrer dans l’indiscrétion de nos salariés.

Les effets d’annonce se succèdent et nous laissent souvent perplexe quand elles ne nous laissent pas désabusés. En matière de politique, s’il est bien une crise qui dure depuis trente ans, c’est celle du logement, et  il convient de s’interroger sur l’exactitude du diagnostic et l’efficacité des réponses apportées. Elles n’ont guère variées en plusieurs décennies. Les gouvernements successifs appliquent les mêmes recettes : des plans de relance sous forme d’aides publiques, subventions, prêts bonifiés, défiscalisation….dont les effets, parfois efficaces quelques mois, sont vite limités par des dérives inflationnistes et dont les mesures sont supprimées au bout de quelques temps pour lourdeur budgétaire. Un « stop-and-go » néfaste au secteur.

En traduction chiffrée, l’année 2015 se solde par une baisse d’activité de 4% sur le logement neuf avec seulement 345 000 mises en chantier recensées. Le non résidentiel se dégrade encore avec un recul de 11.3% et l’amélioration entretien est également en baisse de 1.2% où la casse est  limitée du fait d’une moindre progression que prévue de la rénovation énergétique malgré la mise en place du CITE.

Précisément d’après le baromètre observatoire de la rénovation, de l’entretien et de l’amélioration du logement, les travaux liés au CITE sont en baisse de 14.5% sur notre grande région alors qu’ils progressent sur la face atlantique et sur le front Est de la France.  

De la même manière toutes les politiques d’aides à l’emploi, sous forme d’aide à l’embauche, de contrats aidés, sont des politiques à court terme qui ne font que gonfler les statiques de manière passagère, en accroissant les contrats précaires qui finissent presque toujours par se retrouver sur les rangs des demandeurs d’emploi.

 

Rester mobilisés

 

Des aides ponctuelles ne créent que des contrats ponctuels. Il faut l’entendre et le comprendre. Autant un chef d’entreprise embauchera toujours le profil performant qu’il a repéré et qui convient à ses attentes sans aucune aide à l’embauche, autant pour créer des emplois à  qualification modérée, c’est le ratio salaire net et charge qui sera toujours une barrière. Car on oublie souvent que si pour le salarié « tout travail mérite salaire », et bien pour l’employeur, il n’est pas outrageant de dire que « tout salaire mérite travail »  en terme de rentabilité et de productivité. Nous ne sommes pas des philanthropes, nous ne pouvons pas verser des salaires à perte, par seul souci de faire baisser le chômage. Les entreprises ont besoin d’avoir un marché d’une part et de gagner de l’argent d’autre part.

Bien comme vous le voyez chers collègues et amis entrepreneurs, la liste de nos défis et de nos batailles pour 2016 reste longue.

Nous devons rester mobilisés sur tous ces sujets préoccupants, qui dessineront demain le visage de nos entreprises. Il y a des évolutions nécessaires et salvatrices, il y en a d’autres qui pourraient sonner le glas de nos sociétés.

Loin des enjeux politiques nationaux, européens et internationaux, les entreprises françaises, Les TPE/PME, les artisans ne doivent pas payer l’addition d’une certaine redistribution des cartes. Notre savoir- faire et nos valeurs doivent être préservés et surtout pas sacrifiés sur l’autel de la concurrence. Ne devenons pas seulement  des sous-traitants d’assembliés ou de très grosses entreprises générales où la dimension humaine est parfois reléguée au dernier plan.

Il fait bon travailler dans nos PME, nos compagnons en témoignent chaque jour, ils souffrent aussi de voir leurs entreprises disparaître et souhaitent voir leur parcours et leurs efforts récompensés sur le long terme. Ne restons pas spectateurs malheureux de ces mutations certes inévitables mais où les orientations sont autorisées. Ne nous laissons pas déposséder de notre indépendance, de notre liberté d’entreprendre.

"La liberté, un mot si souvent prononcé ces derniers mois.

"La liberté c’est aussi celle-là ! Celle de créer, de reprendre, de transmettre des entreprises parfois ancestrales, riches de savoir –faire. Celle de créer de l’emploi qualifié, qui élève les hommes et leur donne leur dignité, la satisfaction d’un travail utile, d’une empreinte laissée dans le marbre, qui restera pour les générations à venir.

"Notre libre - arbitre, c’est bien là le dernier rempart à notre découragement quand la conjoncture et ses effets s’acharnent sur nos entreprises.

"Nous le payons cher, parfois très cher mais nous y tenons et nous nous battrons pour le conserver.

"Etre patron, être son propre patron, c’est une vocation, un sacerdoce, auquel nous sacrifions souvent nos familles, nos patrimoines et parfois notre santé

"C’est notre choix, notre volonté, notre goût du risque, du défi qui nous fait nous sentir vivant."

 

 

Au premier rang les élus

 

 

 Delphine Grémy : "Notre libre - arbitre, c’est bien là le dernier rempart à notre découragement quand la conjoncture et ses effets s’acharnent sur nos entreprises"