Saint-Etienne-du-Rouvray, mardi 26 juillet 2016... C’est dans un lieu symbolisant la prière, le rapprochement avec un grand « tout » d’amour, que cette fois deux bêtes enragées - se prenant pour de valeureux guerriers - ont surgi, tuant un homme âgé et paisible, et conduisant entre mort et vie un fidèle. En terrorisant d’autres, semant la peur et les sanglots dans la communauté.

 

 

 

Dans un lieu saint, lieu qui n’offrait aucune menace. Lieu refuge. Lieu symbole.

 

Oh, il ne s’agit pas d’un décès ou d’horreurs plus graves que celles comptées au Bataclan (ceux qui s’amusaient), à Brussels Airport (ceux qui partaient en vacances) ou à Nice (ceux qui croyaient que la vie était un bouquet d’étincelles) ou tous les autres. Chaque vie compte pour quelqu’un, chaque mort aussi, et si certaines sont plus remarquées que d’autres, ça ne les rend en vérité pas plus spéciales.

 

Mais ici, ce qui est différent, c’est qu'il s'agit aussi la profanation d’un culte, le mépris de la prière des autres. Le désir de contaminer la moelle spirituelle, de briser l'âme.

 

Je ne pense pas que tuer un prêtre soit plus une profanation de la République que tuer un couple d’amoureux au Bataclan ou une mémé qui allait voir le feu d’artifice avec ses petits- enfants. Tuer un prêtre n’est plus horrible que symboliquement. Il ne faudrait pas oublier que ce prêtre avait aussi des proches, des gens qui l’aimaient, comme tout autre homme. Ainsi que la victime et les autres fidèles et la religieuse qui ont assisté au drame, certainement inoubliable.

 

Mais quelle « armée » arme des fous ? Leur promet vierges et gloire en échange du sacrifice de leur vie - qui au fond ne les intéresse pas beaucoup, qu'en font-ils? - et du déshonneur total des leurs, de leur véritable religion, de la mémoire de leur nom désormais répugnant à évoquer ?  

Il est des suicides tellement plus nobles que ce cirque en quête d’existence éphémère. 

Non, nous n’éprouverons pas de haine, qui ne conduit qu’à ces mascarades d’actes de bravoure. Quelle bravoure en effet que d’envahir une église, égorger un homme dans la quiétude de son grand âge et de ce lieux de paix... il fallait un courage démesuré. Avec de tels fidèles, Allah n’a plus besoin de compter les infidèles…

Pas de haine mais est-il trop hardi que d'exiger moins de clémence, de complaisance dans les atténuantes, dans l’énumération du parcours « difficile » de ces clowns d’Allah pour qu’on ait la larme de la culpabilité au coin de l’œil ? N'est-ce pas accepter la fatalité du parcours difficile qui ne peut mener qu'à ce genre d'horreur ? Et tous les autres issus des parcours difficiles et qui en sont sortis, en sont fiers, on lutté, se sont aimés assez pour en sortir ? Doit-on les négliger et conclure qu'eux, ils ont eu de la chance, que sont des exceptions et qu'en tant qu'exceptions positives... ça ne vaut pas la reconnaissance?

Nous ne leur devons pas de respect. Ni haine, ni compassion.

Ces monstres sont les artisans de la défiance grandissante entre nous et les leurs, ceux qui aimeraient faire partie du monde des vivants, des anonymes sans histoire qui s’arrangent pour travailler, côtoyer leurs voisins qui ne prient pas de la même manière, pas plus qu’ils ne mangent de la même manière, ces petits héros du jour après jour qui pensent à leurs enfants, qui se réjouissent de voir leurs enfants avoir ce qu’ils n’ont pas eu, ou ont un peu tard dans leur vie.

Imbéciles grotesques et malades, ils ne sont pas à protéger, ni par nous ni par leurs proches, complices souvent involontaires tenus par des liens du sang ou la peur, et qui, s’ils n’y prennent garde seront exterminés aussi…

Ce crime-ci a ceci d’odieux que loin de s’en prendre à une masse de victimes anonymes, ici ce fut du "combat" singulier : l’égorgement d’un vieil homme de paix et de foi, l’agression à un fidèle au son des aboiements proclamant la grandeur d’un dieu qui a dû rapetisser d’horreur.  C’est un acte rapproché du type le plus immonde.

 

Ils se rapprochent.

 

                                                                                Suzanne DEJAER