Jaulges un site friche industrielle au milieu des bois en Florentinois  (DR)

 

Le camp appartient à l'État et c'est Bercy qui gère. Il est à vendre comme beaucoup d'autres actifs de l'État, à l'image de l'ancien camp militaire, pollué celui-là, de Chemily-sur-Yonne dont l'appel d'offres se termine le 21 janvier, l'ouverture des plis ayant lieu une semaine plus tard.

Les domaines avaient estimé l'ensemble à 4,7 millions d'euros, lorsque le camp était encore en service. Depuis, tout s'est dégradé et l'État a besoin de faire rentrer de l'argent dans les caisses en cédant des actifs qui ne lui servent plus à rien et qui continuent de lui coûter en entretien, gardiennage, taxes etc.

Depuis deux ans, les collectivités locales et un homme, Gontran Derly, se démènent pour se porter acquéreur du camp en question qui couvre 42 hectares dont 80 000 m2 de bâtiments couverts. L'homme est un spécialiste de la culture et de l'industrie du champignon, un secteur qu'il connaît bien, dans lequel il a travaillé pendant trente ans, avec trois amis.

Un business plan avait été déposé voilà deux ans et la Communauté des communes de Saint-Florentin avait fait une proposition pour se porter acquéreur.

Une première proposition à 500.000 € réévaluée à 800.000 € avait été formulée par la Communauté des communes du Florentinois qui se proposait de couvrir la dépense par un emprunt dont les intérêts auraient été couverts par le loyer perçu. Une proposition inacceptable par l'État.

Depuis, le dossier piétine et d'aucuns le voyaient enterré. Or il n'en est rien. Bercy (l'État) ne pouvait accepter de céder son bien à un à prix bradé et d'autre part, l'acquéreur, Gontran Derly qui réside au Mont-Saint-Sulpice, n'avait pas entièrement bouclé le tour de table offrant les garanties nécessaires. Il a désormais un nouveau partenaire financier, un grossiste de Rungis PDM Meyer Champi que préside Michel Legros (voir le courrier ci-dessous). Cette structure va participer à l'élaboration structurelle et financière du projet. Un nouveau business plan en découle qui modifie la donne.

L'acheteur affirme être tombé d'accord avec le DGFIP, Bernard Trichet, le directeur général des finances publiques de l'Yonne, sur le prix de cession du camp de Jaulges. C'est lui qui détient le pouvoir de vendre avec le préfet Jean-Christophe Moraud qui aura facilité la progression de ce dossier. Le tour de table financier serait, aujourd'hui bouclé, et les garanties établies, affirme Gontran Derly (voir l'interview video). Le dossier est en cours de finalisation. Le DGFIP doit donner son accord.

Le montage des porteurs serait le suivant : le camp serait vendu en totalité à la SEM Brienon Immobilier que préside le maire Jean-Claude Carra pour la somme de 2 millions d'euros, assorti d'une servitude liée à l'accueil des migrants qui n'ont pas vocation à rester, Jaulges étant un centre d'accueil d'hébergement et d'orientation. Dans les deux ans voire moins, la SEM cèderait à son tour l'ensemble à la société de Gontran Derly et Michel Legros.

La création et l'exploitation de la champignionnière débutera dès après l'achat du terrain par la SEM, précise Gontran Derly.

L'industrie du champignon est sinistrée en France depuis le développement d'usines à l'est notamment en Pologne. Aujourd'hui, les besoins s'accroissent et de nouveaux marchés s'ouvrent. Gontran Derly veut développer des circuits courts à vocation bio et servir le plus gros marché de France Rungis, tous les jours en champignons frais, des pleurottes grises essentiellement et du champignon de Paris dans une moindre mesure.

 

Appel d'offres incontournable

 

Bernard Trichet, le DGFIP (directeur général des finances publiques) et le préfet de l'Yonne Jean-Christophe Moraud responsable de la politique immobilière du département qui travaillent en concertation étroite de front, n'ont pas la même vision. Ils rectifient les erreurs et rappelent les principes de base. Et prioritairement, le fait que toute cession d'un bien d'État doit passer par un appel d'offres.

D'abord, le DGFIP affirme n'avoir pas donné son accord sur le prix de vente mentionné (2 millions).

Il n'y a pas eu de négociations car elles ne sont pas ouvertes. Il y a eu, uniquement une réunion informelle avec des élus et le porteur de projet. Certes, l'État peut revoir le prix estimé avant la fermeture du camp mais il n'est pas question de brader le patrimoine. Le préfet précise que le camp couvre 42 hectares, comprend des voies de circulation en bon état ainsi que des bâtiments, est équipé de la fibre optique, et de réseaux divers, chauffage, eau, électricité, et l'ensemble est entretenu.

Ensuite, le DGFIP n'a en sa possession que le business plan qui date d'il y a deux ans, et qui dans sa version du mois de décembre 2016, ne comprend rien de nouveau par rapport au premier. Or Bernard Trichet soutient que ce business plan n'est pas viable et qu'il ne comprend pas les études d'impact règlementaires. Lorsque l'État vend du patrimoine, il est attentif à ce qui il vend, au projet global et à la pérennité de celui-ci et aucunement dans un cadre spéculatif.

Plus précisément et fondamentalement, la SEM Brienon Immobilier à un oblet unique dans les statuts, c'est une SEM cleenex. Elle n'a donc pas vocation pour porter le projet de Gontran Derly. C'est impossible. Pourquoi le ferait-elle d'ailleurs puisque dans le cadre de l'appel d'offres, incontournable, l'entrepreneur et ses associés peuvent très bien soumettre leur offre en tant que telle.

Autre point d'importance, le site de Jaulges entre dans la catégorie des établissements classés pour l'environnement et relève de la loi sur l'eau, souligne le préfet de l'Yonne. Les procédures impliquent notamment une enquête publique qui dure plusieurs mois. Or le business plan du projet de Gontran Derly n'intègre aucune de ces études, ce qui révèle une méconnaissance des obligations légales.

Le préfet Jean-Christophe Moraud dit n'avoir rien contre ce projet de développement économique assorti de création d'emplois sur le site du camp de Jaulges d'autant pus que l'ancien camp militaire est à vendre.

Pourraient donc cohabiter salariés et migrants qui occupent un petit espace où ils sont accueillis par les services de l'État, sans avoir vocation à y demeurer puisqu'ils sont orientés ailleurs selon le cheminement des uns et des autres.

Rien contre, au contraire. Mais encore faudrait-il que ce dossier soit pris par les diverses parties prenantes, élus compris, par le bon bout, pour l'amener à bon port.

 

 

P-J.G.

 

 

Gontran Derly le porteur de projet, un spécialiste de l'économie du champignon (DR)

 

L'ancien camp militaire vu du ciel : les bâtiments qui accueillent quelques 140 migrants sont circonscrits dans la partie supérieure gauche. Trois bâtiments, soit une partie infime de l'ensemble. Le camp  ne peut être vendu qu'en totalité quitte à assortir le contrat d'une servitude et de clauses de revoyure. Dans les deux ans voire moins, la SEM cèderait à son tour l'ensemble à la société de Gontran Derly (DR)