L'affaire Pénélope Fillon révélée par le Canard Enchaîné dans sa livraison du jour, qui aurait perçu 600 000 euros de salaires en huit ans dont 500 000 de fonds publics (1), sans effectuer un travail réel selon le palmipède, fait polémique et suscite un vaste débat.

En outre, Pénélope Fillon était conseillère littéraire à la revue des deux mondes depuis 2014, une fonction où elle n'aurait produit que deux feuillets pour une rémunération à hauteur de 100 000 euros. Quel pigiste n'en rêverait pas.

Ce n'est pas la colère froide et la réponse dilatoire de François Fillon candidat de la droite républicaine et du centre, qui vont apaiser les esprits non plus que réduire les conséquences de cette révélation qui concerne directement le candidat "irréprochable" qui a éliminé Nicolas Sarkozy.

Le feuilleton ne fait que commencer. Le soupçon devra être tranché par la justice : le parquet national financier à ouvert une enquête préliminaire, ce mercredi.

On peut imaginer que tous les comptes vont être épluchés y compris ceux de la société de conseil de Fillon qui a encaissé les émoluments de François Fillon pour des conférences données, y compris dans la Russie de Poutine.

Cette affaire survient au moment où la campagne présidentielle est en train de se nouer. Il est classique que des coups soient balancés pour décrédibiliser les uns ou les autres. Certes, rien de nouveau sous le soleil dans le domaine des règlements de comptes entre amis.

Mais ce nouvel épisode succède à une série d'autres du même genre.

En vrac et de manière non exhaustive, citons l'affaire Cahuzac qui a triché, menti avant de démissionner, l'affaire Bygmalion qui n'a pas encore rendu son verdict, l'affaire Claude Guéant condamné en appel à un an de prison ferme pour des primes substantielles versées également à lui-même lorsqu'il était chef de cabinet du ministre de l'Intérieur Sarkozy, l'affaire en cours des emplois fictifs d'attachés parlementaires FN financés par l'Europe mais qui travaillaient pour la direction du FN (600 000 euros sont réclamés), et on oublie Sarkozy et on en passe hélas y compris sur les emplois fictifs de la mairie de Paris.

On observe donc une constante et une évolution très lente dans les systèmes de contrôle que n'arrivent pas à s'imposer les parlementaires, à leurs dépens.

Savez-vous, qu'un député ou un sénateur n'est aucunement tenu de justifier une note de frais ? Alors que la plus petite entreprise est tenue de justifier la note (jour, lieu, personnes invités, motif ...) lors de la déclaration fiscale d'impôt sur le revenu.

Loin de nous l'idée de tomber dans le caniveau du populisme mais au contraire, d'expliquer que les choses vont très lentement et les mêmes causes produisent les mêmes effets, aux dépens de l'intérêt général. Il faut une législation qui protège les parlementaires contre eux-mêmes.

Le régime des cassettes parlementaires, ces espèces de caisses noires dans lesquelles les députés peuvent puiser pour arroser utilement ici et là dans leur circonscription, s'est amélioré dans la  mesure où ils sont désormais tenus de déclarer les versements publiquement. La loi de 2013 a clarifié et ordonné mais pas suffisamment les statuts à l'Assemblée nationale et au Sénat : nombre de collaborateurs, plafonds de rémunération, frais etc.

 

Lemoyne et Larrivé sans membres de la famille

 

Dans l'Yonne, sur les cinq parlementaires, trois députés et deux sénateurs, trois emploient un membre de la famille comme attaché parlementaire, ce qui est, soulignons-le, parfaitement légal, même si cela en surprend plus d'un qui estiment que ce n'est pas moral.

20 % des députés font de même.

Dans l'Yonne Jean-Yves Caullet, député socialiste de la deuxième circonscription emploie son épouse par ailleurs conseillère régionale de BFC.

Marie-Louise Fort, député LR de la troisième circonscription, emploie son fils en l'indemnisant. Il a un métier. MLF l'indemnise pour tenir son site internet et soritir sa newsletter. Il n'a pas le statut d'attaché parlementaire.

Henri de Raincourt, sénateur LR emploie son épouse.

Seuls Jean-Baptiste Lemoyne sénateur LR et Guillaume Larrivé, député LR, les deux jeunes palrementaires, n'emploient aucun membre de leur famille.

Marie-Lousie Fort et Guillaume Larrivé emploient chacun 5 collaborateurs. Jean-Baptiste Lemoyne 4, Henri de Raincourt et Jean-Yves Caullet 3.

Alors rétorqueront certains, quelle différence avec le cas de Pénélope Fillon ?

La différence c'est que son emploi d'attachée parlementaire serait fictif, autrement dit qu'elle ne travaille pas à ce poste. Comme s'attache à le démontrer le Canard Enchaîné sur une page pleine et qui a amené la Justice à ouvrir une enquête.

Des déclarations anciennes et récentes de l'épouse de Pénélope Fillon, notamment au Bien Public, vont d'ailleurs dans ce sens, que les chaînes d'info en boucle diffusent de manière accablante.

Cela reste à prouver juridiquement et en attendant, François Fillon est présumé innocent.

Ce qui est sûr c'est que travailler en famille au Parlement, est une pratique fréquente et polémique.

Notons que les députés européens ont, eux, l’interdiction formelle d’embaucher des membres de leur famille.

« Sans même parler de recrutement fictif, le recrutement familial (souvent des gens sous-qualifiés et surpayés) est à la limite de la prise illégale d’intérêts », explique Jean-Christophe Picard, le président de l’association de lutte contre la corruption Anticor. « François Fillon profite du fait que la loi n’encadre pas grand-chose. Il faut une interdiction complète de cette pratique, car c’est compliqué de différencier emploi fictif, emploi de complaisance et emploi réel. On retombe sur la problématique du contrôle parlementaire, avec la manière dont ils utilisent leurs indemnités de représentation. On sait très bien qu’il y a des abus. »

 

P-J. G.

 

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(1) Dans le Sarthe entre 1998 et 2002, quand François Fillon en était député, puis au côté de son suppléant Marc Joulaud de juillet 2002 à août 2007, et enfin pendant six mois quand l’ex-Premier ministre a été élu à Paris, pour une rémunération totale d’environ 500.000 euros brut.

 

 François Fillon et sa femme Penelope. Sur le site de la municipalité de Solesmes, le fief de François Fillon dans la Sarthe, où Penelope s'est fait élire conseillère municipale en 2014, la fiche de cette dernière indique toujours : « 62 ans, mère au foyer. » ( DR Francois Mori/AP/SIPA)