La tombe de Paul Bert au cimetière Dunand, une oeuvre du sculpteur Bartholdi

 

 

      Cérémonie Paul Bert 11 novembre 2017

 

 

 Monsieur le Maire, chers amis,

 

 "Rendre hommage à Paul Bert –comme nous le faisons chaque année le 11 novembre- ce n’est pas tourner un regard nostalgique vers le passé mais bien plutôt prendre toute la mesure de la richesse et de l’actualité de son héritage :

- les caissons hyperbares de décompression dont usent aujourd’hui aussi bien les plongeurs sous-marins que les services de médecine hyperbare des grands hôpitaux, c’est l’actualité de Paul Bert ;

- les masques à oxygène qui sont libérés dans chaque avion de ligne en cas de dépressurisation, c’est l’actualité de Paul Bert ;

- les anesthésies au masque, qui utilisent  un mélange de protoxyde d’azote et d’oxygène et qui sont de nos jours communément pratiquées dans n’importe quel hôpital de la planète (généralement sous le nom de Kalinox), c’est encore l’actualité de Paul Bert ;

- la découverte du rôle fondamental des gaz du sang et des conditions de respiration en altitude qui a ouvert la voie à la conquête de l’espace,  c’est toujours l’actualité   de Paul Bert ; c’est si vrai que, chaque année, l’Agence spatiale américaine décerne un prix Paul Bert pour des recherches en physiologie dans l’espace.

 

"Mais, puisque l’œuvre du savant s’est doublée d’une œuvre politique, il importe de rappeler que Paul Bert fut le plus ardent défenseur de la laïcité, celle par laquelle on s’oppose non aux religions mais à celles qui ont la prétention de « faire la loi ». Quoi de plus actuel que la nécessité de résister à ce qui s’appelle au juste le cléricalisme à une époque où sa nouvelle figure, l’islamisme politique, cherche partout à étendre son emprise ?

 

"Quant à l’école de la République, laïque, gratuite et obligatoire, il n’est pas abusif d’affirmer qu’elle incarne jusqu’à nos jours la présence vivante de Paul Bert. En ne retenant que le nom de Jules Ferry, l’Histoire  oublie que Paul Bert fut le véritable inspirateur et le théoricien de cette grande réforme de l’enseignement qui s’est mise en place aux débuts de la IIIème République. Président de la grande Commission de l’instruction primaire et son rapporteur devant l’Assemblée, Paul Bert fut le véritable artisan des lois scolaires qui auraient dû en toute justice porter son nom.

Mais rendre hommage à Paul Bert, ce n’est pas seulement souligner son actualité, c’est aussi découvrir qu’il peut nous aider à nous orienter  dans les débats qui sont aujourd’hui les nôtres.

Je n’en prendrai qu’un exemple. Depuis quelques décennies s’affrontent au sujet de l’école les tenants du pédagogisme et les tenants de la transmission culturelle. Vaine querelle !

 

"Nous découvrons aujourd’hui, Jean-Michel Blanquer en tête, qu’il n’y a pas à choisir entre les deux options du pédagogisme et des contenus culturels, pas plus qu’entre le plaisir et l’effort, mais qu’il faut marier les deux.

 

"Or, ce fut là toute la philosophie scolaire de Paul Bert ainsi que celle de Ferdinand Buisson, son collaborateur,  qui inscrit son fameux Dictionnaire de pédagogie dans la même vision.

Mieux, Paul Bert, non content d’avoir défini cette philosophie, la met lui-même en œuvre dans les manuels élémentaires d’enseignement scientifique qu’il écrit de sa main, toujours sous une forme concrète, attractive et vivante en dépit du caractère sévère –voire rebutant- des contenus. Paul Bert donne une priorité à la maîtrise de la langue mais ensuite viennent les sciences naturelles, physiques, chimiques, mathématiques, mais aussi la botanique, la zoologie, la minéralogie, la géologie etc. Je le cite : « Oui, toutes ces sciences au noms féroces, il faut que l’enfant les apprenne et qu’il s’amuse en les apprenant. » Intéresser, amuser, éveiller le désir d’apprendre et de mieux comprendre la réalité, c’est bien ce qu’illustrent ses manuels qui sont rédigés sous forme de dialogues entre le maître et l’élève de façon à donner aux leçons une forme –dit-il- « alerte et vivante ». Voilà probablement ce qui explique l’immense succès de ses manuels, utilisés en France comme à l’étranger  jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Leur contenu  est évidemment aujourd’hui périmé mais la forme qui associe la transmission des savoirs à la levée d’un désir, qui conjugue exigence et bienveillance est loin d’être  périmée.

Puisque le célèbre Grand Dictionnaire de pédagogie de F. Buisson, inspiré des mêmes principes, vient tout juste d’être réédité dans la collection Bouquins, on ne saurait trop en recommander la lecture à nos politiques soucieux de surmonter les clivages stérilisants. Là encore, il s’impose de redécouvrir l’actualité de Paul Bert.

 

"Notre présence au pied de sa  tombe témoigne de l’attachement que nous avons à recueillir et à faire vivre son héritage, un héritage dont j’ai évoqué sommairement les aspects les plus variés mais dont chacun, à lui seul, justifierait qu’on honore sa mémoire. La gerbe que nous allons maintenant déposer au pied du monument Bartholdi portera témoignage de la fidélité de notre souvenir envers cette grande figure auxerroise."

 


Patrice DECORMEILLE

 

Patrice Decormeille et Guy Paris premier adjoint au maire d'Auxerre