Une salle bondée qui a fait preuve de beaucoup d'humour. Qui a dit que l'humour est la politesse du désespoir ... vieille loi de la rhétorique, que d'aucuns attribuent à Hugo, Wilde, Duhamel, Vian, Valéry, voire Churchill. «Agir en primitif et prévoir en stratège». Pourquoi pas ?

 

 

Tite-Live raconte l'épisode des oies du Capitole qui sauvèrent Rome par leurs cris et morsures vers - 390, lorsque des Gaulois attaquèrent le Capitole de nuit.

On ne sait si les trois oies de Lucy-sur-Yonne en résidence sur la berge du canal du Nivernais ont protégé et inspiré - en cacardant à tout-va - la salle du Foyer communal pendant la réunion publique consacrée à la pollution de l'eau et aux solutions. Mais c'est un signe. D'ailleurs un certain nombre de participants ont pu vérifier qu'il ne fallait pas marcher ou chercher à garer sa voiture sur les plates-bandes des oies. Ce ne sont pas des oies rieuses. Il n'y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne.
 

C'était vendredi soir. La réunion a débuté à 19 heures pile et à 21 heures, ce n'était pas fini. Pas une seule personne n'avait quitté la petite salle bondée.

Il est vrai que l'actualité et la problématique de l'eau polluée ont sensibilisé et questionné les habitants bien au-delà. D'ailleurs certains étaient venus de Puisaye, du Tonnerrois, de l'Auxerrois, la majorité concentrant des Avallonnais. Il y avait du beau monde paysan - on est tous d'un pays non ? - y compris Étienne Henriot président de la Chambre d'Agriculture de l'Yonne, attentif et à l'écoute du terrain, d'autant plus que la Chambre a une responsabilité forte et de premier plan.

Si l'état de l'eau dans l'Yonne est assez catastrophique du point de vue des pollutions, nitrates (en baisse) pesticides et herbicides en forte hausse, l'organisme y a pris part au même titre que les sociétés chargées de traiter l'eau et les collectivités qui ont délégué sans prise de conscience des enjeux et des responsabilités.

 

Ça pollue mais c'est pas toxique sic

 

Il est vrai que le sujet est un vrai sujet : la qualité de l'eau potable distribuée par nos robinets dans les chaumières de l'Yonne.

La pollution au dimétachlore observée à Lucy-sur-Yonne comme dans d'autres communes, à une valeur de concentration de 4 fois celle fixée par la réglementation, ne constitue pas un risque létal a expliqué le représentant de l'ARS (agence régionale de la santé). Traduction, ce n'est pas toxique, ce qui n'exclut pas la pollution. En somme, le produit qui fait augmenter les valeurs au-dessus des normes règlementaires, n'est pas dangereux pour l'homme. Dans l'état actuel des connaissances cette substance ne présente par de caractère cancérigène, seule une suspicion de risque pour la reproduction peut être citée. Mais pourquoi fixer, dans ces conditions, une norme valorisée à ne pas franchir que l'on peut franchir ... ?

En conséquence, l'ARS qui a délégation du préfet de l'Yonne, a levé l'interdiction de consommer l'eau du robinet à Lucy-sur-Yonne qui en était privée depuis décembre 2017. Idem pour Brienon-sur-Armançon et Massangis avec d'autres motifs. À propos de Massangis, il est remarquable d'observer que le recouvrement d'une zone de captage très polluée, par des panneaux photovoltaïques à grande échelle source de profit pour l'agriculteur et la commune - une des trois solutions préconisées par la Chambre d'agriculture - est un échec. En effet la pollution de l'eau est repartie de plus belle.

 

Dépenser pour gagner plus ... Re-sic

 

Comme l'a souligné un des participants à la réunion publique dans le cadre de la semaine des alternatives aux pesticides, Philippe Collin, agriculteur à Blacy, il faut arrêter de dire que l'agriculture française doit nourrir l'Europe et d'autres continents.

"Ce qui est extraordinaire", a martelé le paysan du sud Avallonnais, " c'est que les grands groupes agro-alimentaires convainquent les gens de dépenser plus pour gagner plus...", ce qui est quelque part une ineptie puisqu'en utilisant d'autres méthodes que les pesticides et autres herbicides, le prix de revient peut être divisé par deux pour des rendements identiques. C'est du moins ce que tendent à prouver des études et expérimentations projetées sur diapositives lors de la réunion.

On aura compris et tout le monde le sait, que la qualité de l'eau dans l'Yonne, partout, est assez désastreuse. Et les prélèvements sont irréguliers, parfois une fois tous les deux ans pour les communes les moins peuplées.

 

Prises de bec

 

Cela ne signifie pas que des efforts ne sont pas consentis. En dehors de l'État qui essaye de faire respecter la règlementation (évolutive avec des molécules nouvelles à chercher) et enjoint les maires de remédier à certaines situations délicates (euphémisme) quand il ne les met pas en demeure ; il existe des tentatives sur lesquelles on ne s'étendra pas car elles ne donnent guère de résultats sous le sceau de l'omerta et de paquets d'argent engouti. On pense évidemment à la Plaine du Saulce. Il y a au moins une exception, c'est à Saints-en-Puisaye.

Le maire Jean Macé a expliqué par quelle démarche politique et technique il était arrivé à améliorer la qualité de l’eau des nappes de son village. Il a commencé en 2000 et a rassemblé tout le monde autour de la table, y compris les agriculteurs et il a dit : "Nous avons un gros problème avec la qualité de l'eau, comment on fait ?". Les réunions furent houleuses au début avec des prises de bec (c'est comme ça qu'on avance, a-t-il affirmé). Au fil des ans, les habitudes ont évolué et les pratiques aussi. "Il faut du temps, des années .... je n'ai pas lâché les agriculteurs". Cette méthode participative à la base, a donc fait ses preuves en Puisaye. Pourquoi ça ne marcherait pas ailleurs ?

Etienne Henriot, président de la Chambre d'Agriculture, a pris la parole en toute fin de réunion, un peu tardivement. Il a abordé les indispensables changements de procédures culturales et le nécessaire besoin de penser aux énergies alternatives.

 

Simon et les oies

 

On pourrait, sans fin, alimenter cette chronique. Il suffit de puiser dans la video extrêmement révélatrice, riche et dense, que nous publions ci-dessus, qui retrace cette réunion publique de Lucy, vendredi soir, où la parole a circulé, avec courtoisie mais non sans ironie. Des paroles fortes, solides, sans illusion mais décidées et responsables.

Après les trains du Morvan… les trains… Après la maternité de Clamecy, les urgences de nuit…, Après les nitrates, les pesticides… Les campagnes sont de plus en plus laissées pour compte par le système. L’eau potable de nombreuses communes rurales du département de l'Yonne (et ailleurs) est interdite à la consommation en totalité ou partiellement. le nombre de captages a été divisé par deux de 450 à 220. En attendant que les problèmes soient traités au fond, et non sur les effets, a posteriori, quand il est déjà trop tard.

Luc Simon, peintre, sculpteur, acteur, maître-verrier, issu de la famille Simon, maîtres verriers de la cathédrale de Reims depuis le XVIème siècle ; son esprit veille encore sur Lucy où il est enterré. « Longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu… ». Les huit splendides vitraux de l’Eglise romane de Lucy demeurent et témoignent.

Comme les oies du canal. Des oies Lucytoyennnes qui ne plaisantent pas. Et qu'il faut prendre au sérieux.

 

Pierre-Jules GAYE

 

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### France 3 National vient tourner Lundi après-midi. France 3 Bourgogne a passé un sujet vendredi soir au JT de 19 heures

Étaient présents notamment :

ARS Eric LALAURIE - Adjoint au directeur de la santé publique - Chef du Département Santé Environnement  

DDT Fabrice BONNET chef du Service Forêt, Risques, Eau et Nature  ddt-sefren@yonne.gouv.fr

(Tous deux sur demande de la Préfecture de l’Yonne)

Philippe COLLIN agriculteur à Blacy

Jean MACÉ, maire de Saints-en-Puisaye, administrateur de la Fédérattion des eaux de Puisaye

Michel HUET, cinéaste d'Asnières-sous-Bois

- Claude Macchia (Maire d’Etais la Sauvin)

- Brigitte Picq (Pdte du syndicat des eaux du Haut Nivernais et Vice-Pdte de notre nouvelle com-com Haut-Nivernais-Val d’Yonne depuis le 2 Janvier 2018)

- Eric Fiala (Maire de Lucy/Yonne) et Jean-Louis MILLOT (1er Adjoint)

- Gérard-André GAILLARD (La Closerie d’Etais la Sauvin)

- Catherine Schmitt (Pdte YNE-FNE)

- Jean-Charles Faucheux agriculteur bio de Lucy-sur-Yonne

- Jean-Paul Couillaut et Sylvie Beltrami (Pdt et trésorière de l’ADENY de Sens)

- Pascal Ferté agriculteur bio - Villeneuve-les-Genêts

- Collectif de l’eau 89

- Collectif AC89 OGM et Pesticides

- François MAURE Propriétaire de la grotte de Champ-Retard (Coutarnoux) membre du PETR Avallonnais

- Représentant(e)s des villes et villages d’Etais-la-Sauvin, Clamecy, Dornecy, Massangis, Mailly-le-Château, Asnières-sous-Bois (ADCVA), Andryes, Champignelles, Auxerre (apiculteur bio), Crain, Coulanges-sur-Yonne, Donzy, Billy sur Oisy, Dissangis, Brienon-sur-Armançon, Toucy
 

DELPHINE BATHO, ex ministre de l’écologie et membre de la mission parlementaire sur les produits phytopharmaceutiques a contacté vendredi matin par téléphone Lionel Deschmaps, président de l'association Lucytoyens, à la suite de notre lettre ouverte envoyée aux député(e)s membres de la mission. 

 

Étienne Henriot, président de la Chambre d'Agriculture de l'Yonne (à droite), attentif

 

Le représentant de l'ARS (agence régionale de santé) malgré son accent du midi chantant, n'a pas vraiment convaincu les membres de l'assistance. Pourtant il a fait le job et plutôt bien, restant centré sur son propos

 

 Le maire d'Étais-la-Sauvin, commune à la peine et sans eau au robinet depuis très longtemps

 

Jean Macé maire de Saints-en-Puisaye

 

 

Philippe Collin, agriculteur à Blacy

 

L'eau polluée de Chassignelles

 

 

Allocution d'entrée - Conférence-Débat du 23 Mars 2018 à Lucy sur Yonne

 

AU NOM DE L’ASSOCIATION LUCYTOYENS…

 

Lionel Deschamps, président de l'association Lucytoyens

 

 

Faisons un rêve suivant une formule restée dans toutes les mémoires :
Faisons un rêve… et dans ce rêve, projetons-nous dans un monde idéal…

Dans ce monde idéal, les pesticides seraient le nom d’une galaxie lointaine.

Dans ce monde idéal, l’agriculture chimique serait une pure légende pour
effrayer les petits enfants.

Dans ce monde idéal, herbicides, fongicides, insecticides seraient synonymes
d’engeance, détresse et dévastation.

Dans ce monde idéal, les néologismes « produits phytosanitaires » ou pire
« produits phytopharmaceutiques » seraient cités comme exemple de la
perversion narcissique d’un ancien monde corrompu, définitivement révolu.

Dans ce monde idéal, les associations comme la nôtre, (issue d’une commune
de 150 habitants), marcheraient la main dans la main avec leur municipalité,
dans l’intérêt collectif, bien au-delà de leur vénérable clocher, sans être obligées
de passer par un délégué du défenseur des droits pour obtenir une conciliation
ou sans avoir à envisager le secours de la justice par un cabinet d’avocats.

Dans ce monde idéal, nous boirions l’eau des rivières, nous mangerions fruits et
légumes sans aucun traitement artificiel et nous cesserions d’abattre ou de faire
disparaître des milliards d’êtres vivants dans des conditions dignes de
l’apocalypse. En respirant un air pur.

Dans ce monde idéal, nos autorités de tutelle n’attendraient pas qu’une pétition,
des articles de presse, des émissions de télévision, de radio ou des sites internet
fassent le travail de communication et de transparence à leur place.

Dans ce monde idéal ces mêmes autorités dûment invitées en temps opportun
n’attendraient pas la veille d’une soirée comme celle-ci pour manifester leur
besoin de venir se justifier (nous saluons cependant l’ARS et la DDT pour avoir
demandé d’être présentes et nous leur céderons la parole dès ce rêve achevé).

Dans ce monde idéal, les textes de lois, les règlements, les circulaires ne
s’empileraient pas comme des mille-feuilles jusqu’à étouffer toute forme de
crédibilité et d’intelligibilité sous le couvert de la légalité.

Dans ce monde idéal, enfin, il n’y aurait pas deux poids, deux mesures, entre les
petites communes rurales et les agglomérations plus importantes et les
habitant(e)s des campagnes seraient logé(e)s à la même enseigne que les
autres : en citoyen(ne)s respectables et respecté(e)s et non considéré(e)s
comme quantité négligeable.

Voilà ce rêve à son terme. Il a été court comme courtes ont été nos nuits depuis
l’interdiction de consommer l’eau de notre réseau local sans explication autre
qu’un avis de pollution laconique levé sine die malgré la persistance augmentée
de cette pollution, avec un cynisme et une absurdité dignes d’une république
bananière.

Je ne pourrai évidemment pas conclure sans souligner l’indéfectible soutien de
notre toute-toute petite équipe locale et -pour la majeure partie- néophyte qui
a accepté de se mobiliser sans faillir depuis trois longs mois au cours desquels
beaucoup de temps et d’énergie ont été consacrés à une juste cause pour
laquelle nous savons pertinemment que ce n’est qu’un début ; sans oublier les
nombreuses et importantes associations-soeurs qui défrichent courageusement
ce terrain depuis tant d’années et les près de 4800 signataires de notre pétition
au Préfet de l’Yonne, toujours en cours et jusqu’à la fin du mois.

Je tiens également, personnellement, à remercier mes deux fils de 9 et 11 ans
pour leur patience car ils n’ont pu profiter de leur père autant qu’à
l’accoutumée, trop accaparé par ce combat qui leur est -fort heureusement- en
grande partie dédié.

Vous n’oublierez pas non plus de verser votre éventuelle obole solidaire par les
moyens à votre convenance pour nous aider à continuer notre action.
Je vous remercie de votre attention,

 

Lionel DESCHAMPS

 

Président de l'Association Lucytoyens