Patrice Latron préfet de l'Yonne, représentant du gouvernement lors de l'annonce de la non fermeture du collège Bienvenu-Martin

 

 

Jusqu'au 15 avril, les citoyens étaient invités à consigner leurs remarques dans les mairies de Monéteau, Venoy et Auxerre où des registres étaient prévus à cet effet dans le cadre de la consutlation publique prévue par la loi. Deux réunions avaient été organisées à Laborde hameau d'Auxerre perché sur la colline et à Monéteau.

La suppression décidée par l'État, en 2012, pour des raisons de sécurité, du passage à niveau de Jonches aura deux conséquences. La nécessité de définir un tracé routier de contournement pour relier la départementale à la nationale vers Saint-Florentin à proximité de Monéteau, donc de franchir la voie ferrée ailleurs et autrement d'une part, et d'autre part, la nécessité de définir un tracé afin de désenclaver les habitants du hameau d'Auxerre à Laborde.

Que ressort-il de ces consultations publiques qui ont rassemblé beaucoup de monde et fait salles combles ?

# Les responsables des services de la Dreal ont présenté le tracé 5 retenu par d'autres collègues, en 2012, donc parmi 5 tracés envisagés. Deux variantes du tracé 5 sont issues d'études préliminaires en 2009 où les 5 tracés avaient été étudiés et définis.

Ce tracé 5 qui passe grosso modo entre le rond point de Jonches et Monéteau en montant, a été présenté avec deux variantes très proches, l'une passant un peu moins loin des habitations. Les ingénieurs de la Dreal qui sont compétents, ont bien précisé qu'ils assumaient le dossier mais que ce n'est pas eux qui ont choisi ce tracé qu'ils présentaient aux consultations publiques.

La variante routière, la plus "éloignée" de Monéteau, est clairement celle qui est mise en avant par l'administration. Le coût du projet est estimé à 18,5 millions d'euros financé à 100 % par l'État. Le lancement des travaux est prévu fin 2019, et la réalisation en 2021. Le nouvel itinéraire rallonge le trajet  vers Auxerre de 3 kilomètres pour les habitants de Laborde.

 

Le tracé 5 de 2009, ils n'en veulent pas

 

# Il ressort clairement des deux réunions de consultations publiques que les habitants de Laborde et de Monéteau ne veulent pas du tracé 5. Ils l'ont fait savoir de manière argumentée et consignée dans les livres de registre ouverts, jusqu'au 15 avril, qui vont être dépouillés par la Dreal. Idem pour les élus de ces territoires, maire de Monéteau en tête, et du département, à l'exception notable de Guy Férez, maire d'Auxerre et président de la Communauté d'agglomération, qui semble mettre ses pas dans ceux du préfet de l'Yonne et de l'État.

En outre, il faut souligner que le sentiment général partagé, est d'avoir été trompé, la consultation publique ne servant qu'à choisir un tracé déjà choisi : pourquoi dans ces conditions, faire appel au citoyens pour les consulter ? Pour choisir entre l'une et l'autres variante du même tracé ... ?

# À quoi sert donc une consultation publique prévue par le loi ?

La consultation publique vise à informer la population et à recueillir ses observations, propositions et contre-propositions préalablement à la prise de certaines décisions administratives. À la différence de l’enquête publique, la consultation publique n’est pas menée par un commissaire-enquêteur. Il existe différents types de procédures prévues par le code de l’environnement nécessitant l’organisation d’une consultation publique avant toute prise de décision.

# À quoi sert l'enquête publique (*) pour le contournement de Jonches, qui sera lancée, selon le calendrier, à l'automne 2018 ?

L’enquête publique est organisée sur un projet arrêté par le décideur : des modifications peuvent y être apportées, mais sans modifier l’économie générale du projet. Et il est rappelé que le commissaire enquêteur désigné par le tribunal administratif, peut donner un avis défavorable ou des réserves ou des recommandations.

 

Le cap du préfet

 

Le préfet de l'Yonne Patrice Latron est le représentant du gouvernement. Or la décision du ministre des Transports et l'arrêté qui va avec, de supprimer le passage à niveau de Jonches jugé dangereux et classé comme tel au plan national, date de 2012 incluant le tracé préalablement choisi par un comité de pilotage et déjà refusé par le représentant de la commune de Monéteau, le compte rendu de la réunion en atteste.

Le double accident mortel au passage à niveau qui a coûté la vie à une mère et son fils, le 16 janvier 2018, a accéléré les choses et réveillé le dossier. Un calendrier a été établi par les services de l'État et la procédure lancée avec deux consultations publiques et des registres ouverts à disposition du public.

La position du préfet de l'Yonne est celle de la continuité de l'État. Il est donc tenu de poursuivre la procédure engagée et faire appliquer l'arrêté de suppression du PN 19 de Jonches datant de 2012. À ses yeux, les fonctionnaires de la Dreal sont parfaitement compétents (on n'en doute pas).

Le représentant de l'État dans l'Yonne n'a pas l'intention de remettre le dossier à plat, ce qui reporterait au moins de cinq ans l'affaire et les crédits d'État non négligeables (au bas mot 20 millions d'euros) y afférents pour financer les infrastructures nécessaires. Autre argument : si on retarde, et que survient un nouvel accident dramatique au passage à niveau, que ne dirait-on au préfet dont les oreilles siffleraient ...? 

Cet argument final en quelque sorte, touche à l'émotion, et  a le don de provoquer l'agacement du président du Conseil départemental de l'Yonne qui y voit une forme de chantage. Il faut savoir que les relations entre les deux hommes sont excellentes.

De manière plus générale, on peut opposer au préfet les accidents survenant ailleurs et tout aussi dramatiques, sans qu'on ne puisse agir directement sur leurs causes. Deux morts à Jonches valent bien deux morts au carrefour de Ligny-le-Châtel sur la route qui mène à Saint-Florentin, un carrefour mortel s'il en fut. Donc, si on suit cette logique de sécuriser le PN 19 à Jonches en le supprimant purement et simplement pour qu'il n'y ait plus d'accidents mortels, il faudrait sécuriser tous les endroits où se produisent des accidents mortels.

 

Le risque d'enterrer le dossier

 

Au-delà se posent deux questions : à quoi sert la consultation publique s'il n'en est pas tenu compte ? Les hauts fonctionnaires de la Dreal vont dépouiller les registres et rendre compte au préfet. Sans connaître les conclusions qu'ils en tireront, et sans préjuger, on ne peut donc exclure que le préfet de l'Yonne  en tire des conséquences qu'il - et lui seul - jugera nécessaires. Resterait à savoir lesquelles ...

Le représentant de l'État dans l'Yonne est un homme pragmatique et ouvert mais il est le représentant de l'État, financeur exclusif de la suppression du PN 19 et du contournement nécessaire, deux opérations qui dervont être menées de conserve.

Dans l'état actuel de la connaissance du dossier, une remise à plat semble s'imposer si l'on entend tenir compte de l'avis exprimé par les populations concernées directement et consultées. Et le tracé 1, plébiscité, retenu, à la place du tracé 5, qui ferait l'économie de devoir construire un barreau complémentaire (6 à 9 millions d'euros instruit et financé par la Communauté d'agglomération.

Nous ne prenons pas en compte, ici, l'abandon pur et simple de la suppression du passage à niveau prônée par beaucoup qui considèrent qu'un aménagement approprié rendrait non dangereux.

Certes, cela nécessiterait la fin de la mise en sommeil du comité de pilotage et deux ou trois réunions. Nous avons la faiblesse de croire que cela ne s'éterniserait pas pendant cinq ans, et que promptement menée, l'opération de rectification ou plus exactement de substitution, ne devrait pas retarder l'accomplissement du projet global.

Mais le préfet peut emprunter une autre voie, compte tenu du dossier et des informations en sa possession - on a le droit de se demander s'il est réellement bien informé -  et poursuivre la procédure engagée en allant vers l'enquête publique sur la variante routière du tracé 5. Il y a quelques voix, notamment celle d'un élu rompu et d'un ingénieur des routes, des hommes libres et de bonnes moeurs, du centre et de troisième ligne, qui ne vivent pas dans le secteur, mais, contre le courant général, estiment que le tracé 5 est le meilleur et s'impose. Peut-être l'est-il, après tout, mais il faudrait en connaître les critères qui n'ont jamais fait surface, au contraire, lors des consultations publiques qui le déclassent de manière apparemment imparable : la plaine des Îles est un bassin de captage dans un contexte général d'eau polluée, dans l'auxerrois.

Dans cette hypothèse de poursuite de la procédure engagée vers l'ouverture de l'enquête publique, l'on ne peut exclure que le commissaire enquêteur, finalement, doive se résoudre à rendre un avis défavorable, enterrant le dossier, à la fois de la suppression du passage à niveau de Jonches et la réalisation du contournement qui, du coup, n'aurait plus de raison d'être.


 

Pierre-Jules GAYE


______________________________

(*) Aujourd’hui, tout projet d’urbanisme est officiellement précédé d’une "enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique", censée déterminer s’il répond à un besoin.
La réalité est cependant bien différente.
Dans les faits, les enquêtes publiques se déroulent tardivement, à partir d’un projet déjà élaboré (souvent sans concertation) qui, compte tenu des énergies et des moyens dépensés à ce stade, ne peut plus être abandonné. Le commissaire enquêteur est quelque fois perçu comme un alibi démocratique qui conclut fréquemment par un "avis favorable" au projet. _ Tout "avis défavorable" provoque des recours de l’autorité publique ou des modifications légères du projet, de façon qu’il finisse par être adopté. Le commissaire enquêteur se trouve réduit, en cas de protestations des habitants, à minimiser les inconvénients et à tenter de justifier la réalisation du projet qui lui est soumis.
Le tribunal administratif de Bordeaux a, pour cette raison, annulé le 1er avril 2007 le projet de contournement autoroutier de Bordeaux : l’enquête publique n’était qu’une mise en scène de démocratie pour un projet déjà décidé.
La preuve en est que lorsqu’une enquête publique se termine exceptionnellement par un avis défavorable, la presse en fait ses gros titres. Le 11 septembre 2007 par exemple, l’avis défavorable à un "gros projet urbain de Noisy-le-Grand" a donné lieu à une dépêche de l’AFP. La preuve en est encore que le 1er octobre, le président du conseil général des Alpes-Maritimes Christian Estrosi, déclare, au sujet de la construction d’un nouveau port, à Nice : "La décision de principe, je l’ai prise. Les études qui viennent d’être lancées apporteront une réponse sur les conditions de faisabilité de ce projet" (dépêche AFP N° POB41 du 1er oct 2007, à 17H30). C’est dire quelle est l’utilité de l’enquête publique "préalable" et la considération qui lui est portée, notamment par un ex-ministre de l’aménagement du territoire.
Une véritable enquête publique ne serait pas réalisée sur un projet déjà établi, mais avant toute décision administrative. L’enquête ne se déroulerait pas sur un projet mais sur une idée, une proposition, et précéderait le travail d’élaboration technique.

 

Le tracé mis en avant par la Dreal car retenu par le comité de pilotage en 2012. Déjà à l'époque, le représentant de Monéteau y était opposé

 

 

 

Le tracé 1 plébiscité par les populations consultées

 

Carte dessinée par Collectif Laborde FB qui situe bien le tracé 1 et montre les idées exprimées pour améliorer l'infrastructure desservant le hameau de Laborde, plus du tout adaptée aux exigences modernes : l'étroitesse des petites routes sinueuses, dangereuses par endroits, dans la descente de Laborde comme sur les liaisons avec Égriselles

 

 

 

 

 

 

À Laborde hameau d'Auxerre de 1 500 habitants, c'est l'incompréhension et la grogne qui règnent après la réunion publique de consultation sur le contournement du passage à niveau 19 de Jonches, que l'État a décidé de supprimer car il est jugé trop dangereux.
Incompréhension et grogne parce que les habitants pensaient - du moins est-ce le sentiment général - qu'ils seraient associés au choix du contournement.
Or le tracé 5, avec deux variantes très proches, leur a été imposé. Un tracé qui ne convient pas aux usagers lesquels ont d'autres propositions à formuler.

 

 

 

 

 

 

 

 

_______________________

Puisque vous êtes là .... nous avons une faveur à vous demander. Les lecteurs d'Auxerre Tv sont de plus en plus nombreux, mais nous n'avons pas de revenus publicitaires ni subventions. Et contrairement à certains éditeurs nous n'avons pas créé une formule d'abonnement parce que nous voulons conserver notre formule aussi ouverte que possible. Vous pouvez donc vous rendre compte pourquoi nous avons besoin de vous demander votre aide. L'indépendance d'Auxerre TV et sa part de journalisme d'investigation prend beaucoup de temps, d'argent et de dur labeur pour produire les articles illustrés. Nous le faisons parce que nous croyons que notre ligne éditoriale importe et est peut-être importante pour vous aussi.

Si chacun, qui lit nos reportages et les apprécie, aide à les financer, notre avenir sera beaucoup plus sécurisé. Pour aussi peu que 5 euros, vous pouvez promouvoir Auxerre TV et cela ne prend qu'une minute. Apportez une contribution - Le staff d'Auxerre TV

__________________________