Créés il y a maintenant 100 ans, les Syndicats Intercommunaux d’Électrification constitués le plus souvent à l’échelon d’un canton ou d’une vallée, les S.I.E. ont pour objet "la concession de la construction et de l’exploitation d’un réseau collectif de distribution d’énergie électrique". Rien de mieux que le grand livre qui comprend plus de 800 écritures comptables pour comprendre sa mutation, ses orientations stratégiques et ses investissements, du syndicat, de cette dernière décennie.

Un mois et demi plus tard, Mahfoud Aomar a reçu le document, qu'il a analysé au travers de contrôles de cohérence et certains investissements le laissent toujours perplexe. Celui qui est aussi président de la Communauté des communes de l'Aillantais et maire de Valravillon, révèle et explique à tous ce qui aurait dû interpeler les élus qui participent, chaque année, au vote du budget sans mot dire.

Comment se fait-il que le Syndicat départemental d'énergies de l'Yonne qui regroupe toutes les communes du département à l'exception d'une quinzaine dont Sens et Auxerre, fonctionne comme il fonctionne ?

Sachant que les délégués des communes y sont représentés et sont en mesure et en responsabilité de contrôler la gestion ?

On est en droit de se poser la question après avoir entendu Mahfoud Aomar, maire délégué de sa commune Valravillon (Guerchy),  à l'assemblée générale du SDEY et au-delà, président de l'Association des Maires de France 89 (AMF89) et président de la Communauté des communes de l'Aillantais.

Le SDEY rassemble tous les syndicats d'électrification de l'Yonne. Son budget est de l'ordre de 25 millions d'euros, pour environ 35 salariés.

Avec la ventilation suivante :

  • 9 millions d'euros en fonctionnement et
  • 16 en investissement.

Les recettes sont composées

  • de la taxe communale sur la consommation d'électricité qui figure sur chaque facture des consommateurs (60 % du budget)
  • de la redevance de concession (14 % du budget)
  • les participations des communes à travers les projets.

 

Voyage à Las Vegas voté après coup

 

Mahfoud Aomar a eu la puce à l'oreille lorsqu'il a appris que des dirigeants du SDEY avaient effectué un voyage d'études à Las Vegas dans le Nevada au "Consumer electronic show" consacré à l'innovation technologique en électronique grand public, afin de rencontrer des entreprises françaises (sic), voyage qui a été approuvé et validé, au retour. Comme un rattrapage de balle de fond de cour.

Bref après coup. A posteriori. Devant le fait accompli.

Sur les 30 membres votants en assemblée :

  • 3 ont voté contre (dont Mahfoud Aomar).
  • 2 se sont abstenus.
  • de plus, le débat d’orientation budgétaire 2018 où l'élu de Guerchy a tiqué sur l'augmentation de 35 % de la masse salariale sans plus de précision sur les nouvelles compétences, les profils et parcours des salariés.

Mahfoud Aomar ainsi motivé, a donc demandé - comme tout élu délégué en a le droit -  à consulter le grand livre  du SDEY où sont inscrites toutes les dépenses ligne par ligne. 

Il se dit stupéfait par ce qu'il a découvert en le lisant.

Le SDEY est sorti de son coeur de métier, l'électrification, au profit d'autres activités et sur la base de quel plan stratégique et sur quels fonds, à quelles fins ?

Une piste serait les « nouvelles technologies qui mobilisent des sommes » importantes au budget communication, de l'ordre de 350 à 400 000 euros, soit 8% du budget de fonctionnement réel de 4,594 millions d'euros (les autres quelques 5 millions d'euros qui apparaissent en fonctionnement étant réinvestis).

Mahfoud Aomar juge surdimensionnée cette enveloppe du budget communication alors que le SDEY dispose d'une clientèle captive et n'a pas de prospect.

Sa cible principale, ce sont les communes qui n'ont pas le choix, les élus.
Quel autre cible souhaite-t-il atteindre avec le panneau publicitaire hors de prix qui défile une fois tous les quinze jours pendant le match au stade de l'Abbé Deschamps ?

Idem pour les frais coûteux de voeux dans la presse locale : et Mahfoud Aomar d'interroger est-ce que c'est le rôle d'un syndicat et d'une collectivité de présenter ses voeux ... ?

 

Parapluies, livre et marché

 

Quelles sont les retombées économiques des 20 000 euros investis en d'objets publicitaires parapluies en tête ?

Tout autant pour livre publié dont les seuls frais d'envoi totalisent 8 000 euros et que le Président pouvait dédicacer telle une rock star ?

Peut on s’interroger sur le marché annuel d'une entreprise qui a quadruplé au fil des ans, pour atteindre 200 000 euros, sur simple bon de commande, précise l'élu de l'Aillantais sans qu'il ait réussi à savoir - pas de réponse - comment cette entreprise a été choisie et selon quelles notations dans l'appel d'offre ?

À l'heure où les élus et les communes ont la volonté de retrouver des marges financières, Mahfoud Aomar affirme que le SDEY, le syndicat le plus riche de l'Yonne, n'a pas le droit de faire n'importe quoi. Les temps ont changé, on n'agit plus comme il y a 40 ans. "La transparence et la clarté doivent être de rigueur. Il faut rentrer dans les détails : les élus et les gens ont le droit de savoir ce qu'on fait de leur argent. Certes ce n'est pas simple à voir mais il faut demander des comptes et procéder ligne par ligne. On découvre des surprises..."

Par exemple 10 téléphones portables dont 5 facturés plus de 500 euros. Les chiffres ne disent pas tout. Qui en bénéficie et pourquoi, un téléphone étant souvent lié à un abonnement ?

Et puis il y a les indemnités mensuelles auxquelles s'ajoutent des frais de représentation de l'ordre de 600 à 700 euros. Et la voiture de service avec carte essence (pas le week end) du président, 27 000 euros.

Que dire des frais de restaurant ? 20 000 euros en 2017. Soit 1 000 repas à 20 euros. Il faut être plusieurs. Et cela ne tient pas compte des frais de représentation du président  (700 euros sans compter la voiture) et des vice-présidents précise Mahfoud Aomar.

Mahfoud Aomar juge cela pas normal. Cela donne une mauvaise image pour les élus qui ne doivent pas avoir honte de ce qu'ils font. C'est le devoir des élus de dire les choses. "C'est la première fois depuis que je suis élu que je vois ce type de choses dans les comptes..." constate le président de l'Association des Maires de l'Yonne.

 

Une SEM obscure

 

Le SDEY a créé par ailleurs une SEM (société d'économie mixte qui intègre le privé) dont les motivations de sa constitution demeurent obscures ainsi que le mode de désignation des élus choisis pour former le conseil d'administration. L'objectif semble être de pouvoir développer de nouvelles activités tel que le parrainage de champs éoliens par exemple pour en percevoir les dividendes.

Quoi ?  Au profit de quoi ? Qu'est devenu le chargé de mission qui a monté le prévisionnel, fédère les partenaires et a convaincu les investisseurs ? Philippe Port. Licencié le jour où il devait prendre son poste de directeur général car il avait proposé de devenir mandataire social ce que le président a considéré comme une offense car lui voulait devenir PDG.

Un mélange des genres entre le SDEY et la SEM régit certainement par une convention mais dont on ne délimite pas qui finance quoi.

Des territoires dits intelligents, les lumières qui font tout, y compris à distance, les bornes électriques pour recharger les véhicules électriques et caetera, et caetera.

Lorsqu'il détaille les comptes dans le grand livre de la SDEY, Mahfoud Aomar découvre que le SDEY paye pour la SEM. Par exemple les annonces légales de constitution de la société parmi d'autres choses tels encore les frais de ménage. La SEM est déficitaire de l'ordre de 100 000 euros par an, c'est normal au début, explique M. Aomar, mais la réalité des coûts doit figurer rigoureusement dans les comptes.

Il est important de rapeller que le préfigurateur (homme d'expérience de la banque) avait prévu l'équilibre en année 2 et pas de rémunération du mandat de président. Comme ce fut le cas pour Michel Pisani à la tête de la SEM Yonne Équipement durant 15 ans.

Comment expliquer ces "stupéfactions" ?  Pourquoi les contrôles internes n'ont-ils pas tiré le signal d'alarme ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu de débat ...?

Réponse de Mahfoud Aomar :

"90% des délégués des communes au SDEY disent que ce n'est pas normal ce qui se passe..., ils le sentent, mais ne savent pas... Par peur ou confort ... ?

"Moi je n'ai pas peur, même des intimidations ..." affirme Mahfoud Aomar, "car elles n'ont pas de prise sur moi. Pas de prise financière car je vis de mes revenus, et aussi parce que ma conception de l'élu et de la vie publique ne correspondent pas à cette image. Il faut savoir qu'une indemnité n'est pas nécessairement une offense ! 90 % des élus sont bénévoles."

" On ne nous dit pas tout, c'est pourquoi je le dis. Si on ne dit pas, on continue dans le même sens et rien ne change dans les pratiques ..."

" Si les élus ne savent pas, ... ils ne pourront plus dire désormais, qu'ils ne savent pas... Alors soit ils cautionnent en connaissance de cause, soit ils ne cautionnent pas."

" Quant à moi, je n'ai aucune ambition de devenir président du SDEY. Chef d'entreprise j'ai déjà fait. Mahfoud Aomar est notamment cofondateur de l'enseigne nationale "Maisons du Monde".

Ce serait double peine pour le président si des dysfonctionnements étaient révélés.

Pour le syndicat : détournement de fonds publics.

Pour la SEM : abus de biens sociaux.

 


Pierre-Jules GAYE

 

 

 

Celui qui est aussi président de la communauté des communes de l'Aillantais et maire de Valravillon, révèle et explique, parce qu'il faut rompre le mur du silence et dire les choses sans quoi tout continuera

 

 " Si les élus ne savent pas, ... ils ne pourront plus dire désormais, qu'ils ne savent pas..."

 

 

 Mahfoud Aomar a eu la puce à l'oreille lorsqu'il a appris que des dirigeants du SDEY avaient effectué un voyage d'études à Las Vegas au "Consumer electronic show", afin de rencontrer des entreprises françaises (sic) voyage qui a été approuvé et validé, au retour. Bref après coup.

 

 La hausse de 35 % de la masse salariale au budget 2018 du SDEY a interpellé Mahfoud Aomar

 

 

Jean-Noël Loury, 66 ans, président du Syndicat départemental d'Énergies de l'Yonne, maire du Val de Mercy, ancien conseiller général